La permanence du changement

La bibliothèque des sciences économiques et sociales de l'université de Genève (cf encadré 1)

Daisy McAdam

Cet article rend compte des pratiques en usage à la bibliothèque de la faculté des sciences économiques et sociales de l’université de Genève et de leur évolution depuis dix ans face au défi du changement, devenu un véritable enjeu dans la société de l’information. Il retrace l’évolution d’une équipe de professionnels confrontés à l’identification de nouveaux besoins et à la mise en place de nouveaux services et prestations à valeur ajoutée. Il résume l’action documentaire menée auprès des étudiants pour la réussite de leurs études. Évoluer en évaluant permet alors de constater que désormais le changement semble être devenu permanent.

This article gives an account of the practices in operation at the library of the Economic and Social Sciences Faculty of the University of Geneva, and of their evolution during the last ten years when confronted by the challenge of change, now a real issue in the information society. It outlines the progress of a team of professionals confronted with identifying new needs and with putting in place new services that give added value. It sums up the documentary action carried out with students to help with their studies. Evolving during the course of assessment makes it possible to ensure that future change will become permanent.

Dieser Artikel berichtet über die Erfahrungen die an der wirtschafts- und sozialwissenschaftlichen Fakultätsbibliothek der Universität Genf gemacht wurden sowie über ihre zehnjährige Entwicklung angesichts der geforderten Änderungen die in der heutigen Informationsgeselleschaft ein regelrechtes Problem darstellen. Er schildert die fortschreitende Entwicklung eines Teams, das mit der Indentifizierung neuer Bedürfnisse und der Erstellung neuer Dienst- und Mehrwertleistungen konfrontiert ist. Er gibt ebenfalls einen Überblick der Dokumantardienste bei Studenten, die oft zu deren Studienerfolg beitragen. “Evolution durch Evaluation” hat zur Feststellung geführt, dass von nun an mit einem beständigen Wandel zu rechnen ist.

La permanencia del cambio : la biblioteca de las ciencias económicas y sociales de la universidad de Ginebra. Este artículo da cuenta de las prácticas en uso en la biblioteca de la facultad de ciencias econámicas y sociales de la universidad de Ginebra y de su evolución desde hace diez años frente al desafío del cambio, que se ha convertido en lo que verdaderamente se ventila en la sociedad de la información. Describe la evolución de un equipo de profesionales confrontados a la identificación de nuevas necesidades y al montaje de nuevos servicios y prestaciones con valor añadido. Resume la acción documental llevada a cabo ante los estudiantes para el éxito de sus estudios. Evolucionar evaluando permite entonces constatar que de ahora en adelante el cambio parece que se ha vuelto permanente.

Illustration
Encadré 1- Université de Genève

“Libraries are not made; they grow.” Augustine Birrell (1850-1933)

Au carrefour de l’offre et de la demande, la position d’une bibliothèque universitaire a au moins l’avantage de jouer sur la proximité et d’agir sur un public plus ou moins captif. C’est le cas de notre biblio thèque qui est une bibliothèque centralisée de faculté.

Le public

La spécificité de notre bibliothèque réside dans la palette très large de ses utilisateurs (étudiants, professeurs, chercheurs, professionnels en formation continue, assistants, lecteurs externes) qui, tout en ayant chacun des besoins différents, participent tous de la politique générale d’offre documentaire proposée par nos services.

Les étudiants du 1er cycle, encore très scolaires, de la génération « zapping », veulent tout, tout de suite. Ceux des 2e et 3e cycles, MBA (Masters of Business Administration), enseignants et chercheurs, en contact souvent étroit avec les universités américaines, ont des exigences très précises quant aux nouvelles technologies documentaires. Les lecteurs externes, ouverture sur la cité oblige, cherchent des documents très variés liés à leurs activités professionnelles. Plusieurs grandes questions se posent alors à nous :

– Comment servir la masse d’étudiants de manière efficace et participer à la réussite de leurs études ?

– Faut-il distribuer l’information documentaire à la demande ou former les utilisateurs à la recherche documentaire ?

– Comment préparer efficacement ces différents publics à la société de l’information ?

Bref, comme tous les professionnels de l’information, nous sommes confrontés à deux voies : la première offre la solution de la facilité, tandis que la seconde ouvre des perspectives illimitées et représente l’aventure que peut vivre chaque équipe dynamique.

Il faut alors apprendre à s’adapter continuellement, rester à l’écoute des besoins et répondre efficacement à la demande, en rendant la documentation imprimée et électronique facile ment accessible pour assurer la meilleure exploitation de toutes les ressources disponibles.

L’identification de la demande

La bibliothèque de la faculté des sciences économiques et sociales de l’université de Genève a eu la chance d’être confrontée, en 1992, à un dé ménagement dans de nouveaux locaux qui nous a amenés à redéfinir les besoins de nos utilisateurs sur la base d’enquêtes et de questionnaires. Nous étions conscients du problème de la sous-exploitation des ressources documentaires et de la dissémination des informations, mais également sensibles à la notion de valeur ajoutée à prendre en compte dans la mise sur pied de nouveaux services.

Après de nombreuses lectures professionnelles et plusieurs visites de bibliothèques, principalement aux États-Unis, nous avons pris conscience de l’incontournable nécessité de créer un véritable service de référence (« Reference Desk »). Nous avons ensuite progressé dans l’accomplissement de cet objectif en évoluant par étapes successives selon un plan stratégique : identification des besoins, analyse de l’existant, définition de la mission, élaboration d’une politique de référence, construction de l’espace, mise en oeuvre.

Nous avons d’abord effectué un inventaire des ouvrages de référence et établi une demande de budget pour combler les lacunes et rafraîchir la collection. En 1991, sur la base de questionnaires, entretiens et observations directes, fut brossé le profil de nos utilisateurs placés au centre de nos préoccupations professionnelles par l’actuelle responsable du service de référence 1.

Après le déménagement dans le nouveau bâtiment d’Uni Mail, fruit d’une longue collaboration avec les architectes, nous sommes entrés dans une phase d’adaptation. Le service de référence est alors devenu véritablement opérationnel et apprécié de tous les publics, avec ses 4500 volumes régulièrement désherbés.

Nous avons ensuite entrepris, en 1994, par le biais de questionnaires et d’entretiens, l’évaluation et l’étude 2 de l’intérêt porté à la bibliothèque par les utilisateurs et les non-utilisateurs. Le taux de satisfaction était de 63 %. La principale revendication concernait les heures d’ouverture, qu’il fallait pouvoir augmenter. En 1995, nous avons fait plusieurs petites enquêtes pour mesurer l’impact de nos guides documentaires ainsi qu’un bilan de satisfaction au niveau de l’architecture et de l’aménagement, en vue de préparer l’agrandissement de la bibliothèque prévu par les architectes.

En 1998, nous avons évalué l’utilisation effective de nos ressources périodiques en vue d’un éventuel plan de désabonnement et d’évolution de la collection. En 1999, un groupe de travail a élaboré de manière très professionnelle une étude des besoins 3 en recherche et fourniture électroniques de documents auprès des enseignants et chercheurs de la faculté. Cette étude a débouché sur la mise à disposition de nos utilisateurs d’environ 500 titres de périodiques en ligne consultables sur nos pages web.

L’offre documentaire

Un bilan de l’évolution de l’offre documentaire ces dix dernières années permet de constater une continuelle remise en question, une adaptation des compétences et une évolution des connaissances de la part des professionnels. Une bibliothèque qui « grandit », c’est toute une équipe en marche.

Pour les recherches documentaires « à la demande » sur bases de données commerciales en ligne, nous disposons depuis 1987 du service « Docline ». Des accès directs aux bases de données sont également offerts aux étudiants au moyen de cédéroms (monopostes, puis en réseau) ou d’accès web. Depuis longtemps, comme la plupart des bibliothèques, nous organisons des visites et des démonstrations du catalogue en ligne pour faciliter la vie des utilisateurs et des bibliothécaires.

Mais, en ce qui concerne l’offre documentaire, 1992 a été un véritable tournant, avec la mise en oeuvre du service de référence « Doc’info » constitué de bibliothécaires spécialisés. Ce service est rapidement devenu le pivot central de l’approche qualitative des utilisateurs et la réponse à un grand nombre de leurs besoins. Il est au centre de la politique de la documentation et oeuvre au cœur de l’action documentaire. Il offre une garantie d’écoute et d’assistance à la recherche documentaire. Dans la foulée, une série de guides documentaires ont été élaborés de 1994 à 1997 (Géodoc, Hisdoc, Écodoc, Poldoc, Sociodoc). Ils ont été régulièrement réédités et figurent désormais aussi sur nos pages web.

Dès 1996, un cours de deux heures d’initiation à la méthodologie de la recherche documentaire pour les nouveaux étudiants a été inauguré et s’inscrit désormais dans le cursus académique de chaque rentrée. C’était une première forme de collaboration avec les professeurs, qui cédaient leur chaire à un duo de bibliothécaires. Depuis, la formation des utilisateurs, sous de multiples formes (« sur mesure » à la demande du corps enseignant, spécialisée pour le corps intermédiaire, ciblée sur des outils de recherche tels que les bases de données, etc.), n’a cessé de se développer.

L’année 1996 a vu la création de nos premières pages web. Elles sont constamment mises à jour et proposent aujourd’hui, entre autres, des bases de données et de périodiques accessibles en ligne pour les utilisateurs du campus, l’inventaire des thèses et des mémoires, une autoformation à l’interrogation des bases de données 4, Ressource « Plus » (sélection de sites web Pour Les Utilisateurs en Sciences économiques et sociales) avec des liens par disciplines, les nouvelles acquisitions, certains guides thématiques en version HTML (anciens guides documentaires), ainsi que l’accès au catalogue en ligne local et collectif. En 1997, au moment du changement de système informatisé, nous avons mis sur pied un programme d’information direct au moyen d’un stand d’exposition placé à l’entrée de la bibliothèque qui présentait les possibilités du nouveau catalogue en ligne VTLS-RERO sur grand écran.

L’aménagement dans de nouveaux locaux nous a amenés à réfléchir sur l’organisation de la collection et sa distribution dans l’espace disponible. Une signalétique cohérente a permis une orientation efficace. Le premier niveau est entièrement consacré aux secteurs de référence (service de référence, ouvrages de référence, références de semestre, références rapides, périodiques et zone d’actualité), et le deuxième niveau est occupé par la collection en prêt (monographies, brochures, thèses, mémoires). Avec ses 520 places de travail et ses 78 heures d’ouverture hebdomadaire, la bibliothèque est devenue incontournable pour les étudiants ; elle est aussi devenue un lieu de rassemblement. Les étudiants disposent d’un cyberespace de 45 PC intégré à la bibliothèque et de 6 photocopieuses. Récemment, en vue du développement de la formation des utilisateurs, nous avons doté notre salle de formation (24 places) d’un écran géant à haute résolution.

Le poumon de l’université

La société de l’information agit comme un détonateur. Dans cette société, le bibliothécaire, en tant que gestionnaire de l’information documentaire, est de toute manière interpellé. Il doit donc apprendre à se profiler comme un acteur à part entière en assistant les professeurs dans l’accomplissement de la mission de l’université. En sciences humaines, la bibliothèque représente le laboratoire ou, comme l’a relevé le Professeur Beat Bürgenmeier, doyen de la faculté, le « poumon de l’université ».

Après avoir réussi l’intégration de la bibliothèque dans sa faculté, le terrain semble assez favorable à une redéfinition des rôles du bibliothécaire, qui évolue vers un véritable partenariat de complémentarité. Le bibliothécaire devient un expert en information électronique comme le prouvent les nombreux projets en cours (thèses électroniques, « cyberdocument », sites Internet de qualité, campus virtuel). Il évolue simplement avec son temps en jouant son rôle d’acteur de la société de l’information sur la partition de la pertinence.

Évoluer professionnellement en adaptant son savoir-être et son savoir-faire et transmettre les nouvelles compétences acquises au moyen d’un programme de formation progressive sont les orientations résolument prises par notre bibliothèque. Elle est désormais bien intégrée à sa faculté et joue pleinement son rôle de médiateur et de formateur en information documentaire. Un seul hiatus : elle semble avoir atteint le seuil limite en emploi du temps de son personnel. De plus en plus sollicitée – n’est-ce pas là la rançon du succès ? – elle a de la peine à faire face à de nouveaux projets. Désormais, le changement semble être devenu permanent.

  1. (retour)↑  Marinette Gilardi-Monnier, À la recherche du lecteur méconnu : un regard sur les utilisateurs de la bibliothèque de la faculté des sciences économiques et sociales de l’université de Genève, Université de Genève, 1991.
  2. (retour)↑  Emmanuelle Benzieng, Valérie Fluckiger, Évaluation de l’exploitation des ressources documentaires : rapport de l’enquête, Université de Genève, 1994.
  3. (retour)↑  Joëlle Angeloz, Isabelle Maurer, Renato Scariati, Études des besoins en recherche et fourniture électroniques de documents auprès des enseignants et chercheurs de la faculté SES : rapport, Université de Genève, 1999.
  4. (retour)↑  http://www.unige.ch/biblio/ses/bdd/