Les formations à l'information en bibliothèque universitaire

Enquête nationale 1997-1998

Élisabeth Noël

Une enquête nationale, menée en 1997-1998, permet de dresser un instantané des formations à l'information dans les bibliothèques universitaires françaises. Même si elles se développent depuis peu, ces formations restent très centrées sur la bibliothèque, ses outils et ses services, et concernent toujours un nombre restreint d'étudiants. Bien que souvent demandées par l'université ou les enseignants, elles souffrent d'un manque de moyens pour les généraliser, mais aussi d'un manque de réflexion sur leur mise en place et leur réalisation.

A national inquiry, carried out in 1997-1998, gives a snapshot of information training in French university libraries. Even if such training has developed in a short time, they remain centred on the library, its tools and services, and still concern a limited number of students. Though often requested by the university or teachers, they suffer from a lack of means by which to generalize, but also from a lack of reflection about their placement and their realization.

Eine nationale Umfrage, die in den Jahren 1997-98 durchgeführt wurde, erlaubt einen momentanen Stand der Informationsschulung in französischen Universitätsbibliotheken festzustellen. Auch wenn sie sich seit geraumer Zeit fortentwickelt haben, bleiben diese Schulungen sehr zentriert auf die Bibliothek, ihre Hilfsmittel und Dienstleistungen und wenden sich immer nur an eine beschränkte Zahl von Studenten. Obwohl immer wieder von der Universität oder den Lehrenden angemahnt, leiden die Schulungen unter finanziellem Mangel und lassen sich daher nicht ausdehnen, aber auch an einer fehlenden Reflexion bezüglich ihrer Einrichtung und Realisierung.

La formation des étudiants à l’information 1 est un sujet qui préoccupe les bibliothèques universitaires depuis de nombreuses années déjà. Des actions de formation variées, souvent de qualité, ont été entreprises dans de nombreux services communs de la documentation (SCD). Seules quelques-unes sont connues qui ont fait l’objet d’études (avec parfois des résultats tels que ceux obtenus à Paris 8 2), de publications ou de communications.

La plupart des actions entreprises par les bibliothèques restent, cependant, modestes et peu visibles tant par la communauté des bibliothèques que par les universités elles-mêmes 3. Aussi était-il indispensable d’obtenir un panorama, le plus complet possible, des actions existantes. L’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (ENSSIB) a donc réalisé, à la demande de la Sous-direction des bibliothèques et de la documentation (SDBD), une enquête nationale sur les formations à l’information dans les bibliothèques universitaires françaises. Cette enquête s’est déroulée dans le cadre du travail mené par un groupe ministériel sur le même thème 4.

L’objectif de cette enquête était d’obtenir, par un recensement le plus exhaustif possible, un instantané des actions de formation à l’information développées en bibliothèques universitaires à destination des étudiants. Quels types de formation sont mises en place, sont-elles généralisées dans les bibliothèques, combien d’étudiants les suivent, combien de membres de la bibliothèque mobilisent-elles, quels sont leurs contenus, leur durée… ?

Les résultats de cette enquête ont alimenté les travaux du sous-groupe de travail dont le thème portait sur les services communs de la documentation 5 et dont les réunions se sont déroulées durant le mois de mai 1998. Les résultats complets de l’enquête seront mis à disposition du public sur le serveur FORMIST 6, mis en œuvre par la SDBD et l’ENSSIB, et dédié à la formation à l’information scientifique et technique.

Une formation concrétisée

D’après les réponses apportées par les bibliothèques à cette enquête, la formation des étudiants à l’information est un sujet de préoccupation qui rencontre assez souvent une concrétisation dans les sections. En effet, un minimum de 43 % de l’ensemble des sections (60 % de celles qui ont répondu au questionnaire) ont assuré au moins une formation en 1997-98.

Cependant, ces formations concernent toujours un nombre restreint d’étudiants. Une section forme, en moyenne, un total de 356 étudiants. Ainsi, 47 848 étudiants au minimum ont été formés en bibliothèque universitaire (BU) en 1997-98 (quelle que soit la formation reçue, et en dehors des simples visites). Chaque formation touche, en moyenne, une cinquantaine d’étudiants. Mais ces chiffres sont variables. En effet, 35 % des formations touchent moins de 30 étudiants, alors qu’à elles seules 5 sections forment chacune, par l’intermédiaire de tuteurs, plus de 2 000 étudiants de première année (cf. tableau 1 ).

Pour recevoir une formation à l’information, les étudiants ne sont pas privilégiés ou défavorisés selon la discipline qu’ils étudient. Le facteur qui détermine l’existence de telles formations réside plutôt dans le niveau d’étude dans lequel elles interviennent. En effet, elles s’adressent plus volontiers à des étudiants de quatrième (21 % des formations) et cinquième années (25 % des formations), lorsque l’étudiant doit réaliser un travail universitaire de recherche (mémoire de maîtrise et de DEA principalement). Elles répondent alors à un objectif strictement utilitaire rencontré par l’étudiant à ce niveau (comment réaliser ma biblio graphie ?) et proposent plus une solution simple et instrumentale à un problème précis (comment faire une recherche dans une base de données bibliographique sur cédérom ?), qu’une réflexion sur l’information. Ces formations esquivent généralement le problème de la formation au travail intellectuel 7.

Cependant, ce point a été soulevé par les nouveaux textes concernant les étudiants de premier cycle, avec l’introduction d’une unité d’enseignement de méthodologie du travail universitaire. De nombreuses universités ont déjà appliqué ces textes, en introduisant, de manière variable, une formation à l’information. Les étudiants de première année sont ainsi concernés par 20 % des formations recensées. Cependant, rares sont les établissements qui arrivent à mettre en place une formation pour la majorité des étudiants. Généralement, elles ne touchent qu’un petit nombre d’entre eux.

Il reste aussi à déplorer l’absence de réflexion, sauf quelques très rares cas, sur une formation offerte de manière progressive, sur l’ensemble du cycle universitaire qui permettrait d’approfondir les connaissances acquises et de les relier aux besoins réels de l’étudiant à un moment précis de son cursus.

Dans le détail, les formations sont souvent très brèves : moins de 5 heures par étudiant dans 69 % des formations (cf. tableau 2), souvent dispensées sous forme de travaux pratiques en bibliothèque. La bibliothèque, avec ses outils, mais aussi ses collections et ses services, apparaît comme l’axe essentiel autour duquel s’organise la formation, comme le thème principal et souvent unique, qui est étudié en un temps très limité. Rares sont les formations qui replacent l’information dans un contexte plus général, qui la resituent dans la société et donnent à l’étudiant les moyens de la critiquer et de la produire. Seules les formations les plus longues se permettent de développer des aspects de veille, de production de l’information, voire d’approche des techniques de travail.

Les supports pédagogiques

De la même manière que la bibliothèque reste centrée sur elle-même quant au contenu des formations, les supports pédagogiques qui accompagnent celles-ci restent souvent traditionnels : polycopiés, et surtout documents d’information classiques en bibliothèques (guide du lecteur, plan, aperçu du plan de classification…). Les supports d’information deviennent ainsi des supports de formation, sans qu’il semble y avoir de réflexion spécifique sur la pédagogie.

Les innovations, en matière de documents pédagogiques, sont rares (vidéo 8, diaporama sur Powerpoint 9), mais, lorsqu’elles existent, elles peuvent accompagner une réelle réflexion sur les objectifs pédagogiques à viser.

Les formations proposées dans les sections sont relativement récentes : elles existent depuis moins de 5 ans dans 79 % des cas, depuis moins de 3 ans dans 64 % des cas.

L’application des textes relatifs aux étudiants de premier cycle est une des explications à cet effort porté vers la formation. La généralisation des catalogues informatisés, de la recherche bibliographique sur cédéroms (proposés dans près de la moitié des sections, la plupart du temps en libre accès), et surtout peut-être l’arrivée d’Internet (présent dans un quart des sections) semblent aussi avoir contribué à la mise en place récente de formations.

Cependant, les bibliothèques les moins informatisées proposent, proportionnellement, autant de formations que celles qui offrent à la fois des accès aux cédéroms, à Internet, et à un catalogue informatisé. Ce n’est donc pas l’informatisation d’une section qui pousse à mettre en place des formations. Leur existence semble s’expliquer davantage par le nombre de personnes travaillant dans la section, les sections moyennes étant les plus actives.

Mais, même dans ces cas, le manque de personnel est un frein important au développement de formations et à leur bonne réalisation tout comme l’est l’absence quasiment partout d’une salle dédiée à la formation dans les locaux de la bibliothèque, même lorsque des formations sont en place.

En général, les sections de bibliothèque assurent 35 heures de cours pour une même formation. Seuls 31 % des sections consacrent un total de plus de 50 heures annuelles à la formation et 17 % d’entre elles assurent plus de 100 heures (pour un total de 11 304 heures de formation assurées par l’ensemble des bibliothèques). Un tiers des sections, cependant, consacre moins de 5 heures dans l’année à la formation (sans compter celles qui n’en font pas du tout). Il semble donc que, pour l’instant, les bibliothèques aient peu de temps à consacrer à cet aspect de leurs missions, qui ne semble pas encore bien intégré (cf. tableau 3 ci-dessus).

En effet, des équipes pédagogiques, mêlant enseignants et bibliothécaires, pourraient se mettre en place dans les services communs de la documentation et dans les sections elles-mêmes, afin de réfléchir aux objectifs visés, aux moyens à développer, aux collaborations à établir pour réaliser cette mission des bibliothèques. Or, que les sections assurent des formations ou non, de telles équipes n’existent pratiquement pas (dans 8 à 10 % des sections ou des SCD). L’existence d’un responsable de la formation (qui n’est peut-être parfois que le formateur), est un peu plus généralisée (dans 15 % des SCD, 19 % des sections).

La formation relève plus d’une pratique spécifique à la section, liée encore trop souvent au volontarisme d’une ou deux personnes, que d’une politique commune et concertée menée par les directeurs de SCD, même si ceux-ci commencent à s’engager, de manière affirmée, dans une politique de formation.

Évaluation des formations

Une évaluation des formations elles-mêmes, qui permettrait de vérifier si celles-ci sont bien adaptées et aboutissent aux résultats souhaités, intervient dans à peine 23 % des formations, même lorsque cette évaluation est prise dans une acception très large (entretien avec les étudiants, avec les enseignants, vérification d’une amélioration des mémoires…).

Cependant, chaque formation devrait être évaluée. Une évaluation, même simple, menée de manière scientifique, sur l’impact de ces formations auprès des étudiants, permettrait, au moins, d’en améliorer la méthode et le contenu et, au mieux, pourrait conforter celle-ci auprès des instances universitaires.

Ce manque de formalisation dans la réflexion peut être dommageable auprès de l’université. En effet, la collaboration avec l’université et les enseignants, pour souhaitable qu’elle paraisse, est toujours difficile à orchestrer.

Le fait que les bibliothèques puissent assurer des formations semble reconnu par l’université. En effet, celles qui existent sont intégrées dans les cursus universitaires dans 73 % des cas, obligatoires pour les étudiants dans 64 % des cas et optionnelles dans 13 % des cas. De la même manière, ces formations sont mises sur pied à la demande de l’université (22 % des cas, qu’il s’agisse d’une UFR ou du doyen), ou à la demande des enseignants eux-mêmes (59 % des cas). La proposition de formation ne vient de la bibliothèque que dans 34 % des bibliothèque est donc bien reconnue comme ayant un rôle de formation à jouer.

Cependant, lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des moyens, ou de valider ces formations, ce rôle semble plus contesté. Ainsi, ces formations ne sont validées par un examen (même pris dans un sens très large, qu’il s’agisse d’une simple question à l’examen ou de la réalisation d’un dossier bibliographique) que dans 26 % des cas. Le poids en est alors généralement très faible.

De même, la participation financière de l’université dans de telles formations est faible : seules 12 % des formations ont reçu un financement, qu’il s’agisse alors d’une subvention du ministère, du paiement des heures des bibliothécaires ou des tuteurs, voire de la participation à l’achat de supports pédagogiques (cédéroms, photocopies).

Une complémentarité avec les enseignants

Enfin, il reste toujours difficile de collaborer avec les enseignants, même s’ils sont demandeurs. Même s’ils participent à l’élaboration des programmes des formations à l’information dans 42 % des cas, celles-ci sont essentiellement assurées par le personnel d’encadrement de la bibliothèque, particulièrement les conservateurs (seuls à intervenir dans près d’un tiers des formations). Les formations en collaboration avec les enseignants sont rares (9 % seulement). Les personnels de bibliothèque assurent seuls 55 % des formations. À elle seule, la bibliothèque (toutes catégories de personnel confondues) assure plus de 68 % des formations recensées avec l’intervention des tuteurs documentaires 10 ou des professeurs certifiés (PRCE).

Il est à noter que, parmi les formateurs en bibliothèques, rares sont ceux qui ont reçu une véritable formation à la pédagogie (une trentaine de personnes sur l’ensemble des sections). En effet, une personne au moins est formée pour l’enseignement dans 12 % des sections seulement, et encore ne s’agit-il, parfois, que d’une connaissance technique (base de données, Internet…).

Le bibliothécaire ne doit cependant pas se contenter d’une simple formation technique, qui, si elle est essentielle, doit être complétée par une formation à la pédagogie.

Enfin, de leur propre initiative les enseignants forment parfois les étudiants à la recherche bibliographique, cours dont la bibliothèque est souvent exclue. Ces formations assurées spécifiquement par des enseignants n’ont donc pas pu être signalées, sauf lorsque la bibliothèque a été sollicitée, soit pour mettre ses locaux à disposition, soit lorsque l’enseignant a demandé à être formé lui-même sur certains points 11.

Il faut aussi se poser la question de la qualité d’une formation réalisée par les seuls bibliothécaires, ou par les seuls enseignants, dans un domaine où les connaissances doivent être partagées pour proposer une meilleure formation. L’enseignant apporte sa connaissance disciplinaire, le bibliothécaire celle des outils de recherche de l’information. Cette complémentarité permet de mieux faire acquérir aux étudiants, dans leur propre discipline, des notions qu’ils pourront utiliser aussi bien dans leur vie universitaire que dans leur vie professionnelle (travail de recherche d’information pour un mémoire, mais aussi pour une recherche d’emploi, pour une veille technologique dans leur profession…).

Cette enquête a permis d’obtenir un instantané des formations à l’information existantes, de leurs atouts et de leurs défauts.

Les bibliothèques sont bien présentes sur ce terrain, mais leur action est encore trop souvent restreinte, faute de moyens, mais aussi d’ambitions et de réflexions.

Ces formations restent fragiles, et doivent s’insérer encore mieux dans leur institution d’origine, l’université. Celle-ci a commencé à reconnaître que la bibliothèque peut jouer un rôle dans la formation des étudiants, mais elle ne lui donne pas encore les moyens nécessaires pour réaliser pleinement cet objectif. Les bibliothèques elles-mêmes doivent susciter une impulsion, en développant, avec l’aide des enseignants, des programmes et des supports innovants. Elles prouveront ainsi qu’elles sont prêtes à endosser cette mission et que la bibliothèque est un maillon essentiel dans une société de l’information en pleine mutation.

Octobre 1998

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Questionnaire d'enquête

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Tableau 1. Nombre d'étudiants formés

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Tableau 2. Durée des formations à l'information suivies par les étudiants dans 131 sections

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Tableau 3. Volume horaire des formations à l'information assuré par les bibliothèques : 11 304 h minimum

  1. (retour)↑  La formation à l’information reprend la formation à la recherche documentaire classique (recherche dans le catalogues, dans les bases de données et maintenant sur Internet), mais elle peut s’élargir à des domaines plus variés, tels que la production d’information (réalisation de dossier, mais aussi création de pages Web) ou la veille technologique. Elle fait aussi partie d’une initiation au travail intellectuel, de façon plus générale. Voir à ce sujet : Danièle Bretelle-Desmazières, S. Mony, Liliane Vezier, Étude sur la formation initiale des ingénieurs et des cadres à la maîtrise de l’information, Paris, Conseil national des ingénieurs et scientifiques de France, 1992. Non publié.
  2. (retour)↑  L’Évaluation des enseignements de méthodologie documentaire à l’Université de Paris 8 / sous la dir. d’ Alain Coulon, Paris, Laboratoire de recherches ethnométhodologiques, 1993. Alain Coulon, « Penser, classer et catégoriser : l’efficacité de l’enseignement de méthodologie documentaire à l’université », Espace universitaire, n° 15, oct. 1996. Disponible sur Internet : http://www.ccr.jussieu.fr/urfist/coulon.htm
  3. (retour)↑  La Conférence des grandes écoles a fait un recensement des actions de formation à l’information réalisées par ses membres. Y figurent quelques formations réalisées en bibliothèques. http://www.cri.ensmp.fr/cge/presenta.html
  4. (retour)↑  Voir l’article d’Alain Colas « La formation à l’information dans l’enseignement supérieur » dans ce même numéro p. 24-29.
  5. (retour)↑  Les comptes rendus de ce sous-groupe peuvent être consultés dans les archives de Biblio-fr, du 25 mai 1998, http://listes.cru.fr/arc/biblio-fr@cru.fr/1998-05/msg00095.html
  6. (retour)↑  Cf l’encadré dans l’article d’Alain Colas, p. 28.
  7. (retour)↑  Voir sur ce thème l’article de Claire Panijel, « L’Enseignement des méthodologies documentaires à l’université de Paris 8 : une formation au travail intellectuel », juin 1996. http://www.ccr.jussieu.fr/urfist/infb.htm
  8. (retour)↑  Des vidéos sont présentées au SCD d’Artois-Lettres, au SCD de Nice-Lettres, à la BIUS Jussieu-1er cycle.
  9. (retour)↑  Des diaporamas ont été réalisés au SCD de Paris Sud-Sceaux, à la BMIU de Clermont-Ferrand-Santé.
  10. (retour)↑  Les tuteurs documentaires, s’ils sont parfois employés pour assurer des formations, ont généralement un rôle d’assistance, d’orientation, pour lesquels ils sont préalablement formés, en moins de 4 heures dans 27 % des cas, de 4 à 8 heures dans 35 % des cas. Là aussi, la formation repose essentiellement sur les conservateurs.
  11. (retour)↑  De telles formations, telles celles assurées à Paris 8, n’ont pas été recensées dans cette enquête, qui portait uniquement sur les formations réalisées en bibliothèque. Une question en permettait simplement le signalement.