Editorial

Bertrand Calenge

La relation entre bibliothèques et recherche a longtemps été comprise dans un sens univoque, à savoir comment un stock documentaire organisé en services permet aux chercheurs d’exercer leur activité, la bibliothèque étant alors considérée comme un outil d’accompagnement de cette recherche. Mais l’expression « bibliothèques et recherche » peut également recouvrir d’autres significations. La bibliothèque, comme organisation, comme lieu de pratiques de lecture, comme institution politique, comme système de traitement du savoir, constitue un beau champ d’études, que les sociologues par exemple ont volontiers arpenté. Quant aux bibliothécaires eux-mêmes, confrontés à la gestion de cet ensemble complexe, ils sont parfois saisis par la tentation de la recherche, peut-être plus souvent recherche-action que recherche fondamentale, mais exigeante en rigueur : la multitude des travaux conduits par exemple en Grande-Bretagne montre la vitalité de ces travaux de bibliothécaires.

Serait-on donc face à une expression polysémique et trop générale ? Peut-être y a-t-il tout de même un lien puissant qui réunit ces différentes approches. Si jusqu’à présent les univers propres des bibliothécaires et des chercheurs au mieux se côtoyaient, ils trouvent aujourd’hui des terrains d’action communs. L’irruption des technologies numériques, dont l’usage n’est réservé ni au chercheur ni au bibliothécaire, offre la chance d’un travail collectif : qu’on pense à ces bases numérisées sur lesquelles travaillent ensemble de multiples partenaires, chacun apportant sa valeur propre, le chercheur avec ses concepts et ses objectifs, le bibliothécaire avec son expérience de la mise en ordre, la discipline du fichier et du catalogue » (F. Dagognet).

Bibliothécaires et chercheurs se rencontrent ainsi sur des objets à élaborer en commun, les travaux des uns et la créativité des autres se stimulant, voire se fécondant réciproquement. La question n’est sans doute pas que les bibliothécaires deviennent des chercheurs au sens académique, ni que les scientifiques se transforment en bibliothécaires, mais peut-être que soit enfin reconnue et affirmée la fonction de la bibliothèque comme entreprise collective de construction des connaissances.