L'action culturelle, facteur de développement local

Jean-Noël Soumy

Quelle problématique pour les collectivités locales ? Un colloque de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) a tenté cette interrogation le 31 mars 1999, à Valenciennes, en l'illustrant de quelques exemples.

Les enjeux de l'atout culturel

D'emblée Christian Vanneste, président de la FNCC, et Patrick Roussier, adjoint au maire de Valenciennes, ont posé les enjeux de l'atout culturel : sa place essentielle comme liant social, par son action de médiation ; son importance dans l'image de marque, l'identité et le rayonnement de la collectivité ; l'exigence culturelle de la population qui se précise et s'élève ; son rôle dans la création d'emploi (tant direct qu'indirect) et dans la création de richesse (tant matérielle qu'immatérielle).

Quelques chiffres de l'Observatoire des politiques culturelles ont permis de poser le débat : la dépense culturelle par famille est de 6 700 F ; le domaine culturel représente 416 000 emplois privés et 65 000 emplois publics.

Philippe Dechartre, ancien ministre et président du secteur Aménagement du Territoire du Conseil économique et social, a rappelé l'impact des événements culturels dans le développement régional : 2 000 festivals par an représentent une masse critique économique et valorisent l'image de marque et de notoriété de la collectivité. Il en est de même pour les équipements fixes : le Futuroscope de Poitiers génère 800 000 nuitées dans trente hôtels, il est aussi un pôle technologique d'entreprises et de l'université. Malheureusement, il n'existe que très peu de statistiques globales mettant en relation économie et culture, et aucun schéma d'étude nationale des équipements culturels. Il semble qu'une loi d'orientation culturelle permettrait une meilleure coordination culturelle interrégionale.

Les interventions qui ont suivi se sont organisées autour d'exemples liés aux équipements intégrés et à l'utilisation d'équipements reliés par de forts réseaux construits autour des nouvelles technologies.

Le cas de Rouillac (communauté de communes de 8 500 habitants) est exemplaire : depuis 1993, se met en place un équipement comportant un théâtre, une médiathèque, une école de musique départementale, un espace d'exposition et de réunion et une salle de spectacles de 700 places. Cette structure génère une dizaine d'emplois, dans une région rurale en difficulté économique où les jeunes couples refusaient de s'installer, en raison notamment de l'absence de proposition culturelle. La médiathèque, qui est le point fort de l'appropriation culturelle par la population de tous âges et de toutes classes sociales, est le fruit de la demande de la communauté. Le maire de Rouillac, Michel Bastier, déclare clairement : « L'impact de la culture en milieu rural est social mais aussi économique ; nous espérons vendre notre qualité de vie et inciter des entreprises à venir s'installer chez nous ».

De même, le directeur du Festival interceltique de Lorient, à travers l'histoire de la manifestation, a retracé la création du concept d'interceltisme qui n'a pu exister qu'à travers la culture, sans folklorisation, créant au passage 150 emplois de techniciens et générant plus de 100 millions de francs de retombées économiques.

La création de réseaux

Les autres interventions portaient sur la création de réseaux : réseau de communes rurales pour Vals-les-Bains, réseau de ville pour Hérouville-Saint-Clair, réseau d'agglomération pour Valenciennes. Tous ces réseaux sont articulés sur un usage fort des nouvelles technologies.

Valenciennes, le projet le plus avancé à ce jour, présente la structure la plus aboutie : si le réseau haut débit de l'agglomération regroupe des services de communication interentreprises, les informations sur l'emploi, le réseau des professionnels de la santé et de la formation, la mairie virtuelle et son canal local d'images, sa forte originalité se marque par « l'anneau culturel ». A travers l'intranet de la ville, toutes les ressources du musée, de la bibliothèque et du théâtre sont disponibles : catalogues en ligne, fonds d'images numérisées, spectacles enregistrés, réservation de livres et de spectacles, ainsi que l'accès par hyperliens à d'autres sites Internet sélectionnés du domaine. Des fonctions nouvelles sont en projet, notamment la consultation en ligne de cédéroms, actuellement suspendue à l'obtention des droits de copyright.

Les objectifs de ces expériences sont le développement de l'appropriation des nouvelles technologies par le public et la mise en place d'une véritable citoyenneté interactive par la meilleure connaissance des propositions locales – à Hérouville, chaque association peut posséder son site propre. Le but est d'inscrire dans la réalité quotidienne l'ensemble des énormes possibilités de l'outil technologique et de fédérer les images du territoire, en sortant des images institutionnelles.

Tous les autres secteurs sont porteurs de richesses potentielles, en particulier dans le domaine de la création, mais dans ce développement local à dimension culturelle, les médiathèques ont une place essentielle. Particulièrement impliquées dans le premier contact avec les technologies, toujours centres de ressources documentaires, elles doivent être aussi lieu de rencontre et d'innovation en lien avec les autres partenaires culturels.