L'organisation des collections au SICD2 de GrenobleAvec la participation de Lucie Albaret, SICD2 (Service interétablissements de coopération documentaire), Grenoble - Lucie.Albaret@upmf-grenoble.fr

Marie-Noëlle Icardo

De la présentation des collections à leur organisation en pôles disciplinaires, ce texte présente l’entreprise menée au Service interétablissements de coopération documentaire des universités de Grenoble 2 et 3 (sciences sociales et sciences humaines). Avoir pu subordonner l’organisation fonctionnelle et matérielle aux exigences intellectuelles de service au public pour l’accès à la documentation s’est révélé un atout ; insérer cette réorganisation dans la réfection totale du bâtiment fut difficile, mais l’espoir d’avoir prévenu les attentes est bien réel.

This article describes the undertaking carried out at the Service interétablissements de coopération documentaire of the Universities of Grenoble 2 and 3 (social sciences and humanities), with the aim of organising the collections around disciplinary foci. To have managed to subordinate the functional and material organisation to the intellectual demands of service to the public for access to information, has proved to be an asset; to integrate this reorganisation in the total renovation of the building was difficult; but, hopefully, expectations will have been met.

Der Artikel beschreibt die Vorgänge die zur Aufstellung nach Sachgebieten der Bestände des Bibliotheksservice für kooperative Dokumentationsversorgung zwischen den Universitäten 2 und 3 (Sozial- und Humanwissenschaften) in Grenoble geführt haben. Die Möglichkeit sowohl die funktionelle als auch die materielle Organisation den intellektuellen Erfordernissen der Dienstleistungen zur Informationsvermittlung unterzuordnen hat sich als Vorteil erwiesen. Die Reorganisation im Zuge einer völligen Renovierung des Gebäudes war schwierig, aber es herrscht Zuversicht, dass den gestellten Erwartungen entsprochen werden konnte.

De la presentación de las colecciones a su organización en polos disciplinarios, este texto presenta la empresa llevada a cabo en el Servicio interestablecimientos de cooperación documental de las universidades de Grenoble 2 y 3 (ciencias sociales y ciencias humanas). Haber podido subordinar la organización funcional y material a las exigencias intelectuales de servicio al público para el acceso a la documentación se ha revelado ser una baza; insertar esta reorganización en la refacción total del edificio fue difícil, pero la esperanza de haber prevenido las expectativas está presente.

Les universités Pierre-Mendès-France et Stendhal rassemblent toutes les disciplines de Sciences sociales et de Sciences humaines de l’enseignement supérieur grenoblois. À sa création, en 1991, le Service interétablissements de coopération documentaire (SICD2), l’un des deux héritiers de la bibliothèque interuniversitaire de Grenoble, est composé des sections Droit et Lettres, abritées depuis 1967 dans un bâtiment dont les plans intégraient les instructions de 1962, soit une organisation par sections et par niveaux d’étude.

Depuis la loi Edgar Faure sur l’enseignement supérieur de 1968, les facultés sont remplacées par des universités, qui regroupent des unités d’enseignement et de recherche, présentant quelquefois des regroupements de disciplines jusque-là inusités. Les sections de bibliothèques universitaires peuvent ainsi se trouver décalées, administrativement et structurellement. C’est le cas à Grenoble, où la section Lettres comporte toutes les disciplines de l’université Stendhal (Lettres, Langues et Communication) et une partie des disciplines de l’université Pierre-Mendès- France (Histoire, Histoire de l’art, Philosophie, Psychologie, Sociologie, Sciences de l’éducation). La section Droit, quant à elle, si elle ne concerne que l’université Pierre-Mendès-France (pour le Droit, les Sciences politiques, les Sciences économiques et la Gestion), n’est pas impliquée dans la totalité des disciplines de cette université.

Par ailleurs, la répartition des collections par niveau d’étude est d’un intérêt médiocre : veut-on empêcher les étudiants de premier cycle d’accéder à de vrais livres ? Veut-on retarder le moment où un étudiant en langues se jettera dans la lecture des textes ? L’accès aux périodiques, rangés à l’écart des livres de la discipline recherchée, doit-il être réservé aux plus persévérants ?

Précisons d’emblée que nous parlons ici de disciplines de sciences humaines et sociales pour lesquelles l’édition électronique, proportionnellement aux besoins rétrospectifs, est indigente et, de toute façon, peu prisée pour une lecture minutieuse et longue de textes. Précisons également que nous avons affaire à une bibliothèque d’environ 500000 livres, dont 200000 en libre accès.

La réflexion

L’étude de la situation s’est focalisée sur les besoins des utilisateurs. Ces besoins ont été analysés dans le contexte des enseignements et des recherches menés par les universités, en prenant en compte les regroupements existants. Il convenait d’adapter l’organisation à une pluridisciplinarité croissante, tout en proposant une approche documentaire la plus exhaustive possible pour chaque discipline. À la nécessité de repenser la présentation générale des documents dans le bâtiment, préexistait celle, brûlante, de présenter les 180000 ouvrages déjà accessibles selon une classification d’accès libre : si les usuels, et les ouvrages de la section Droit, étaient classés selon la Classification Décimale Universelle (CDU ; 47 % du fonds), les autres ouvrages bénéficiaient d’une cotation alpha-numérique de magasin.

La classification devait répondre aux critères suivants :

–être utilisée dans d’autres bibliothèques fréquentées par les utilisateurs universitaires ;

–être mise à jour régulièrement et disponible en français ;

– servir au rangement et non à l’indexation analytique ;

– convenir à une collection de sciences humaines et sociales de 200000 volumes ;

– permettre aux utilisateurs de se repérer dans les collections de la bibliothèque et compléter systématiquement le catalogue.

Le choix s’est porté sur la classification décimale de Dewey, et s’est accompagné de la décision de ne pas créer d’adaptation propre à la BU de Droit et Lettres, mais d’utiliser la version de la Bibliothèque nationale de France, mise à notre disposition. Un document de référence, à l’usage du SICD2, est établi.

La question de la disposition topographique des documents s’est posée au moment de l’analyse qui a mené à l’adoption de la classification décimale de Dewey. Fallait-il adopter :

– le déroulement numérique des cotes Dewey dans le bâtiment (12000 m 2 ), de bas en haut (ou de haut en bas) et de l’est vers l’ouest ?

– le regroupement par disciplines, retenu par des bibliothèques de taille comparable ayant des collections de sciences humaines et sociales en accès libre (la Bibliothèque nationale de France en son haut-de-jardin, la bibliothèque de l’université de Paris 8, celle de l’université libre de Bruxelles) ?

– la répartition des disciplines prévue entre les différentes commissions scientifiques consultatives réunissant les deux universités ?

– le reflet de la composition des deux universités, avec l’intitulé des UFR, instituts et écoles ?

À partir des deux derniers points, et après analyse des réalisations de nos prédécesseurs dans ce domaine, la décision d’une présentation par pôles (cf. encadré 2), permettant un regroupement systématique simple, est prise. La notion de discipline prime sur les notions de niveau d’étude et de support. Aussi propose-t-on dans chaque pôle les ouvrages, les périodiques papier, les ressources électroniques et tous les autres documents traitant des disciplines du pôle. Cette orientation intellectuelle à partir des contenus a heureusement précédé l’étude de restructuration du bâtiment affecté à la BU, à l’occasion de sa mise en conformité pour la sécurité. L’organisation en pôles est la base sur laquelle est élaborée la réorganisation fonctionnelle du service, et elle contribue à la notion de service commun de la documentation, comme nous le verrons ultérieurement. Ces trois actions seront des éléments de l’opération « DOC 2000 » que nous allons également détailler. L’orientation en pôles disciplinaires regroupant plusieurs disciplines, et moins vastes que les anciennes « sections », répond aussi à l’impératif de cadre topographique propice à l’étude.

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Encadré 2 - Les pôles disciplinaires

La composition des pôles est définie. Étant donnée l’unité de la discipline, le nombre d’étudiants (4527, c’est-à-dire 19,8 % de l’ensemble des deux universités) et la taille des collections en accès libre à la BU (15,3 %), le Droit constitue un pôle à lui seul. Le pôle Sciences économiques et gestion correspond à l’enseignement dispensé dans deux UFR et une école, pour 5598 étudiants. Dans un pôle centré sur l’Histoire, l’un des points d’excellence de la bibliothèque, les Sciences politiques constituent la partie contemporaine : un institut d’études politiques est associé par convention à l’université Pierre-Mendès-France. Le pôle Littératures/ Langues/Sciences du langage s’est imposé, avec un très important nombre de documents (35 % du fonds en accès libre). Le pôle des Sciences sociales (11,2 %) applique un principe rassembleur : y sont regroupés la Sociologie et la Psychologie, enseignées à l’université Stendhal, et la Philosophie, la Religion et les Sciences de l’éducation, du ressort de l’université Pierre-Mendès- France. Le pôle Information, dont les collections papier ne doivent pas augmenter, mais être renouvelées, pourrait se rapprocher, qualitativement et topographiquement, du Service de formation à la méthodologie documentaire.

Le cadre institutionnel et les participants

Si la proposition de nouvelle organisation des collections est à l’initiative du SICD2 (des moyens sont demandés dans le cadre du contrat quadriennal d’établissement 1999- 2002 avec le Ministère), elle se situe dans l’opération « DOC 2000 ». Cette opération est à l’initiative du président de l’université Pierre-Mendès-France, qui entend qu’un sens soit donné à la restructuration du bâtiment de la bibliothèque universitaire. Les questions soulevées sont notamment les suivantes : dans les deux universités, quels liens unissent pédagogie et documentation, recherche et documentation, vie culturelle et documentation, bibliothèques d’UFR et bibliothèque universitaire ? Quel est le rôle du SICD dans les universités ? Comment traduire ce rôle dans l’utilisation des espaces de la BU ? Par quelle organisation fonctionnelle doit-il être soutenu ?

L’opération « DOC 2000 » comprenait quatre projets pilotés par des chefs de projet qui s’appuient sur des groupes d’utilisateurs :

– la mise en accès libre des collections ;

– la numérisation du catalogue ;

– la réorganisation fonctionnelle ;

– la restructuration du bâtiment de la bibliothèque universitaire.

Des visites de bibliothèques (Bibliothèque nationale de France, bibliothèque publique d’information, bibliothèque de l’université de Paris 8) sont organisées et suivies par des membres du comité de pilotage et par le personnel du SICD2. Une collaboration étroite s’établit entre enseignants-chercheurs et bibliothécaires pour le désherbage et l’indexation systématique, avec la participation d’une stagiaire d’IUT, qui deviendra contractuelle pendant un an.

La réalisation

Cette opération, qui vise une amélioration du service rendu aux utilisateurs, est délicate à mener tout en maintenant l’activité régulière. Une organisation matérielle minutieuse est nécessaire, qu’il s’agisse de l’étiquetage, dont l’importance sera primordiale tout au long de la mise en place ainsi que dans la présentation définitive dans le bâtiment restructuré ; qu’il s’agisse des mouvements de collections, au fur et à mesure de la mise en place des ouvrages nouvellement indexés et avec coexistence des fonds en Dewey, en alphanumérique, en CDU ; qu’il s’agisse de la mise à jour des catalogues, sur fiches et informatisé ; que l’on considère la cohérence de l’application de la Dewey. Les moyens mis en place ont porté sur des compétences précises pour le desherbage, l’indexation et l’étiquetage, et sur la réalisation de programmes informatiques facilitant le basculement de la série de cotes de départ vers la série de cotes d’arrivée. Ils ont également porté sur les mobiliers permettant les refoulements, sur les matériels rendant possible un étiquetage de qualité et les supports de signalisation, sur la précision et la mise à jour permanente du calendrier de réalisation et sur la communication avec le public à l’intérieur et à l’extérieur de la bibliothèque ainsi qu’avec l’ensemble du personnel.

Les enseignements

Cet article aurait pu s’intituler : « Où l’on voit la nature des collections influer sur l’organisation fonctionnelle de la bibliothèque. » En effet, c’est à partir de la répartition par pôles documentaires, qui correspond d’abord à un contenu intellectuel, que se sont élaborées l’organisation fonctionnelle (cf. organigramme 1), puis l’affectation des espaces dans le bâtiment. Le pôle est à la fois le lieu intellectuel de la constitution des collections (cf. organigramme 2), avec une vue de l’ensemble de l’offre universitaire, et le lieu topographique de la mise à disposition, matérielle et virtuelle. La réflexion sur la présentation des collections s’est vraiment structurée à partir de l’analyse ayant mené au choix de la classification. Son début date du 17 avril 1998, avec la lettre de mission à un conservateur frais émoulu de l’école. Ont suivi : le choix de la classification, 19 mai 1998 ; le choix de l’organisation en pôles, 4 juin 1998 ; le lancement de la cotation en Dewey, en septembre 1998 ; la fin de la cotation et de l’étiquetage d’un premier pôle (Littératures/ Langues/Sciences du langage) à l’automne 2000. L’ensemble devait être coté et étiqueté pour septembre 2002, ce qui représente quatre ans pour la cotation, l’étiquetage et la mise à jour du catalogue pour 180000 ouvrages.

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Organigramme 1 - fonctionnel

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Organigramme 2 - Les collections

L’entreprise est exaltante, ardue et indispensable. Elle fait appel à une quantité de métiers différents, que l’on ne soupçonnait pas : des métiers pratiqués, d’autres à inventer, surtout quand s’y ajoutent la réfection de l’ensemble du bâtiment et la continuité du service au public. La tenue d’un calendrier vérifié régulièrement est l’un des facteurs de réussite. Chaque membre du personnel est fortement mis à contribution : des vocations naissent ou meurent, des talents se révèlent ; des solutions sont trouvées : le public est là. C’est celui de 2003 ou 2004 qui dira, dans la bibliothèque rénovée, corps et âme, si elle a su précéder ses attentes.

Novembre 2000

  1. (retour)↑  Avec la participation de Lucie Albaret, SICD2 (Service interétablissements de coopération documentaire), Grenoble - Lucie.Albaret@upmf-grenoble.fr
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