Editorial

Bertrand Calenge

Les bibliothèques sont emplies d'images, on le sait depuis longtemps. Mais on sait aussi que les bibliothécaires, gens du texte, ont toujours été un peu mal à l'aise devant ces fonds d'estampes, de photos, de films, etc., par ailleurs largement exploités dans nombre de services de documentation spécialisés.

Or il se trouve que le nombre des images augmenteà grande vitesse. Leur production, leur traitement et leur diffusion sont immensément facilités par les technologies contemporaines, à tel point que le numérique fait redécouvrir la réalité iconique de toute édition, de tout affichage, y compris d'un texte. Si nous examinons notre environnement, que constatons-nous ? La photo est devenue un vecteur populaire, l'image scientifique ou l'imagerie médicale sont en plein essor, le droit des images fait l'objet d'affrontements furieux, etc. L'époque est devenue iconophile, sans pour autant en maîtriser toujours le sens, et l'appétit des images multipliées ne signifie pas nécessairement plus de savoir, de connaissance ou de sagesse.

Tout est image, mais qu'est-ce que l'image ? Comment la comprendre et la montrer ? Où se situe la frontière entre image animée et image fixe, entre image narrative et image documentaire, entre image source et images déclinées à l'infini, entre image autonome et image illustrative ? Et puis, comment traiter l'image, la décrire, l'analyser, et en rendre accessibles les contenus ? Si nombre de travaux sont conduits pour décrire et indexer les images, de nouvelles pistes s'ouvrent : par exemple, des logiciels de reconnaissance de forme viennent aujourd'hui apporter un autre regard, fondé sur le sens de la courbe, sur la nature des couleurs, sur la géométrie propre de cet univers en deux dimensions. Bien des chantiers sont ouverts, que les bibliothécaires vont devoir suivre avec attention, pour comprendre et assimiler ces enrichissements inéluctables de leurs collections.

Même si, pour reprendre un vieux proverbe chinois, une image vaut mieux que dix mille mots, nous n'avons pas fini de mettre des mots sur les images.