L'évolution de la fonction information-documentation

résultats de l'enquête ADBS 1999

par Dominique Arot

ADBS-Cofrema-Sociovision

rapport rédigé par Benoît Roederer. - Paris : ADBS Éditions, 2000. – 158 p. ; 24 cm. – (Sciences de l’information : Série Recherches et documents). - ISBN 2-84365-038-0/ISSN 1159-7666 : 185 F/28,20 euro

Depuis 1964, à intervalles plus ou moins réguliers, à l’initiative de l’ADBS (Association des professionnels de l’information et de la documentation), les documentalistes français se sont interrogés sur les conditions concrètes d’exercice de leur métier : salaire, formation, place et fonctions dans les organismes qui les emploient.

La nouvelle enquête menée en 1999 vient d’être publiée, dont les résultats sont répartis et analysés selon cinq rubriques : les caractéristiques des répondants, la formation initiale et continue, l’emploi, l’activité professionnelle, les composantes de la satisfaction professionnelle.

Précision et complexité

Si, lors de la toute première enquête en 1964, il importait de dégager les principaux traits distinctifs d’une profession en train de se constituer à partir d’exigences techniques communes, le visage des documentalistes tel qu’il apparaît dans l’enquête de 1999 se dessine sans doute avec plus de précision, mais aussi avec infiniment plus de complexité. Il faut dire que les frontières entre les professions œuvrant dans le secteur de l’information-documentation sont de moins en moins étanches, alors même que l’information est devenue un enjeu stratégique, aussi bien dans les entreprises et le monde de l’économie que dans l’ensemble de notre société.

Dans ce contexte, les bibliothécaires ne pourront s’empêcher d’observer avec le plus grand intérêt les résultats de cette enquête, qui reste à mener (ou à réactualiser) en ce qui les concerne.

On apprendra ainsi à la lecture de ce petit livre, que les documentalistes sont jeunes (46 % ont moins de 35 ans). Différence notable avec les bibliothécaires, le nombre des documentalistes employés par le secteur privé (et ce trait est observé, semble-t-il, pour la première fois avec cette importance) est en très forte augmentation : 31 % dans les entreprises, 13 % dans les associations et fondations, contre seulement 29 % dans la fonction publique, 12 % dans les entreprises publiques et nationalisées, 9 % dans les organismes parapublics et consulaires.

Si l’on souhaite poursuivre un parallèle avec le monde des bibliothèques, documentalistes et bibliothécaires se retrouvent sur un point : la grande féminisation des professions (88 % de documentalistes-femmes et 12 % de documentalistes-hommes qui ont tout de même gagné deux points par rapport à l’enquête de 1996 et sont légèrement mieux payés). Les trois quarts des documentalistes travaillent à temps plein pour un salaire net annuel moyen de 132 480 F, soit 11 040 F par mois.

En ce qui concerne la formation, la constatation principale est que les professionnels de l’information-documentation sont de plus en plus diplômés en documentation. L’enquête permet d’ailleurs de constater que la possession d’un diplôme spécialisé est déterminante pour l’obtention d’un emploi dans ce secteur. La famille des DUT (diplômes universitaires de technologie) et des DEUST (diplômes d’études universitaires scientifiques et techniques) est la mieux représentée chez les plus jeunes, les DESS (diplômes d’études supérieures spécialisées) et DEA (diplômes d’études appliquées) concernent 17 % des 25-34 ans et 13 % des 35-44 ans. L’enquête analyse également par groupes d’âge le profil des diplômés de l’INTD (Institut national des techniques de documentation) et des titulaires de maîtrises ou d’autres diplômes.

On observera avec intérêt que le CAFB (Certificat d’aptitude aux fonctions de bibliothécaire) qui a disparu en 1994 constitue la formation initiale de 5 % des répondants, contre 8 % en 1996 et 13 % en 1993. Mais ce qui apparaît le plus intéressant, c’est l’importance et le niveau des personnes qui présentent une double compétence, formation universitaire générale et formation spécialisée. Elles sont 18 % à avoir atteint une formation universitaire à bac+5 et 32 % à bac+4. Comme dans les bibliothèques, ce sont les formations universitaires de lettres et sciences humaines qui prédominent, mais on dénombre tout de même 17 % de répondants avec une formation scientifique et 12 % avec une formation en droit ou en sciences économiques. 55 % des personnes interrogées déclarent avoir suivi un stage de formation continue dans l’année qui a précédé l’enquête.

En ce qui concerne la description et l’analyse des fonctions occupées, si l’on peut dégager une activité prédominante (documentaliste généraliste, responsable de ressources documentaires, bibliothécaire-médiathécaire, chargé d’études et de produits documentaires, administrateur de banques de données, métiers de conseil et de vente), les activités quotidiennes, en particulier dans les plus petites unités, combinent plusieurs profils. 38 % des répondants ont une activité d’encadrement et 56 % ont un statut de cadre.

Une rubrique très intéressante de cette enquête porte sur les nouvelles formes de travail : travail pour plusieurs employeurs ou « temps partagé » et travail à domicile. Si ces modalités nouvelles d’activité sont encore très minoritaires (3 % et 2 %), elles semblent se répartir dans tous les secteurs et être appelées à se développer.

La cinquième partie de l’enquête est de nature plus qualitative, puisqu’elle porte sur les composantes de la satisfaction professionnelle. Les professionnels de l’information-documentation sont 79 % à se déclarer « satisfaits » de leur travail, pourcentage supérieur à l’opinion moyenne des salariés français (66 %). Cependant, 16 % des répondants se disent « très insatisfaits » ou « plutôt insatisfaits », chiffre en hausse de huit points depuis l’enquête de 1996. Au-delà du fait d’être ou de ne pas être cadre, c’est la reconnaissance de la fonction documentaire au sein de l’entreprise ou de l’organisme employeur qui semble constituer l’élément déterminant de la satisfaction professionnelle.

Afin de mieux caractériser cette satisfaction professionnelle, l’enquête comportait une question demandant de choisir trois raisons de poursuivre une activité professionnelle dans le secteur de la documentation. Les réponses fournies permettent d’analyser les motifs de satisfaction des répondants : la diversité des activités (54 %) ; l’usage des nouvelles technologies (50 %) ; l’utilité du métier, le service rendu (45 %) ; l’intérêt du domaine d’activité (44 %) ; la progression en responsabilité (21 %) ; l’équilibre vie privée/vie professionnelle (19 %) ; les relations avec les collègues de travail (12 %) ; l’avenir du métier (9 %) ; le salaire (8 %) ; l’image du métier (2 %).

Autant de réponses sur lesquelles les bibliothécaires pourraient, eux aussi, méditer...

Cette enquête, par son caractère concret et la qualité de la méthodologie et des analyses qui sont dégagées des données chiffrées, esquisse un portrait fidèle d’une profession en pleine évolution tout en ouvrant un grand nombre de pistes de réflexions qui pourraient être prolongées avec profit dans le monde des bibliothèques.