Réunion de fonds spécialisés à la bibliothèque Gabriel Ferraté - Catalogne

Montserrat Moragas

Cet article décrit le processus de fusion des collections de trois bibliothèques universitaires – regroupées en une seule et nouvelle bibliothèque. Il aborde particulièrement le choix des classifications utilisées (CDU et ACM), ainsi que le processus et la méthodologie utilisée pour réunir des ouvrages de même discipline jusque-là éparpillés sous différents indices de la classification. On trouve aussi dans cet article le processus de simplification des cotes qui permet d’aider usagers et bibliothécaires à retrouver et à ranger aisément les ouvrages.

This article describes the process of merging the collections of three university libraries, reorganised in a single new library. It deals particularly with the choice of classification (UDC or ACM), and also the process and methods used to reunite works in the same discipline hitherto scattered under different classification numbers. Also to be found in the article is the process of simplification of call numbers, which allows users and librarians to relocate and replace works easily.

Der Artikel beschreibt den Zusammenschluss der Bestände dreier Bibliotheken und ihre Umgruppierung in einer neuen Bibliothek. Er behandelt vor allem die Wahl der benutzten Klassifikationen (universelle Dezimalklassifikation und ACM), aber auch den Ablauf und die Methode, die angewendet wurde, um die Werke gleicher Disziplinen, die bis dahin unter verschiedenen Notationen verstreut waren, zu vereinigen. Die Autorin schildert ebenfalls die getroffenen Massnahmen zur Vereinfachung der Standortnummern, die sowohl den Benutzern als auch den Bibliothekaren das Suchen und Zurückstellen der Werke erleichtert.

Se describe el proceso de fusión de los fondos bibliográficos de tres bibliotecas universitarias en una. Se hace especial referencia a las clasificaciones utilizadas (CDU y ACM), al proceso y metodología para unificar libros de materias similares que se encontraban en diferentes números de la clasificación, también se describe el proceso de simplificación de los números para facilitar a los usuarios y bibliotecarios la localización y ordenación de los libros.

Réunir des bibliothèques de spécialités différentes pose évidemment de multiples questions d’intégration. L’une d’entre elles tient à la mise en oeuvre d’un système de classification qui respecte les particularités disciplinaires en offrant la meilleure disponibilité aux usagers. C’est à cet exercice difficile que s’est attaquée la bibliothèque Gabriel Ferraté, en Catalogne.

L’Université polytechnique de Catalogne a été créée en 1971 et est actuellement constituée de 15 centres d’enseignement supérieur, 7 centres associés, 4 instituts et 38 départements répartis sur les différents campus de la Province de Barcelone. La bibliothèque Recteur Gabriel Ferraté, inaugurée le 19 décembre 1996, a été constituée à partir de trois bibliothèques de facultés situées sur le campus nord : l’École technique supérieure d’ingénierie des télécommunications, la Faculté d’informatique de Barcelone et l’École technique supérieure des ponts et chaussées.

Le bâtiment comprend 6343 m 2 sur six niveaux, dont un réservé aux magasins – d’accès restreint – et un autre à des salles de travail. 938 places de lecture sont réparties sur les cinq étages. Les collections initiales, de 42576 ouvrages, étaient constituées par les fonds scientifiques et techniques des trois écoles, auxquels s’ajoutaient d’autres secteurs spécifiques : science-fiction, poésie catalane, mémoires de fin d’étude, thèses doctorales et « technoscopie » (histoire et épistémologie des sciences). 725 titres de revues étaient également disponibles.

Fusionner les fonds sans les confondre

Les fonds de ces trois bibliothèques avaient un certain nombre de thèmes en commun : mathématiques, physique-chimie, organisation des entreprises, etc. L’ingénierie des télécommunications/électronique et l’ingénierie informatique comportaient aussi des thèmes très proches : ordinateurs, réseaux, contrôle, etc.

L’objectif était de fusionner les fonds scientifiques et techniques de ces trois bibliothèques, mais pour rendre cela possible, il fallait d’abord définir un système de classification. Les trois bibliothèques souhaitaient conserver la « propriété » de leurs ouvrages. Par ailleurs, elles voulaient aussi que leurs collections demeurent différenciées à l’intérieur de la bibliothèque. Pour régler ce problème, il fallait travailler dans une double direction : prendre en compte la classification et, au-delà, l’organisation de l’espace. On proposa une répartition des ouvrages en quatre zones, organisées sur deux niveaux du bâtiment. Chaque espace serait isolé par une étagère basse et large, située au milieu de la salle.

Premier niveau :

– zone commune, où l’on trouverait les ouvrages intéressant les trois écoles : mathématiques, physique-chimie, organisation des entreprises, etc.

– zone d’ingénierie civile.

Second niveau :

– zone d’ingénierie informatique ;

– zone d’ingénierie des télécommunications/ électronique.

Des systèmes de classification propres aux types de documents

La bibliothèque de la Faculté d’informatique utilisait la classification ACM créée par l’Association for Computing Machinery (The ACM Computing Classification System, éd. 1991), et les Écoles de télécommunications et des ponts et chaussées, la CDU (Classificación Decimal Universal, édition espagnole abrégée, Aenor, 1991).

Dès sa création, la bibliothèque d’informatique avait cherché à évaluer quel était le meilleur système pour classer les documents propres à sa spécialité et avait écarté la CDU en raison de son caractère clairement obsolète en la matière. Elle avait alors choisi le système ACM, dont elle était très satisfaite.

Les bibliothèques de télécommunications et d’ingénierie civile, créées antérieurement, avaient adopté la CDU à une période où elle était incontournable. Son utilisation, correcte tant que le fonds n’était pas informatisé et que la recherche thématique demeurait difficile, poussa à employer les indices CDU comme cotes topographiques. Il fallait alors traduire en code décimal, sous la forme la plus précise possible, le sujet de chaque livre. Établir de longues cotes était devenu un vrai rituel.

Un an avant l’inauguration de la nouvelle bibliothèque, on créa un groupe de travail pour concevoir l’organisation générale des fonds et planifier le changement des cotes. Dès le départ, on accepta de travailler avec les deux classifications : ACM pour les fonds informatiques, CDU pour les autres disciplines. Ce fut la conviction que la CDU ne remplissait pas les conditions pour tout ce qui concerne le domaine de l’ingénierie informatique qui détermina le choix de ce double système. De fait, il ne fut jamais question de changer la classification ACM qui avait fait ses preuves jusque-là. On ferait seulement une exception : la lettre G – mathématiques appliquées à l’informatique – ne serait plus utilisée, au bénéfice de l’indice 51 de la CDU, qui regrouperait l’ensemble (cf. tableau 1).

Illustration
Tableau 1 - Classification CDU et ACM des ouvrages ayant trait aux ordinateurs

Une classification globale « négociée »

En dehors des mathématiques qui, comme on l’a dit, seraient classées en CDU, et de l’informatique que l’on trouverait intégralement sous la classification ACM, il existait d’autres domaines qui figuraient sous les deux classifications et qui intéressaient plus d’une discipline. Ainsi par exemple :

– GPS (Global Positioning system) qui concerne autant l’ingénieur civil pour la partie cartographie que l’ingénieur des télécommunications/ électronique pour les satellites ;

Traitement des signaux, thème d’étude aussi bien pour l’ingénieur des télécommunications (signaux) que pour l’ingénieur informatique (traitement) ;

Réseau informatique utilisé indistinctement par l’ingénieur de télécommunications/électronique et l’informaticien, mais intéressant aussi l’ingénieur civil ;

Télématique, circuits, système de contrôle, concernant aussi bien l’ingénieur de télécommunications/ électronique que l’informaticien.

Compte tenu du fait que chaque centre souhaitait isoler physiquement ses collections des autres, ce qui nous avait obligés à organiser les fonds en quatre zones ou centres d’intérêt, il fallait prendre une décision pour chacun des thèmes représentés dans plus d’une discipline, pour définir sous quelle cote on placerait les livres (CDU ou ACM). Les centres acceptèrent alors que l’on transpose leurs fonds sous la classification « négociée » (cf. tableau 2).

Illustration
Tableau 2 - Classification « négociée »

Pour trouver un compromis entre la classification et la localisation des ouvrages, on a dû faire certaines concessions, comme par exemple accepter de mettre les ouvrages sur les étagères dans un ordre qui ne suivait pas les cotes CDU (par zone).

Des cotes abrégées

Le groupe de travail de la bibliothèque définit un principe : le système de classification devait être pratique pour les usagers, tout en facilitant la tâche de rangement des documents. Le critère utilité présida à tout le processus. Le système ne devait pas être difficile à comprendre, ni pour les usagers, ni pour le personnel auxiliaire chargé de reclasser les ouvrages chaque jour.

On résolut d’abréger les cotes : on renonça ainsi à toutes les divisions auxiliaires de la CDU : langue, forme, lieu, etc. Seule la subdivision « exercices » (076) fut maintenue pour répondre à la demande que faisaient souvent les usagers : « Vous n’avez pas un livre d’exercices de… ? » On décida de ne pas dépasser un maximum de six caractères (chiffres). Cela fut relativement facile pour les ouvrages de sciences pures, pour le 51, 53 et 54 qui recouvrent les disciplines que nous appelons « communes », propres à chacun des trois centres pendant le premier cycle universitaire. En revanche, il fut plus difficile d’abréger les cotes en ce qui concerne les sciences appliquées, puisqu’il s’agit des thèmes spécifiques à ces disciplines. C’est par exemple le cas des structures (624) au sein de l’ingénierie civile, tout ce qui a trait aux télécommunications (621.39) ou l’électronique (621.38).

Il était impératif d’unifier les cotes d’un même titre possédé par plus d’une bibliothèque, car chacune d’entre elles avait oeuvré jusque-là de manière indépendante et avait décliné la classification aussi loin qu’il lui avait plu. Comment abréger les cotes ? En se fondant sur quels critères ? Pour répondre à ces questions, ainsi qu’à celles qui allaient surgir, s’imposa la nécessité d’avoir une liste arrêtée de cotes topographiques. On partit d’une liste, constituant l’inventaire de tous les livres, de laquelle on put extraire le relevé exhaustif de toutes les cotes utilisées par chacune de ces bibliothèques. La tâche du groupe se concentra sur l’évaluation – indice par indice – de la situation : on trouva ainsi des indices qui étaient tombés en désuétude et étaient devenus obsolètes, des indices qui pouvaient facilement être absorbés par d’autres, des indices différents pour des ouvrages traitant des mêmes sujets, d’autres encore, qui, conséquence d’une longue tradition, proposaient des relations absurdes, etc.

C’est à partir des tables des cotes des trois bibliothèques qu’on élabora la table finale et on décida alors d’un commun accord que les cotes qui n’apparaissaient pas sur la table définitive seraient remplacées par la cote immédiatement supérieure. Le tableau 3 présente par exemple le début des cotes 0.

Illustration
Tableau 3 - Les cotes abrégées

Tous les livres ayant la cote 001.8 et 001.89 auraient dorénavant la 001 et ainsi de suite. Quand le signe de relation entre deux indices existait, on décidait sous quelle cote on le classerait finalement.

On adapta quelques cotes, par exemple le 304, Questions sociales en général qui devint : Implications sociales de la technologie. On voulut aussi que l’histoire des sciences et des techniques figure à côté de la cote 304. On créa donc un 305.

En ce qui concerne les sujets spécifiques de chaque discipline, la bibliothèque accepta exceptionnellement des cotes de plus de six caractères. Ainsi, on modifia le 624 en s’appuyant sur ce que proposait la bibliothèque d’ingénierie civile, qui se fondait sur son expérience en la matière.

La cote 621.39 (Télécommunications) fut rectifiée à partir d’un travail qu’avait effectué l’ancienne bibliothèque de l’École pour l’évaluation de ses collections. Ce travail avait permis d’élaborer une liste des champs thématiques reflétant les axes de l’enseignement et de la recherche de l’École, à partir desquels était définie la politique d’acquisition. On adapta ainsi ces thèmes à la classification CDU sous la cote 621.39.

Bilan

Après trois années de fonctionnement avec ce double système de classification (CDU et ACM), l’évaluation faite par la bibliothèque est positive. Les usagers eurent besoin d’un temps d’adaptation pour se familiariser avec l’organisation des collections, mais cela se régla au quotidien, par la pratique. Quant au critère d’utilité qui poussa à supprimer les divisions auxiliaires de forme et à abréger les cotes tirées de la CDU, l’expérience en a confirmé le bien-fondé.

Dans la bibliothèque, on continue de penser qu’il est plus important de favoriser un système souple qui permette de trouver facilement un ouvrage sur les rayonnages que d’essayer de le classer le plus précisément possible. Les usagers se sont habitués à consulter le catalogue et à utiliser des mots-clés qui facilitent et permettent une recherche thématique plus riche. Nous n’avons d’ailleurs reçu aucune critique sur l’organisation des collections. Quant à la répartition des ouvrages, il y a eu cette année, avec l’autorisation des Écoles, des changements qui ont permis un rangement correspondant à l’ordre des cotes. La liste d’autorité définitive des cotes topographiques reste ouverte pour de futures modifications, cela afin de prendre en compte les nouveaux savoirs technologiques qui émergent de l’actualité.

Octobre 2000

  1. (retour)↑  Avec l’aide et les commentaires d’Anna Valls. Traduit de l’espagnol par Marie-Annick Bernard.
  2. (retour)↑  Avec l’aide et les commentaires d’Anna Valls. Traduit de l’espagnol par Marie-Annick Bernard.