Les documents de communication dans les bibliothèques
Un enjeu pour leur développement
Christophe Pavlidès
« Est-ce que les bibliothèques communiquent, ou est-ce qu’elles se contentent d’informer ? ».
C’est par cette question que Jean-Claude Utard, du Service scientifique des bibliothèques de la ville de Paris, choisit d’introduire la journée d’étude de Mediadix organisée le 8 décembre 1998 avec le soutien de la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) Ile-de-France et consacrée aux documents de communication dans les bibliothèques. La question n’a jusqu’à présent pas fait l’objet d’études théoriques très nombreuses en France : la matinée fut donc consacrée à des apports « décalés » : celui d’un champ plus comparable qu’il n’y paraît – la grande distribution –, et celui d’un espace géographique différent – les bibliothèques d’Amérique du Nord.
La grande distribution
La communication d’Olivier Badot, professeur de marketing à l’EAP (École européenne des affaires) et directeur du LARMM (Laboratoire d’analyse et de recherche sur la mutation des marchés), avait la richesse irremplaçable du discours extérieur, qui manque si souvent à notre corporation : la grande distribution est un univers bien différent des bibliothèques, et Olivier Badot ne prétendait pas donner des leçons de marketing bibliothéconomique...
Et pourtant, certaines analyses sur le comportement des vendeurs et responsables de rayon ne manquent pas d’intérêt pour des bibliothécaires : quand on rappelle que l’analyse de l’offre a trop longtemps été pensée par l’offreur, et non du point de vue du consommateur, l’analogie n’est pas loin... De même, l’évolution vers des organisations spatiales où se mélangent libre-service, « souk » et ramifications extérieures à l’espace clos, afin de répondre aux demandes toujours plus complexes et contradictoires des clients, est un processus dont on peut sentir un écho dans cet autre lieu de brassage social qu’est la bibliothèque.
L’exposé de Réjean Savard, de l’EBSI (École de bibliothéconomie et des sciences de l’information), à Montréal, visait, à travers de multiples exemples très documentés, à présenter la communication pour les bibliothèques dans ses multiples aspects : la promotion proprement dite ne doit pas masquer le travail de recherche (les besoins de l’utilisateur), les stratégies (produits, services, tarification, distribution, personnel) et l’évaluation. Le choix du vocabulaire et les moyens décrits n’étaient pas si éloignés de l’exposé précédent, alors qu’à l’opposé, la frilosité (au moins linguistique) des services publics français vis-à-vis de leurs usagers (et non plus « clients » !) masque parfois une problématique extrêmement proche. En particulier, la difficulté à toucher des publics différenciés a poussé les bibliothécaires nord-américains à recourir à des solutions extrêmement diversifiées : affiches, campagnes dans les médias, etc., le tout passant par la planification et la coordination, bref par un véritable « plan-marketing ».
Cartes et logos
L’après-midi consacrée à des cas pratiques fut également riche en réflexions fructueuses : ainsi Jean-François Jacques, de la médiathèque d’Issy-les-Moulineaux, venu présenter les cartes de lecteur, outil privilégié de la communication entre le lecteur et la bibliothèque, commença par une étude comparée très empirique sur les multiples cartes dont nous sommes porteurs, pour constater que la forme (souvent sans photo) et le format de la carte de bibliothèque l’apparentent plus aux « cartes de service privé » (cartes de crédit, etc.) qu’aux « cartes de service public » (carte nationale d’identité, etc.). La question des services payants plaide en outre de plus en plus pour une « carte unique de ville » – mais alors le sentiment éventuel d’appartenance à la médiathèque primera-t-il encore sur les autres services ? D’où l’importance d’une carte qui fasse envie, qui se collectionne, qui fasse série (Loustal ayant pris la suite d’Annie Goetzinger sur la nouvelle carte d’Issy-les-Moulineaux, deuxième case d’une bande dessinée virtuelle).
Bien entendu, pas de carte sans logo : il revenait à Marielle de Miribel, de Mediadix, auteur d’une thèse soutenue depuis sur la communication écrite des bibliothèques en direction de leurs lecteurs, de présenter le rôle du logo des bibliothèques à travers un impressionnant corpus où celui-ci décline, selon les cas, la bibliothèque comme service institutionnel, comme espace (notamment architectural), comme un espace de liberté (rejoignant ainsi le corpus d’affiches réunies par Réjean Savard), et bien sûr comme le lieu du livre (et par là, à la fois lieu des auteurs, des personnages... et des lecteurs).
Travailler avec une agence
Le choix du graphiste passe avant tout par un cahier des charges le plus précis possible : la journée n’aurait pas été complète, après ces exposés de professionnels, sans les conseils pratiques donnés par Cécile Chapel, de l’agence Teymour, sur la méthodologie du choix d’une agence de communication et du travail en commun avec celle-ci. Il y a dans le domaine de la communication des agences de toute taille, des corps de métier variés, sans parler des prestataires travaillant en free-lance ; le choix suppose certes d’utiliser les guides et revues de la profession (surtout CB News et Stratégies), mais surtout de bien formuler sa demande : quels besoins, quels objectifs, quelle cible ? La collaboration entre l’agence Teymour et la bibliothèque Cujas pour la transformation du hall en lieu non-fumeur et pour la communication sur la fermeture de la bibliothèque fournit ainsi un exemple qui permit à Jean-Claude Utard de conclure cette journée originale et stimulante sur l’importance de la dimension humaine de la communication en bibliothèque, et sur l’intérêt d’envoyer les collègues... en formation.