La british Library

Alan Day

La British Library, qui fonctionne sur deux sites principaux, l'immeuble neuf de St Pancras et le Document Supply Centre, à Boston Spa, dans le nord du Yorkshire, est la Bibliothèque nationale du Royaume-Uni. Après la description du bâtiment, à l'extérieur comme à l'intérieur, l'auteur passe à celle des collections – livres, journaux, revues, cartes géographiques, manuscrits, brevets, timbres et autres articles philatéliques, enregistrements sonores et visuels –, puis au fonctionnement, aux diverses activités de la bibliothèque. La fin de l'article est consacrée aux problèmes apparus depuis l'ouverture, notamment la question de la gratuité ou non de l'accès aux salles de lecture.

The British Library, which operates from two principal sites, the new building at St Pancras and the Document Supply Centre at Boston Spa in North Yorkshire, is the national library of the United Kingdom. After a description of the building, outside as well as inside, the author passes to the collections – books, journals, periodicals, geographical maps, manuscripts, certificates, stamps and other philatelic articles, video and sound recordings – then on to the functions and various activities of the library. The end of the article is given over to consideration of problems that have arisen since the new building opened, most notably the question of whether or not to charge for access to the reading rooms.

Die British Library, die an zwei verschiedenen Orten funktionniert, dem Neubau in St Pancras und dem Document Supply Centre in Boston Spa im nördlichen Yorkshire, ist die Nationalbibliothek Grossbritanniens. Nach einer äusseren und inneren Beschreibung des Gebäudes und der Bestände – Bücher, Zeitungen, Zeitschriften, Landkarten, Handschriften, Patente, Briefmarken und ähnliches, Ton- und Bildaufnahmen – erklärt der Autor die Funktions- und Arbeitsweise der Bibliothek. Der Schluss des Artikels ist den Problemen gewidmet, die seit der Eröffnung auftreten, und besonders der Frage des kostenfreien Zugangs zu den Lesesäalen.

La British Library est la Bibliothèque nationale du Royaume-Uni. Financée par le gouvernement sur le budget du ministère de la Culture, de la Presse et des Sports, elle fonctionne sur deux sites principaux, l'immeuble neuf de St Pancras, qui a ouvert ses portes aux lecteurs en novembre 1997, et le Document Supply Centre (Centre de fourniture documentaire) créé deux cent cinquante kilomètres plus loin, à Boston Spa, dans le nord du Yorkshire. Outre une vaste gamme de services de consultation, de prêt et d'information spécialisée à un public d'universitaires, d'entrepreneurs et d'indus- triels ou de chercheurs indépendants, la British Library assure des activités d'édition, d'enseignement et un programme de manifestations publiques. Le développement de ses collections s'est poursuivi sans interruption sur deux siècles et demi, depuis la fondation de la bibliothèque du British Museum en 1753. L'ambition de la British Library d'être à l'avant-garde de la technologie de l'information se manifeste de façon éclatante dans une série de projets tels que « Turning the Pages », « The Patent Express Jukebox » ou « The Electronic Photo Viewing System » . 1

Visite guidée

L'inauguration officielle du bâtiment de St Pancras par Sa Majesté la Reine d'Angleterre a marqué le début d'une ère nouvelle pour la Bibliothèque nationale. Dans son discours, la reine observait que l'invitation qui lui avait été adressée de présider à la cérémonie d'ouverture « était restée dans la corbeille du courrier en souffrance plus longtemps que bien d'autres », manière d'évoquer les années de retard et les innombrables déboires venus ajourner la construction.

Les interminables débats publics et parlementaires sur les délais sans cesse repoussés et l'envolée du coût du chantier n'avaient soudain plus de raison d'être, et lorsque le ministre de la Culture, de la Presse et des Sports fit dans son discours l'éloge de l'architecte Sir Colin St John Wilson, engagé sur ce projet pendant trente-cinq ans, celles et ceux qui avaient le privilège d'assister à l'événement applaudirent à tout rompre pour manifester combien ils ap- préciaient le nouvel édifice. Il leur était difficile de faire moins, dans le magnifique hall d'entrée où ils étaient rassemblés, car l'inscription gravée sur le monument funéraire de Sir Christopher Wren, dans la crypte de la cathédrale St Paul, pourrait s'appliquer à St Pancras : Si Monumentum Requiris, Circumspice, « Si tu cherches son monument, regarde autour de toi ».

Le dossier d'architecte énumérant les spéci- fications opérationnelles et techniques de ce qui est, sans conteste, le plus grand bâtiment public édifié au XXe siècle dans le Royaume-Uni, ne regrou-pe pas moins de huit mille éléments d'information. L’archi- tecte a dû concevoir non seulement des salles de lecture pour les différentes collections de la bibliothèque – qui, chacune, exige d'être entreposée dans des conditions appropriées –, mais aussi des salles d'exposition, des ateliers et des bureaux pour les services de conservation, de reliure et de reprographie, des salles de conférences et de réunion, les espaces dévolus au personnel, les infrastructures nécessaires à ce dernier et au public de la bibliothèque.

Une architecture souple et évolutive

Situé dans Euston Road, entre deux immeubles très différents de par leur style architectural, le terrain en pointe de la bibliothèque occupe neuf hectares et demi. Tout de suite à l'est, se dresse le chef-d'œuvre néo-gothique victorien de la gare de St Pancras Chambers, terminus des trains de banlieue et des grandes lignes desservant les Midlands et le nord du pays. Côté ouest, la bibliothèque est bordée par un grand ensemble d'appartements datant de la fin des années vingt, tandis qu'au sud s'étend Euston Road, artère animée, au long de laquelle sont édifiées deux autres gares de grandes lignes. Au nord se trouvent les terrains destinés à l'agrandissement de la gare de St Pancras, qui doit accueillir le principal terminal de la ligne du tunnel sous la Manche. Pour l'architecte, la plus grande contrainte tint toutefois dans la décision du gouvernement de financer le projet par tranches, ce qui obligea à planifier à l'avance les différentes étapes et à envisager un chantier sur le très long terme. Une for-me d'architecture souple et évolutive était la meilleure ré-ponse à apporter à cette situation. Par chance, le bâtiment adjacent de l'hôtel St Pancras, lui aussi asymétrique et d'inspiration très libre, permettait à l'architecte de créer une harmonie en choisissant les mêmes briques rouges pour les murs extérieurs, des ardoises du Pays de Galles pour les toitures, le métal et le granit pour les huisseries et les revêtements de façade. Si l'aspect sous lequel se présente le bâtiment a suscité un tollé de critiques de la part du grand public et des architectes professionnels, aujourd'hui il gagne progressivement les faveurs de l'opinion. Compte tenu des contraintes inhérentes au site, Peter Dormer a félicité Sir Colin Wilson d'avoir su éviter l'ennuyeuse solution de facilité du cube monolithique : « Les bâtiments », écrit-il, « ne sont pas tassés les uns sur les autres, mais s'étagent en retrait. Leur agencement se sert de façon très vivante de la forme asymétrique créée par les rues qui limitent le site [...] La cour logée dans la masse de la bibliothèque allégera l'impression de claustrophobie urbaine qui pèse sur cette portion d'Euston Road aux allures de tranchée » 2

Expositions

Pour accéder à l'entrée principale, il faut traverser une première cour fermée, la piazza, conçue pour permettre aux lecteurs et autres visiteurs d'oublier l'agitation d'Euston Road. Une fois la porte franchie, on pénètre dans un vaste hall, centre névralgique qui dessert les salles de lecture des chercheurs et des étudiants, les espaces d'exposition et la librairie. « Cette pièce est sensationnelle, d'abord à cause de sa taille étonnante et aussi parce que, à l'instar des cathédrales, elle produit sur celui qui y pénètre un effet viscéral, surprenant et déconcertant de prime abord, puis, mais dans un deuxième temps seulement, profondément apaisant. Depuis la porte d'entrée, elle développe ses volumes à la verticale et selon des lignes de fuite horizontales, en grandes vagues successives qui semblent flotter sur la lumière réfléchie. Cette impression d'expansion naturelle trouve également à s'exprimer dans la large volée de marches en marbre travertin qui invite les visiteurs à entrer dans les salles de lecture et les différents espaces publics du bâtiment 3 ».

Au-delà du hall d'entrée, se trouvent trois salles d'exposition distribuées autour d'un même foyer. Selon les vœux du donateur, la somme d'un million de livres, offerte par le promoteur multimillionnaire John Ritblat, est allée à la création du Trésor de la British Library, où sont exposés des textes sacrés, des manuscrits enluminés, des documents historiques, toutes œuvres d'une immense valeur littéraire ou scientifique, dont, pour en citer quelques-unes, la Grande Charte, l'Atlas Mercator, le Codex Sinaiticus, les Évangiles de Lindisfarne, les Carnets de Léonard de Vinci, un exemplaire de la première édition in-folio du théâtre de Shakespeare, ou encore le Soutra Diamant. C'est également dans le Trésor qu'est installé le système de visionnage électronique de la British Library, « Turning the Pages », couronné en 1998 par le British Interactive Multimedia Associates Award for Interactive Displays, qui, à partir de techniques d'animation sur ordinateur, d'images numérisées d'excellente qualité et de commandes tactiles, simule le livre dont on tourne les pages et permet aux visiteurs du Trésor d'examiner de plus près, sans les toucher, les pièces du patrimoine exposées sous vitrine.

Le musée des Mots vivants (Pearson Gallery of Living Words), financé par le groupe de presse international Pearson, rassemble cinq expositions thématiques. Le troisième grand espace d'exposition, l'atelier « Mots-Sons-Images » (Workshop of Words, Sounds and Images), retrace, de manière très concrète, l'art et la science de la communication, des tout premiers documents écrits à la révolution numérique, en passant par les manuscrits médiévaux et l'essor de l'imprimerie. Là, des calligraphes, des relieurs, des graveurs, des typographes et d'autres artisans déploient leur savoir-faire. À quelques pas de ces trois grands modules, la librairie, qui donne sur la cour d'entrée, est la première du Royaume-Uni à présenter les différents aspects de l'histoire et de la fabrication du livre, les techniques d'illustration utilisées au Moyen Âge et de manière générale les activités liées au livre.

Un centre de conférences disposant d'une entrée indépendante est aménagé sur le flanc ouest de la cour d'entrée. Les colloques, les conférences ou les séminaires organisés par la British Library se déroulent dans cet espace qui comprend un auditorium de deux cent cinquante places, avec traduction simultanée, micros individuels et possibilité de projeter des films et des vidéos ; quatre salles de séminaires ; un grand foyer et un bar avec service de restauration.

En concevant les plans du nouvel édifice, Wilson s'est donné pour priorité de combiner l'indispensable protection des collections de la bibliothèque avec un service efficace de remise des documents aux lecteurs, sans négliger la mise en valeur des œuvres d'art. Il a dans ce but choisi dans les zones réservées au public et aux lecteurs une centaine d'endroits où présenter ces œuvres, rassemblées par l'ancienne bibliothèque du British Museum au cours de ses deux siècles d'existence ou commandées tout exprès pour les nouveaux locaux de l'actuelle British Library.

Les salles de lecture

Les onze salles de lecture réparties sur trois niveaux dans les ailes est et ouest du bâtiment sont reliées par des passerelles qui franchissent le hall d'entrée principal et se répartissent en deux grandes catégories. Dans l'aile ouest (où se trouvent, aux niveaux 1 et 2, les deux salles de lecture des lettres et sciences humaines qui communiquent par un escalier intérieur, ainsi que les salles dévolues aux livres rares et à la musique, aux cartes, aux manuscrits, et au fonds oriental), l'espace est largement occupé par les tables des lecteurs, et les rayonnages des ouvrages en libre accès courent le long des murs. Les lecteurs étant pour la majorité d'entre eux engagés dans des recherches de longue haleine, on s'est avant tout préoccupé de leur offrir un cadre de travail confortable. C'est pourquoi des rangées de fenêtres disposées à clair-étage laissent largement pénétrer la lumière naturelle, à quoi vient s'ajouter l'éclairage électrique dispensé par des groupes de lanternes.

Les imprimés

Les lecteurs recherchent les imprimés dont ils ont besoin dans le catalogue en ligne en libre accès. L'OPAC est connecté au système de recherche automatisé des livres : les demandes sortent sur les imprimantes des réserves du sous-sol, puis les titres sont acheminés dans les salles voulues par le système de manutention automatisé. Pour ce faire, les livres sont placés dans des boîtes en plastique rouge qui les protègent pendant le transport et peuvent chacune en contenir huit de taille moyenne, après quoi ils sont convoyés sur des tapis roulants jusqu'à des monte-charge contrôlés par trois ordinateurs à partir d'un unique poste de travail. Lorsqu'ils arrivent dans la salle de lecture, une lampe clignote sur le bureau du lecteur pour le prévenir d'aller les chercher au comptoir. En principe, les ouvrages conservés sur place parviennent aux lecteurs dans un délai d'une demi-heure ; pour les documents qui ne sont pas dans les réserves de St Pancras, il faut compter deux jours ouvrables.

Le soin apporté à la conception et au contrôle des conditions environnementales existant dans les magasins souterrains (à 24,53 mètres en dessous du sol au point le plus bas, et pourvus de 340 kilomètres linéaires de rayonnages de différents modèles, pour l'essentiel des rayonnages mobiles de 2,80 mètres de haut sur 10 mètres de long, de façon à optimiser l'occupation de l'espace) devrait permettre de quadrupler la durée de conservation des 12 millions de volumes qui y sont stockés.

Les Archives nationales sonores

Les Archives nationales sonores (National Sound Archive) de la British Library possèdent aujourd'hui plus d'un million de disques, 170 000 cassettes et d'autres enregistrements sonores et vidéo, historiques ou récemment produits.

Leurs fonds de documents imprimés (usuels, revues, discographies, catalogue des enregistrements) ont leur place dans la salle de lecture des lettres et sciences humaines du deuxième niveau, où se trouve également le service d'information des archives sonores, qui renseigne les utilisateurs sur les collections sonores et vidéo, les formations aux techniques de prise de sons et d'images, la production d'émissions de radio et de télévision ou l'industrie du disque.

En service depuis 1996, le CADENSA (catalogue en ligne des Archives nationales sonores et système de gestion de ces collections) est une base de données de 24 gigabytes recensant plus d'un million et demi d'enregistrements, publiés ou non, et à même d'effectuer des recherches complexes jusqu'alors très onéreuses étant donné le temps qu'il fallait y consacrer. Ce système peut réaliser des recherches par mot clef sur n'importe quel terme de la base de données ; trouver des enregistrements par nom, titre, place ou thème ; présenter des enregistrements dans la catégorie demandée ; établir la liste des parutions d'une marque donnée en fonction du numéro de série, du titre des albums et de leur date de parution ; afficher les informations relatives au copyright.

Les Archives nationales sonores travaillent à l'heure actuelle en coopération avec la BBC sur le projet « The Century Speaks », vaste compilation de souvenirs et d'expériences vécues au XXe siècle. Au total, près de huit mille entretiens seront réalisés sur l'ensemble du territoire national avec des gens de tous âges, issus de catégories sociales différentes, qui décrivent comment leurs vies, leur habitat, leurs familles ont changé et expriment les espoirs et les craintes que leur inspire l'avenir. Dès l'automne 1999, et après le passage au troisième millénaire, les stations de radio locale diffuseront une série d'émissions préparées à partir des témoignages ainsi recueillis. Conservés à la British Library et mis à la disposition des chercheurs, ces émissions et l'ensemble des entretiens enregistrés formeront une collection à part baptisée « Millenium Memory Bank ».

Les livres rares et la musique

Tout près de la salle de lecture des lettres et sciences humaines (Humanities Reading Room) du premier niveau, se trouve la salle des livres rares et de la musique (Rare Books and Music Reading Room). On peut y consulter la collection de livres anciens de la British Library, dont font partie les archives imprimées du Royaume-Uni, ainsi que le fonds des 11 000 incunables qui sont autant de rappels tangibles de la naissance de l'imprimerie en Europe occidentale au XVe siècle ; il faut également mentionner les riches et substantielles collections de livres savants en allemand, en hollandais, en italien ou dans les langues nordiques et ibériques, à quoi s'ajoute une exceptionnelle collection de livres en français, la plus importante au monde après celle de la Bibliothèque nationale de France.

Le service des livres anciens de la British Library (British Library Early Collection Department) est responsable du choix, de l'acquisition, de la recherche et de la fourniture aux lecteurs des documents imprimés avant 1914 dans les îles Britanniques, et avant 1851 dans l'une ou l'autre des langues d'Europe de l'Ouest. Pour rendre ses collections anciennes interna- tionalement accessibles, la British Library travaille activement sur plusieurs grands projets bibliographiques, entre autres l'Incunabula Short Title Catalogue et l'English Short Title Catalogue, bibliographie informatisée portant sur les livres, les brochures et la littérature éphémère imprimés dans les pays anglophones entre 1473 et 1800, et établie à partir des collections de plus de 1 600 institutions du monde entier. L'esprit de la vieille bibliothèque du British Museum qui continue d'inspirer ces réalisations est peut-être particulièrement perceptible dans le « Private Case », un des fonds les plus importants de littérature libertine.

Riche de 65 000 volumes, 20 000 brochures et 400 manuscrits, la King's Library fut constituée par le roi George III et offerte à la nation par son fils, George IV, en 1823. La bibliothèque du British Museum accepta cet ensemble avec la réserve expresse qu'il reste « entier et distinct » des autres collections. S'il est effectivement présenté à part, et abrité dans des conditions de conservation optimales à l'intérieur d'une magnifique tour de bronze et de verre de six étages qui s'élève telle une épine dorsale au centre du nouveau bâtiment, visible des lecteurs et du public depuis l'escalier menant aux salles de lecture du premier niveau et au restaurant, ses 60 000 ouvrages reliés en cuir et papier vélin n'en font pas moins partie intégrante des fonds mis à la disposition des lecteurs.

Les collections d'enregistrements musicaux et sonores, les partitions manuscrites et imprimées, les ouvrages de référence musicaux sont également consultables dans la salle des livres rares et de la musique. Les informations bibliographiques à leur sujet figurent dans deux catalogues en ligne regroupant les soixante-deux volumes du Catalogue of Printed Music et le catalogue musical sur microfiches. Le Service d'audition et de visionnage (Listening and Viewing Service) permet, sur rendez-vous, d'avoir accès à la collection d'enregistrements sonores et vidéo des Archives sonores nationales.

Les manuscrits

Riches à l'heure actuelle de plus de 300 000 volumes, les collections de manuscrits de la British Library couvrent une période considérable, des papyrus du IIIe siècle av. J.-C. aux documents contemporains. Si l'histoire, la topographie et l'héraldique y sont particulièrement bien représentées, ces fonds recèlent également maints exemples des débuts de la production chrétienne de manuscrits enluminés en Europe de l'Ouest, notamment deux des quatre exemplaires existants de la Grande Charte (1215), quatre des six principaux manuscrits de la Chronique anglo-saxonne du XIe siècle, et l'un des plus anciens exemplaires de L'Histoire ecclésiastique des Angles, écrite au VIIIe siècle par Bède le Vénérable. Les Bibles et les canons liturgiques enluminés du Haut et du Bas Moyen Âge comprennent plusieurs chefs-d'œuvre de renom international, tel le célèbre Codex Sinaiticus, qui date du IVe siècle.

Quant au fonds de manuscrits littéraires, il regroupe aussi bien des textes classiques en latin et en grec, des chansons de geste du Moyen Âge, les œuvres d'écrivains européens plus récents et quantité d'auteurs britanniques modernes, ainsi que les archives de grandes maisons d'édition. Le fonds théâtral se compose notamment des copies manuscrites des pièces soumises à l'examen et à l'approbation du bureau du Grand Chambellan entre 1824 et 1968 ; depuis, la collection a continué à se développer bien que ce contrôle préalable ne soit plus de mise. Enfin, les écrits des hommes d'État, diplomates, scientifiques et chercheurs en médecine, officiers et explorateurs composent une part non négligeable des textes qui y sont rassemblés.

L'inauguration, en janvier 1999, de la salle de lecture des manuscrits (Manuscripts Reading Room), au deuxième niveau, fut également l'occasion de présenter le catalogue en ligne des manuscrits, élaboré avec le généreux soutien financier de la Loterie nationale et de la Delmas Foundation. Il suffit désormais d'effectuer une recherche en ligne pour pouvoir accéder aux principaux catalogues de manuscrits de la bibliothèque, qui couvrent les documents entrés de 1750 à nos jours. Cet outil devrait être accessible sur Internet dès le début du prochain millénaire.

Le département des Cartes

Avec au total plus de quatre millions de cartes, d'atlas, de globes et d'ouvrages de cartographie, le département des Cartes (Map Library), situé au niveau 3, fait fonction de bibliothèque nationale de référence pour la cartographie. Seule la Bibliothèque nationale de France possède un ensemble aussi complet d'objets remontant jusqu'au XVe siècle ; le joyau en est constitué par les collections topographiques et maritimes du roi George III, sans doute les plus belles au monde pour ce qui concerne les cartes du XVIIIe siècle. Il faut également mentionner l'Atlas Mercator d'Europe ; peut-être assemblé par Gerard Mercator au début des années 1570 et acheté en 1997, il contient le seul exemplaire subsistant de sa carte murale d'Europe (1554) et sa carte murale des îles Britanniques (1564) dont la présence comble une lacune longtemps déplorée dans les fonds de la bibliothèque. Recevant toutes les publications cartographiques éditées au Royaume-Uni grâce au privilège du dépôt légal dont jouit la British Library, la section de cartographie possède la plus complète collection accessible au public des cartes d'état-major du Royaume-Uni dressées depuis 1800. La révision de ces documents étant maintenant numérisée, la Map Library reçoit des mises à jour périodiques sur microfiches.

Son catalogue disponible sur cédérom reprend les catalogues papier des cartes imprimées et manuscrites de la British Library, ainsi que les documents publiés par la suite. Grâce à l'automatisation, qui multiplie considérablement les possibilités de recherche jusqu'ici limitées par la forme même des catalogues imprimés, on peut, par exemple, sélectionner des données relatives à une zone géographique donnée et à tous les lieux imprévus qu'elle renferme. De plus, la possibilité désormais offerte aux lecteurs de consulter dans la salle de lecture de la Map Library les documents cartographiques intégrés au fonds des lettres et sciences humaines – cartes et atlas anciens, entre autres – leur permet pour la toute première fois de se livrer à des études comparatives et coordonnées.

Les collections orientales et indiennes

Également située au niveau 3, la salle de lecture des collections orientales et indiennes (Oriental and India Office Collections) rassemble le fonds de documents asiatiques de la British Library, complété en 1982 par les imprimés et les manuscrits des archives du secrétariat d'État aux affaires indiennes. Cet ensemble regroupe un million de livres imprimés dans plusieurs langues orientales, 120 000 journaux et périodiques, et 65 000 manuscrits, dont certains des premiers textes en hébreu, de nombreux manuscrits chrétiens en copte et en syriaque, des exemplaires enluminés du Coran, des manuscrits en provenance de Turquie, d'Iran, du sous-continent indien ou, en chinois, d'Asie centrale, ainsi que les tout premiers textes imprimés au monde, venus de Chine et du Japon. Il comprend également les papiers privés et les journaux rédigés dans leur langue par des Européens – gouverneurs, vice-rois, officiers militaires, missionnaires, érudits et hommes d'affaires venus en Inde ou y ayant résidé au cours d'une période de trois siècles et demi. Les archives du secrétariat d'État des affaires indiennes rassemblent les dossiers et les actes administratifs de la Compagnie des Indes orientales (1600-1858), du secrétariat d'État (1858-1948) et de plusieurs autres organismes officiels établis outre-mer. L'ensemble constitue une source de documentation internationale d'un immense intérêt. S'agissant des acquisitions de documents rédigés dans des langues européennes, la priorité va aujourd'hui à la production éditoriale des pays d'Asie du Sud-Est dans les domaines des sciences humaines et sociales, et aux travaux bibliographiques publiés partout dans le monde.

Le travail de recherche poursuivi par la section orientale et indienne est maintenant essentiellement consacré au projet Dunhuang, élaboré par des conservateurs en poste en Chine, en France, en Allemagne, au Japon, en Russie et au Royaume-Uni pour encourager l'étude et la conservation de l'ensemble de manuscrits du Ve au Xe siècles récupérés au début du siècle dans des grottes proches de Dunhuang, à la jonction nord-sud des routes de la soie qui traversaient l'Asie centrale. Ces derniers mois, la British Library, la Bibliothèque nationale de France et plusieurs autres grandes institutions ont exploité la technologie informatique la plus récente pour numériser ces manuscrits fragiles et permettre ainsi aux chercheurs de les examiner sans risque d'endommager ou de détruire les originaux.

Sciences Technologie et Entreprise

Les collections de référence de la section Sciences, Technologie et Entreprise sont classées par domaines à l'intérieur de cinq salles de lecture réparties sur trois niveaux dans l'aile est de la bibliothèque.

Au premier niveau, la salle sud est réservée à la littérature commerciale et aux brevets d'exploitation britanniques et européens, tandis que la salle nord est dévolue aux brevets américains, français, allemands et étrangers de manière générale.

Au deuxième niveau, la salle sud accueille les sciences de la vie et les techniques qui leur sont associées, ainsi que la médecine et la chimie, tandis que la salle nord abrite les collections du Service d'information sur la politique sociale, constituées des comptes rendus des séances parlementaires du Royaume-Uni, à quoi s'ajoutent des textes législatifs, les statistiques sociales, des annuaires et des guides des publications officielles. Les informations d'ordre commercial sur les entreprises, les études de marché, les annuaires professionnels, ainsi que sur la physique et les sciences de la terre, les technologies et l'informatique sont regroupées au troisième niveau.

À l’inverse de l'aile ouest, essentiellement consacrée aux recherches à long terme, ici l'accent est surtout mis sur la référence rapide à des résumés d'articles et des index, des périodiques, des livres parus depuis moins de trente ans, disponibles en libre accès sur des rayonnages qui occupent le centre de la pièce. Les bureaux des lecteurs sont cette fois placés près des fenêtres, afin de bénéficier au mieux de la lumière naturelle ; de conception presque luxueuse, en chêne et cuir, ils sont équipés d'un éclairage individuel et d'une prise pour ordinateur.

Les contraintes économiques

On aurait pu imaginer que la British Library verrait tous ses problèmes résolus une fois que serait enfin réalisée sa vieille ambition de disposer d'un immeuble conçu expressément pour elle et de pouvoir réunir sur un même site toutes ses collections de référence londoniennes.

En réalité, son succès lui vaut de nouveaux soucis. Tout d'abord, dès l'année qui suivit l'ouverture, en novembre 1997, de la salle de lecture des lettres et sciences humaines, l'émission des cartes de lecteur a augmenté de 60 %, ce qui a bien sûr lourdement pesé sur le fonction-nement global. Parallèlement la bibliothèque devait affronter la perspective d'un léger resserrement de ses crédits, sans que rien laisse présager une éventuelle amélioration dans un futur relativement proche.

Une enquête nationale

Malgré l'efficacité accrue de ses services et un accroissement des ressources qu'elle génère en propre, la diminution des subventions gouvernementales a obligé la British Library à réduire de facto les parts de son budget consacrées aux acqui-sitions et à la conservation des collections.

Afin de définir la meilleure conduite à tenir, elle a publié en juillet 1998 la brochure Strategic Review Consultation Paper, distribuée à quelque 3 500 exemplaires auprès des sociétés savantes, des professions libérales et des organisations commerciales, et à un millier d'usagers individuels inscrits dans la base de données des lecteurs. Cette publication décrivait le contexte dans lequel la bibliothèque devait fonctionner, soulignait les opportunités et les contraintes liées à cette situation et indiquait les mesures qu'il fallait envisager d'adopter pour augmenter les revenus et réduire les coûts. La plus controversée de ces mesures – une solution que l'instance décisionnelle de la British Library, son conseil d'administration, estimait difficile de repousser plus longtemps – consistait à introduire l'accès payant aux salles de lecture. Cette option déjà pro-posée par le passé avait jusque-là été repoussée, mais généralement sous réserve d'un éventuel examen ultérieur.

Plusieurs scénarios d'accès payants furent alors élaborés : autoriser entre cinq et dix visites gratuites par an avant de demander aux utilisateurs de s'acquitter d'un abonnement trimestriel ou annuel ; prévoir des tarifs différents pour les utilisateurs privés et commerciaux ; supprimer la gratuité en semaine, mais la conserver le samedi… Le montant des ressources généré par l'accès payant était bien évidemment fonction de la solution retenue, même si, selon les projections, un prix d'abonnement fixé à 300 livres par an devait permettre de tabler sur des rentrées de 3 à 6 millions de livres.

Le 2 octobre suivant, date limite de cette enquête, la British Library avait reçu près de 1 220 réponses. Ainsi qu'on pouvait s'y attendre, une grande majorité, tous secteurs confondus, s'élevait contre le principe de l'accès payant. Sans même tenir compte du fait que les bâtiments de St Pancras avaient coûté 511 millions de livres aux contribuables, ou que la bibliothèque reçoit sans qu'il lui en coûte rien la plus grande partie de ses nouveaux titres par le biais du dépôt légal, tous ces gens avaient assez normalement imaginé que l'entrée dans les salles de lecture de cette institution nationale serait gratuite. Pour dire les choses clairement, l'accès payant était considéré comme une atteinte au droit démocratique à s'instruire gratuitement. De nombreuses personnes privées déclarèrent qu'elles ne pourraient plus fréquenter la bibliothèque si cette mesure était adoptée. Un correspondant du Times fit observer que la Bibliothèque nationale de France délivre des laissez-passer gratuits 4 à ses visiteurs occasionnels, et que le plus cher de ses tarifs annuels représente moins de 10 % du prix (300 livres par an) proposé par la British Library. Certains, oubliant sans doute que les revenus ainsi générés resteraient à un niveau assez bas, suggéraient de ne taxer que les lecteurs étrangers, dans la mesure où ils ne payent pas d'impôts au Royaume-Uni, ou de leur imposer un tarif plus élevé si le principe de l'accès payant devait être retenu.

Les remarques sur les modalités d'application de cette mesure amenèrent à conclure qu'une moyenne de cinq à dix visites était incompatible avec les recherches de longue haleine ; que la somme de 300 livres était trop importante ; qu'il serait difficile de mettre en place un échelonnement des tarifs ; que, si la bibliothèque augmentait ses ressources propres, elle recevrait peut-être moins de subventions du gouvernement ; enfin, que maintenir la gratuité à certaines périodes seulement entraînerait une affluence record ces jours-là et, partant, une surcharge de travail difficile à gérer. Cédant aux pressions, le conseil d'administration décida alors que l'accès aux salles de lecture demeurerait gratuit. Une fois ce parti arrêté, le président du conseil eut cette déclaration révélatrice : « Cela va nettement renforcer la position du conseil dans les discussions que nous avons avec le gouvernement. Compte tenu de la situation financière prévisible de la bibliothèque, il faudra de toute façon prendre des décisions difficiles sur le développement des collections et des services de la British Library ». Le conseil ne pouvant nourrir aucune illusion sur l'issue de ce débat, il n'est pas exclu que cet exercice de communication ait été mis sur pied pour convaincre le gouvernement que, si désespérée que soit la situation financière de la British Library, l'accès payant n'était pas la bonne réponse à apporter.

Les avis des lecteurs

Les avis des lecteurs sur un certain nombre d'autres points furent également passés au crible.

Quels étaient selon eux les services les plus importants offerts par la bibliothèque ? Les simples particuliers, les chercheurs et les universitaires, les habitués de la section Science, Technologie et Commerce (STB) mentionnaient tous la consultation sur place des collections et l'équipement des salles de lecture, le développement et la conservation des collections, la présence de documents non disponibles ailleurs, la précision et la mise à jour régulière des catalogues et des outils de recherche, la rapidité et l'efficacité du système de fourniture des documents, ainsi que la possibilité de les photocopier, les fonds de référence et les éclaircissements apportés par les spécialistes. Les utilisateurs de la section STB trouvaient également précieux de pouvoir disposer en libre accès, et donc rapidement, d'un important fonds d'ouvrages scientifiques et commerciaux.

Quel effet pourrait avoir un allégement de ces prestations, ou leur élimination ? De l'avis des lecteurs, il était à craindre que ceux-ci se répercutent négativement sur le développement des collections, rendent moins performant l'acheminement des documents conservés sur place ou ailleurs, conduisent à amputer les services de la section STB, avec notamment la disparition du service des brevets, et qu'ils aient, de manière plus générale, des conséquences fâcheuses sur l'ensemble du réseau des bibliothèques du Royaume-Uni.

Sur quels points l'attente des utilisateurs vis-à-vis des services de la British Library changerait-elle dans les trois ou cinq ans à venir ? Tous secteurs confondus, les lecteurs prévoyaient une intensification de la demande de services électroniques.

L'instauration de l'accès payant était-elle préférable à la réduction ou à la suppression des services d'information de la British Library, de la consultation sur Internet de son catalogue, de l'organisation d'expositions sans financement extérieur ? Un nombre considérable de lecteurs se prononça en faveur d'un accès électronique gratuit aux catalogues ; et si l'entrée payante aux expositions et la rémunération des services à valeur ajoutée étaient généralement considérées comme acceptables, en revanche – et le fait est révélateur – beaucoup étaient d'avis qu'il valait mieux rendre ces services payants, les resserrer ou les supprimer que limiter si peu que ce fût les acquisitions ou faire payer l'entrée dans les salles de lecture.

Le devenir des collections

Ce questionnaire fut également l'occasion d'engager une réflexion sur la constitution et le devenir des collections.

La question de savoir si la British Library se devait de posséder l'intégralité des livres, revues, publications officielles, journaux, cartes et partitions soumis au dépôt légal suscita un fort taux de réponses positives, les gens estimant que tel est bien en effet le rôle d'une bibliothèque nationale, mais nuancées par la reconnaissance du fait que la tâche était peut-être impossible. À cet égard, beaucoup préconisaient une politique de coopération avec d'autres bibliothèques de dépôt légal et de recherche, en sorte de ne pas multiplier les doublons et de diminuer les coûts.

Quant à la nécessité que la British Library s'occupe à l'avenir de rassembler les publications électroniques, elle suscita des réactions diverses. Une majorité se prononçait pour ; certains estimaient qu'il fallait réunir ce type de document, mais que ce n'était pas nécessairement à la British Library de s'en charger ; d'autres enfin, plus prudents, trouvaient que le recueil des publications électroniques ne devait pas se faire au détriment des supports tradi- tionnels et exigeait un financement complémentaire.

Tous secteurs confondus, une forte majorité d'utilisateurs affirmait nettement que le patrimoine imprimé national devait avoir la priorité sur les textes et les documents produits à l'étranger (afin de protéger les collections nationales), même si certaines voix s'élevaient pour souligner que le savoir ne connaît pas de frontière et que toute restriction apportée aux acquisitions étrangères amoindrirait la valeur internationalement reconnue des collections de la British Library.

Sûr désormais d'agir avec le plein soutien du public de la bibliothèque, le conseil d'administration soumit en octobre 1998 le rapport British Library Strategic Review au gouvernement, assorti d'arguments étayés pour une très substantielle augmentation de ses crédits au cours des trois années à venir. Il insistait par ailleurs sur la nécessité de modifier la législation afin d'étendre les dispositions du dépôt légal à toutes les publications non imprimées. Depuis, les subventions accordées pour les années 1999-2000 et 2001-2002 vont augmenter plus que prévu ; elles s'accompagnent d'une enveloppe spécifiquement destinée à la restructuration et au remaniement des activités de la bibliothèque en fonction des priorités qui lui sont assignées.

Septembre 1999

  1. (retour)↑  Traduit de l’anglais par Oristelle Bonis.
  2. (retour)↑  Traduit de l’anglais par Oristelle Bonis.
  3. (retour)↑  The Patent Express Jukebox est un ensemble de douze juke-box de cédéroms qui contiennent un million de brevets que l’on peut demander et obtenir très rapidement.The Electronic Photo Viewing System : 10 000 images tirées des collections de la British Library ont été numérisées – miniatures indiennes, enluminures, timbres, photographies…
  4. (retour)↑  Peter Dormer, « The Things you've read are wrong », The Independent, n° 2065, June 1999, p. 116.
  5. (retour)↑  R. MacCormac, « Don't knock it till you've seen it », Ibid., n° 2776, 11 September 1995, section II, p. 9.
  6. (retour)↑  La BnF a dû renoncer à l’entrée gratuite de ses visiteurs occasionnels, ces derniers doivent donc acquitter la somme de 20 F (la journée) pour accéder aux salles de lecture (Ndlr).