Das Konzept der "Virtuellen Bibliothek" im deutschen Bibliothekswesen der 1990er Jahre

par Susanne Peters

Heidrun Wiesenmüller

Köln: Greven, 2000. -139 p. ; 21 cm. (Kölner Arbeiten zum Bibliotheks-und Dokumentationswesen ; H. 26). ISBN 3-7743-0580-3 / ISSN 0721-7587

Ce mémoire d’étude, conduit à la Fachhochschule (institut universitaire de technologie) de Cologne, aborde un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre (et pas seulement dans la littérature professionnelle !) : le concept de « bibliothèque virtuelle » dans la bibliothéconomie allemande des années quatre-vingt-dix. Cette recherche méticuleuse et bien documentée offre une vue d’ensemble des réflexions et des actions menées au cours des dix dernières années par les bibliothécaires outre-Rhin sous le nom de « bibliothèque virtuelle », c’est-à-dire sur la relation entre bibliothèque « traditionnelle », documents numériques et Internet 1 dans les bibliothèques.

L’auteur développe le thème en quatre chapitres et propose l’origine du concept de « bibliothèque virtuelle » et un choix de plusieurs définitions ; un tour d’horizon chronologique des discussions et de l’évolution de la bibliothèque virtuelle en Allemagne ; une évaluation de l’état actuel ; un aperçu des positions prises par les bibliothécaires sur leur avenir professionnel.

Si le discours sur l’étymologie du terme « virtuel » reste d’un intérêt plutôt académique, il faut néanmoins noter que le concept de « bibliothèque virtuelle » est souvent utilisé avec peu de discernement et généralement comme synonyme de « bibliothèque électronique » ou « bibliothèque numérique (ou digitale) ». Heidrun Wiesenmüller, quant à elle, utilise trois critères pour définir la « bibliothèque virtuelle » : la présence d’une grande quantité de données numériques, stockées sur différents lieux, leur mise en réseau au moyen des canaux de télécommunication, et un système d’accès unique pour l’usager.

La littérature professionnelle

L’examen de la littérature professionnelle selon ces critères permet de distinguer trois phases :

– la première est marquée par un intérêt croissant pour le concept, mais souvent accompagné de doutes et de scepticisme ;

– suit une phase de grand enthousiasme, voire d’euphorie, quand, entre 1994 et 1996, les bibliothécaires découvrent l’utilité du « numérique », et notamment d’Internet, pour l’exécution de leurs propres tâches et pour l’aide aux usagers. C’est à cette époque que plusieurs projets et programmes importants sont lancés, souvent avec le soutien financier de l’Association allemande de la recherche (Deutsche Forschungsgesellschaft, DFG 2). Les deux projets les plus remarquables, WEBIS 3 (Hambourg) et SSG-FI (Göttingen), établissent un point d’accès à des informations scientifiques et spécialisées disponibles dans les bibliothèques du pays et sur Internet ;

– la dernière phase, qui commence en 1997, correspond à des réflexions plus approfondies, nourries par l’expérience des années précédentes. L’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et, par conséquent, leur meilleure connaissance rend possible une approche plus posée, réaliste et pragmatique. C’est à cette époque que naît le projet de la Digitale Bibliothek NRW 4 (bibliothèque numérique Rhénanie-du-Nord-Westphalie), considéré comme exemplaire. Initiée en 1999 dans six universités du Land, cette bibliothèque « hybride » – elle permet l’accès à des ressources numériques ainsi que traditionnelles – offre aux usagers un dispositif uniforme pour la consultation des Opac, des documents numériques, comme une thèse, un article de revue disponible grâce à un contrat de consortium, ou encore une ressource sur Internet. Ce projet a d’ores et déjà reçu l’adhésion d’autres partenaires, mais il nécessitera d’autres participations pour remplir ses objectifs.

La situation actuelle

Sous l’intitulé « Espoirs et craintes », Heidrun Wiesenmüller introduit quatre perspectives pour l’évaluation de la situation actuelle : les coûts, l’utilisation, l’emploi dans la recherche et dans l’enseignement et la sécurité des données.

La promesse initiale d’une réduction importante des coûts ne sera pas réalisée, car les économies obtenues par la rationalisation de quelques activités ont été largement rattrapées par l’augmentation des coûts dans d’autres domaines, en particulier les sommes versées pour la migration périodique des données vers de nouveaux systèmes. L’auteur redoute au contraire une hausse des prix de la fourniture de l’information.

En ce qui concerne l’utilisation, c’est l’optimisme qui prévaut : il semble que surmonter les difficultés techniques dans la manipulation, et notamment, dans la lisibilité des dispositifs disponibles à l’heure actuelle, ne soit qu’une question de temps.

Les bibliothèques de recherche profiteront sans aucun doute de l’accès aux « bibliothèques virtuelles », ce qui n’est pas nécessairement le cas pour l’enseignement supérieur. En particulier, l’utilisation du multimédia en ce domaine nécessitera un examen au cas par cas en fonction des situations pédagogiques, si l’on veut répondre aux besoins. Très tôt, les bibliothécaires ont reconnu l’importance de la sécurité des données dans la « bibliothèque virtuelle » et ont commencé à développer des mesures efficaces pour maintenir l’intégrité des données archivées et stockées.

La dimension « virtuelle » des bibliothèques

Enfin, que pensent les bibliothécaires allemands de la dimension « virtuelle » de leurs bibliothèques ? La gamme des échos est variée, mais il semble que la majorité de la profession intègre les changements dans ses activités – ainsi que la concurrence d’autres acteurs en amont ! –, non seulement avec détermination, mais aussi avec une certaine ingéniosité.

Dans le cadre de la collaboration internationale, ils se sont penchés sur les questions du stockage des données numériques et du « catalogage » des sites Internet – notamment par l’établissement des métadonnées –, et en cela, ont rencontré un certain succès. Beaucoup reste à faire, surtout en direction d’une normalisation des procédures, mais les problèmes essentiels ont été traités.

En revanche, la littérature professionnelle n’a pas encore suffisamment abordé les questions de l’organisation et de la gestion des « bibliothèques virtuelles ». L’auteur attribue ce manque à un sentiment d’impuissance de la part des bibliothécaires, qui se trouvent confrontés à des réductions de ressources financières et de personnel, au moment où l’évolution des bibliothèques nécessiterait un apport supplémentaire. Pour remédier à cette situation au moins partiellement, elle propose la coopération à grande échelle entre bibliothèques, un outil qui a déjà fait ses preuves dans le passé. De plus, elle suggère que la réévaluation du rôle et des objectifs des bibliothèques, l’analyse systématique des besoins des usagers ainsi que leur formation pourraient également aider à sortir de l’impasse.

Pour Heidrun Wiesenmüller, le chemin vers la « bibliothèque virtuelle » requiert un changement dans l’état d’esprit des bibliothécaires ; elle souligne l’importance de la formation permanente, du travail en équipe – et éventuellement du télétravail –, de l’ergonomie, du design et, surtout, de l’amélioration de l’interface homme-machine. Quand elle conclut en observant que la profession a besoin « d’une science de l’information et des bibliothèques qui tient compte des changements actuels à vitesse vertigineuse », on ne doute plus que les problèmes de l’Allemagne soient tout autant l’affaire des bibliothécaires français.