La nouvelle donne des bibliothèques universitaires au Royaume-Uni

Bernard Naylor

rois grands facteurs entrent en ligne de compte dans le fonctionnement des bibliothèques universitaires : la technologie électronique, l’évolution de la population étudiante, et l’importance accordée au contrôle de la qualité. La technologie électronique accroît considérablement le rayonnement des bibliothèques, mais en imposant à leurs utilisateurs de maîtriser certaines compétences pour avoir accès à l’information, elle a élargi les programmes d’études au nouveau domaine des « savoirs génériques ». De son côté, la généralisation des études supérieures a transformé la population étudiante et donné plus de relief à la formation continue et aux programmes de cours conçus à l’intention des personnes déjà entrées dans la vie active, deux tendances qui se sont bien sûr répercutées sur le financement et le fonctionnement des services de bibliothèque. Quant aux nouvelles procédures de contrôle de la qualité, elles ont renforcé les liens établis entre les bibliothèques et les départements universitaires, et obligé les premières à être plus attentives aux souhaits exprimés par les étudiants

There are three major factors affecting the delivery of library services to students: electronic technology, changes in the student community and an increased emphasis on the monitoring of performance. Electronic technology has increased the ability of the library to reach beyond its physical walls, but it has also affected the skills the user needs to access information successfully, and has created a new area of “generic skills” in the curriculum. The student community has changed through a move towards “mass higher education” and an increased emphasis on part-time and continuing education. This has affected the way that services to users are supported and delivered. New procedures for monitoring performance have reinforced the links between libraries and teaching departments and required libraries to be more responsive to student demands

Drei wichtige Faktoren bestimmen die Funktionsweise von Universitätsbibliotheken: die elektronische Technik, die Entwicklung der Studenten und das Gewicht das man heute der Qualitätskontrolle beimisst. Die elektronische Technik hat den Wirkungskreis der Bibliotheken stark erweitert, setzt aber seitens ihrer Benutzer bestimmte Kenntnisse voraus damit sie Zugang zu den Informationen bekommen. Dadurch hat sie das Studienprogramm um ein “allgemeines, interdisziplinäres Wissensgebiet” erweitert. Die Ausbreitung von höheren Studien hat ihrerseits die Studentenstruktur geändert und Weiterbildungskurse sowie Studienprogramme für Berufstätige klarer herausgestellt, zwei Tendenzen die natürlich einen erheblichen Einfluss auf die Finanzierung und das Funktionieren von Bibliotheksdiensten haben. Was die Qualitätskontrolle betrifft so hat sie die zwischen Bibliotheken und Universitätsabteilungen bestehende Kontakte verstärkt und erstere dazu verplflichtet näher auf die Wünsche der Studenten einzugehen

Tres grandes factores entran en línea de cuenta en el funcionamiento de las bibliotecas universitarias : la tecnología electrónica, la evolución de la población estudiantil, y la importancia acordada hoy en día al control de calidad. La tecnología electrónica acrecienta considerablemente el resplandecimiento de las bibliotecas, pero imponiendo a sus usuarios el dominio de ciertas competencias para tener acceso a la información, ésta ha ampliado los programas de estudios al nuevo ámbito de los “saberes genéricos”. Por su parte, la generalización de los estudios superiores ha transformado a la población estudiantil y dado más relieve a la formación continua y a los programas de cursos concebidos para personas ya entradas en la vida activa, dos tendencias que se han repercutido por supuesto en el financiamiento y el funcionamiento de biblioteca. En cuanto a los nuevos procedimientos de control de calidad, éstas han reforzado los lazos establecidos entre las bibliotecas y los departamentos universitarios, y obligado las primeras a estar más atentas a los deseos expresados por los estudiantes.

La cohérence a toujours été l’un des maîtres mots du travail des bibliothèques. Outil fondamental, le catalogue ne sert efficacement l’usage auquel il est destiné que dans la mesure où il reflète ce souci de cohérence dans la continuité, sur des siècles parfois, et en dépit des changements de personnes. Or, depuis quelques années les bibliothèques universitaires du Royaume-Uni vivent au rythme des modifications substantielles apportées à leur organisation.

Il y a à cela trois grandes raisons. Tout d’abord, la masse des documents présentés sous forme électronique est de plus en plus volumineuse, et depuis sept ans ce processus connaît une accélération rapide impulsée par le développement du World Wide Web. Ensuite, la population étudiante s’est profondément transformée, selon une évolution qui appelle à son tour des changements. Enfin, la politique de l’éducation en vigueur au Royaume-Uni accorde de plus en plus de valeur au contrôle de la qualité de l’enseignement proposé aux étudiants.

Les ressources électroniques

Le rapport Follett 1 (1993) insistait tout particulièrement sur la nécessité de procéder à la numérisation des collections de bibliothèque, alors pourtant qu’à l’époque de sa publication il ne pouvait prendre en compte les effets annoncés du World Wide Web, puisque le réseau des réseaux n’était pas encore opérationnel.

Le programme de développement eLib a été engagé à la suite des recommandations énoncées dans ce rapport 2, financé sur fonds de l’État et étendu au pays tout entier. Il a incité les bibliothèques universitaires à s’engager concrètement dans l’examen des diverses formules envisageables pour offrir à leurs utilisateurs de nouvelles prestations. La mise en place d’eLib permit au personnel des bibliothèques d’acquérir une précieuse expérience, et si la plupart des projets alors engagés n’ont pu être poursuivis faute d’un renouvellement des crédits, quelques-uns se sont traduits par la création de services aujourd’hui pleinement opérationnels.

La quantité de plus en plus considérable de documents à caractère éducatif ou hautement spécialisés qui circulent à l’heure actuelle sur le web a naturellement conduit à modifier l’organisation des tâches dans les bibliothèques universitaires. L’obligation dans laquelle elles se trouvent de travailler en étroite collaboration avec des techniciens spécialisés qui maintiennent les réseaux et le matériel informatique mis à la disposition de leurs utilisateurs est un des corollaires de la mutation en passe de transformer en réalité le concept de « bibliothèque ouverte ».

Il devient presque normal, maintenant, d’attendre de ces établissements qu’ils soient accessibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept ; sur certains points (consultation du catalogue et des revues électroniques), cette exigence est d’ailleurs remplie par des serveurs qui fonctionnent sans requérir la présence du personnel. D’ores et déjà, toutefois, la demande s’étend à d’autres secteurs, comme nous le verrons plus loin.

Tout en autorisant une incontestable amélioration des services, la technologie électronique implique aussi que les usagers soient formés à son utilisation. Certes, il est toujours plus confortable de se servir des outils que l’on connaît bien, mais il faut aussi reconnaître que la complexité intrinsèque de l’outil informatique ne dépend pas uniquement de sa nouveauté. Le personnel des bibliothèques se voit donc contraint de se consacrer beaucoup plus que par le passé à l’« orientation » du public. À un certain niveau, ce surcroît de travail se manifeste par la multiplication des demandes d’information qui lui sont adressées. Il se répercute également, de façon cette fois plus productive, sur l’augmentation du temps passé par le personnel à apprendre à des groupes d’étudiants comment se servir d’Internet pour accéder à ses ressources documentaires.

La technologie électronique a par ailleurs conduit à repenser fondamentalement le contenu des cursus universitaires. Le rapport Dearing 3 (1997) a préparé cette démarche de façon très exhaustive et cohérente, même si l’on peut regretter que ses recommandations n’aient pas toujours été examinées avec l’attention qu’elles auraient méritée.

Plus personne ou presque, cependant, ne conteste qu’en sus des connaissances relatives à telle ou telle discipline universitaire, les étudiants doivent désormais acquérir des « savoirs génériques ». Dans de très nombreux domaines, en effet, la clef de la réussite passe par la capacité à trouver et évaluer l’information, mettre en forme un texte, organiser et exposer des idées en public, se repérer dans le monde éminemment complexe des réseaux informatiques. La responsabilité de l’enseignement de ces savoirs génériques n’a pas encore, jusqu’à présent, été confiée à un cercle de spécialistes particulier. En attendant, les bibliothécaires doivent donc trouver sur leurs horaires le temps de pallier ce manque, tout en s’acquittant de leurs autres responsabilités.

Les étudiants

La population étudiante du Royaume-Uni a changé. Bien que le pays soit à cet égard quelque peu en retard sur d’autres, l’opinion admet aujourd’hui la nécessité de passer définitivement à l’ère de l’« enseignement supérieur de masse ».L’augmentation significative du nombre des étudiants ne s’est pas pour autant accompagnée d’une hausse en proportion des moyens d’assurer leur formation. Reste que les sommes dépensées par étudiant sont assez élevées en comparaison de ce que l’on observe dans d’autres pays où l’enseignement supérieur s’est effectivement ouvert à toutes les catégories sociales. À cet égard, le faible taux d’échec universitaire enregistré au Royaume-Uni est présenté comme la preuve que, si cher qu’il soit, ce système d’enseignement a un coût incompressible.

Les étudiants que nous côtoyons et accueillons à leur sortie du secondaire payent pour leurs études un prix qui n’a jamais été aussi élevé. Aussi se considèrent-ils comme des « consommateurs » du « produit » (l’enseignement supérieur) que nous leur vendons. Ils sont par conséquent plus exigeants envers nous, et ne se satisfont pas toujours des réponses que nous apportions à leurs aînés. À nous, donc, d’essayer de répondre aux demandes qu’ils nous adressent, qu’il s’agisse du perfectionnement général du service des bibliothèques, de l’extension des horaires d’ouverture, d’une gestion plus performante des collections, de l’amélioration de la communication ou des prestations auxquelles ils ont droit.

À nous également d’équilibrer au mieux ce qu’ils disent vouloir avec ce que nous savons pouvoir leur offrir. Nous sommes parfois en mesure de leur proposer des solutions qu’ils n’avaient pas imaginé techniquement possibles ; parfois aussi, leurs réclamations s’avèrent inconciliables avec les contraintes, budgétaires ou autres, que nous devons respecter, celles par exemple que nous impose la législation sur le copyright. L’idée qu’ils peuvent toujours s’adresser ailleurs si nos services leur paraissent insuffisants n’a pas encore vraiment pris corps, mais cette éventualité se précise de mois en mois.

L’ouverture au plus grand nombre du système d’enseignement supérieur a notamment pour conséquence d’amener dans les universités une population plus atypique, constituée de personnes qui mènent leurs études de front avec une autre activité, soit qu’elles travaillent dans la journée, soit qu’elles aient des enfants à charge et ne puissent se libérer qu’en soirée pour leurs études. Or, la façon dont nos services sont organisés correspond en fait à une situation où les étudiants poursuivent leurs études à plein temps et participent pleinement à la vie de l’université. Tous ceux qui ne peuvent la fréquenter qu’à raison de deux ou trois fois par semaine, et ce uniquement le soir ou le week-end (périodes où le personnel de la bibliothèque est en nombre notablement réduit) modifient complètement la donne à laquelle nous étions habitués, mais les exigences qu’ils expriment sont tout ce qu’il y a de légitime dans le contexte du XXI e siècle. Nous sommes prêts à examiner attentivement leurs desiderata et à mettre en place des services précisément adaptés à leur situation.

Enfin, décidée à tirer pleinement parti des potentialités de la technologie, l’université envisage de mettre le savoir de ses spécialistes à la disposition d’une population beaucoup plus large. Les établissements qui assurent son financement ont lancé à l’initiative du gouvernement un projet d’« université virtuelle » (« e-university ») ouverte à des étudiants qui pourraient fort bien ne jamais mettre les pieds dans les locaux de l’institution qui leur dispense l’enseignement et valide éventuellement les diplômes le sanctionnant.

En collaboration avec huit autres universités (quatre du Royaume-Uni et quatre des États-Unis), l’université de Southampton travaille à l’élaboration d’un « Réseau universitaire mondial » (Worldwide University Network), qui, à terme, est bien sûr destiné à s’étendre. L’enseignement passera essentiellement par Internet, mais les étudiants seront rattachés aux universités locales parties prenantes du réseau. Quant à la forme que prendra le soutien que peuvent leur apporter les bibliothèques, la question est encore à l’étude.

Le contrôle de la qualité

La nécessité de protéger l’université de l’ingérence politique de son principal bailleur de fonds (le gouvernement) fut longtemps un des principes de base des instances responsables de l’organisation de l’enseignement supérieur en Grande-Bretagne. Depuis une vingtaine d’années maintenant, le gouvernement s’estime cependant de plus en plus fondé à exiger une évaluation de la qualité de l’enseignement prodigué par les universités afin de justifier les investissements engagés.

Les contrôles effectués en conséquence se font discipline par discipline, sous la responsabilité d’équipes de spécialistes qui se rendent dans les universités pour évaluer le contenu des cours dans une matière donnée. Aujourd’hui, ces inspecteurs s’attachent plus à l’application rigoureuse des méthodes pédagogiques d’enseignement et d’apprentissage qu’à leurs résultats eu égard à la maturation intellectuelle et à la réussite des étudiants.

Les conditions d’utilisation de toutes les ressources, aussi bien documentaires que matérielles (et principalement celles des bibliothèques) sur lesquelles s’étaye l’enseignement, ont, dès le tout début, été prises en compte par ces procédures d’évaluation. Dans l’ensemble, les universités ne voient pas d’un très bon oeil cette intrusion dans leurs affaires. Il en va autrement des bibliothèques, qui considèrent au contraire que les visites d’inspection leur évitent, lorsque les budgets doivent être revus à la baisse, d’être reléguées trop bas dans la liste des priorités, ou purement et simplement oubliées.

Quotidiennement, donc, les bibliothécaires s’emploient à préparer ces visites afin d’obtenir la meilleure note possible, qui généralement vient s’ajouter à celles attribuées aux différents départements universitaires. Ces efforts ont des effets positifs importants. Ils les amènent à travailler plus étroitement avec le personnel enseignant, car un des points examinés par les inspecteurs est précisément le suivi des relations entre les départements d’enseignement et les services qui sont rattachés à l’université et contribuent de façon essentielle à sa mission. Ils ont également accru le prestige de la bibliothèque. Inspectée à chaque visite disciplinaire, celle-ci s’est désormais affirmée en dépositaire de pratiques et d’expériences qui satisfont aux critères d’évaluation. De plus, les bibliothèques universitaires ont mis en place des procédures leur permettant de prendre en compte les avis émis par leurs utilisateurs quant à la qualité du service qu’ils y trouvent, et d’y répondre de façon adéquate.

Un service public redéfini

Force est d’admettre que ces changements à grande échelle ne se sont pas accompagnés d’une diminution en conséquence des responsabilités qui incombent traditionnellement aux bibliothèques universitaires, et que cette situation est aujourd’hui un facteur de tension considérable. Globalement, les évolutions constatées ont conduit ces institutions à opérer un rééquilibrage stratégique des fonctions qu’elles assurent auprès de leur public. Elles continuent comme par le passé à assurer les opérations de prêt, à guider et orienter les lecteurs, à les aider dans leurs recherches documentaires. Mais les nouvelles exigences auxquelles les soumettent l’informatisation, les étudiants et leurs autorités de tutelle les amènent à redéfinir le concept de « service public ».

Il devient de plus en plus évident que, pour remplir efficacement leur mission, les bibliothécaires ne peu vent plus se contenter de répondre aux demandes individuelles qui leur sont directement adressées dans les locaux mêmes de la bibliothèque.