La valutazione delle biblioteche pubbliche

dati e metodologie delle indagini in Italia

par Philippe Marcerou

Anna Galluzzi

Firenze : Olschski, 1999. – 261 p. ; 21 cm. – (Biblioteconomia e bibliografia ; 28). ISBN 88-222-4704-3 : 39 000 lires/ 20,14 euros

La publication de l'ouvrage d'Anna Galluzzi, L'Évaluation des bibliothèques publiques : données et méthodologies d'enquêtes en Italie, consécutive à la soutenance d'une thèse de ce jeune chercheur sur ce même sujet, marque, à bien des égards, un tournant dans la bibliothéconomie en Italie. Pour la première fois en effet, un auteur s'intéresse non seulement à l'évaluation et aux résultats des enquêtes, mais aussi à l'analyse et à la méthodologie des statistiques et à l'élaboration des critères objectifs qui permettent de définir l'activité et la qualité du service offert par les bibliothèques publiques italiennes.

L'ouvrage d'Anna Galluzzi traite à la fois de la notion d'évaluation – le mot valutazione est d'ailleurs polysémique puis qu'il signifie en même temps « évaluation » et « analyse de la valeur » –, de la méthode et des résultats des enquêtes. Ce qui frappe le lecteur, dès l'abord, c'est l'extraordinaire hétérogénéité des données exploitées et des méthodes d'enquêtes, situation qui tient autant à la difficulté de collecter des données qu'à la structure administrative d'un état fédéral, où chaque province administre et donc évalue ses services librement. À plusieurs reprises, l'auteur appelle de ses vœux la constitution d'indicateurs homogènes pour l'ensemble du territoire et fait explicitement référence à l'exemple de la France ou de la Grande-Bretagne, où des séries statistiques longues et à peu près constantes existent. À ce titre, seuls la Lombardie et le Trentin-Haut-Adige présentent des séries statistiques réellement utilisables.

Une situation très contrastée

En Italie comme ailleurs, les bibliothèques publiques ont des résultats très divers selon l'intérêt que leur portent les communes dont elles dépendent. De surcroît, les indicateurs qui permettent de mieux les connaître ne sont, le plus souvent, ni stables ni dignes de foi, et rares sont les villes capables de fournir des données annuelles pour un nombre même limité d'indicateurs essentiels (prêts, consistance du fonds, nombre d'entrées, personnel employé).

Il apparaît très nettement que, plus on se déplace du Nord au Sud, plus les principaux indicateurs sont médiocres et plus les données collectées sont rares : aux données et aux indicateurs comparables à ceux de la France, qu'on trouve en Lombardie ou en Toscane, il faut opposer les données, cinq fois plus faibles, de la Campanie ou de la Basilicate, pour autant d'ailleurs qu'il soit, pour ces deux régions, possible d'établir des indicateurs pertinents alors que les lacunes sont très nombreuses.

Anna Galluzzi fait une étude particulièrement intéressante de la situation des bibliothèques dans des villes importantes : Milan, Venise, Florence, Rome, Naples. Il est clair que la situation des bibliothèques à Milan ou à Florence doit être opposée assez radicalement à la situation napolitaine et romaine : d'un côté, des bibliothèques informatisées en réseau dotées d'équipements et de collections à jour et de bon niveau, de l'autre des bibliothèques presque exclusivement patrimoniales, où la bibliothèque centrale reste la seule structure offrant un service convenable, et où les annexes sont rares et pauvres en documents et, par conséquent, en public.

Les méthodes d'enquêtes

Anna Galluzzi souligne aussi que les méthodes d'enquêtes sont extraordinairement hétérogènes en Italie. Les indicateurs qui, d'ordinaire, permettent d'évaluer la richesse des fonds, le niveau de service offert au public et le taux de satisfaction des usagers ne font pas nécessairement l'objet d'enquêtes de la part des autorités de tutelle des bibliothèques. La bibliographie de l'ouvrage, donnée en annexe, où l'auteur recense toutes les enquêtes réalisées depuis dix ans sur l'ensemble du territoire italien, est, à cet égard, particulièrement éloquente.

Aussi, devant une telle masse d'informations disparates, Anna Galluzzi préconise-t-elle que l'Italie adopte des méthodes d'analyse globales. Elle cite notamment le projet européen EQLIPSE (Evaluation and quality performance : systems for Europe). Dans cette méthode, quatre batteries d'indicateurs sont à prendre en compte, chacun d’entre eux devant être pondéré par un coefficient pour obtenir un indicateur global donnant une valeur de référence : l'accessibilité (mètres carrés par habitant, heures d'ouverture), la vitalité (volumes par habitant, périodiques par habitant, entrées pour 1 000 habitants, part des dépenses d'acquisition dans le budget global de la bibliothèque), l'efficience (productivité, coût du service) et l'efficacité (prêts par habitant, circulation des documents).

En utilisant la méthode EQLIPSE, les bibliothèques des régions du Nord (Vénétie, Lombardie, Trentin) apparaissent globalement comme quatre fois plus performantes en moyenne que celles des régions du Sud (Lazio, Campanie, Basilicate). Anna Galluzzi en conclut que la réalité, que les bibliothécaires, les pouvoirs publics et les usagers avaient empiriquement perçue, peut être modélisée et que, s'il serait illusoire de vouloir combler a posteriori les manques dans les séries statistiques, en revanche, il est aujourd'hui essentiel que l'Italie, en dépit des contraintes liées à sa structure administrative fédérative, se dote d'un appareil complet d'évaluation de sa politique en matière de bibliothèques.