Librarianship and Information Work Worldwide 1998

par Dominique Arot
general ed. Maurice B. Line, ed. Graham Mackenzie, Paul Sturges. London : Bowker Saur, 1998. XIV-307 p. ; 24 cm. ISBN 1-857739-169-1. £ 95

Dans les années passées, Marc Chauveinc, Claudine Lieber, ont écrit tout le bien qu'il fallait penser de cette considérable compilation de la littérature bibliothéconomique mondiale, conduite depuis 1991 par Maurice B. Line, auteur bien connu des lecteurs du BBF Personne ne sera surpris que, parmi les articles et publications analysées, les travaux de langue anglaise prédominent, l'édition 1998 comportant cependant vingt-cinq références à des études de collègues français.

Comme c'est son usage depuis l'origine, le Librarianship and Information Work Worldwide (liww) est organisé en chapitres résumant la problématique d'un sujet à partir des travaux qui y ont été consacrés, ici, pour l'essentiel, au cours de l'année 1996. Certaines rubriques sont permanentes (bibliothèques publiques, bibliothèques universitaires, par exemple), d'autres propres à chaque volume, comme le survol de la situation des bibliothèques d'Asie du Sud publié cette année. Chaque chapitre se clôt sur une précieuse et substantielle bibliographie qui inclut un nombre croissant de références à des sites Web.

Quelques traits communs

Comme le précise Blaise Cronin dans son chapitre introductif sur le contexte général, bibliothèques et bibliothécaires sont entrés dans une ère de changements profonds et rapides où « la stabilité est anachronique », époque marquée par la baisse des budgets publics et l'augmentation des besoins des usagers. Comme il est dit également dans les chapitres consacrés aux bibliothèques de lecture publique et aux bibliothèques universitaires, de plus en plus, chacune d'entre elles ne sera pas jugée sur ses collections locales, mais sur sa capacité à mettre ses usagers en rapport, de manière plus large, avec l'information disponible. Dans ce contexte, s'interroge Blaise Cronin, la bibliothèque « digitale » doit-elle incarner les traits de la bibliothèque moderne (organisation de la documentation, contrôle de qualité et de validité, médiation) ou doit-elle prendre l'aspect d'une construction post-moderne assemblant des objets multiples et hétérogènes « situés dans un espace logique plus ou moins chaotique où les notions conventionnelles de validation et d'archivage sont de peu de conséquence » ?

Autre point récurrent dans l'ensemble des onze chapitres, l'accent porté sur la nécessaire formation des personnels dans cette période de mutation, condition indispensable pour refonder, dans ce mouvement de « désintermédiation » auquel on assiste dans certains milieux et chez certains publics, la légitimité et la validité de l'intervention des bibliothécaires.

Le rôle des bibliothèques nationales

Notre collègue britannique, Graham Cornish, passe en revue les nouveaux services et les nouveaux bâtiments mis en place dans différents pays et insiste sur la double nécessité d'accès aux collections sur place et à distance. Il est ainsi très naturellement conduit à examiner le développement des bibliographies nationales, des services de prêt entre bibliothèques et l'évolution de la réflexion sur le dépôt légal des documents électroniques.

Le tableau qu'il dresse des bibliothèques nationales apparues au fil des bouleversements politiques de l'Europe médiane, de l'Europe de l'Est et de la situation des bibliothèques nationales à travers le monde, par exemple au Cambodge et au Vietnam, est particulièrement riche d'informations.

A la fin du volume, le chapitre consacré aux bibliothèques de l'Asie du Sud par Jagtar Singh, outre qu'il a le mérite de mieux faire connaître la situation de l'édition, des bibliothèques et des bibliothécaires dans cette zone géographique (Inde, Pakistan, Bangladesh, Sri Lanka, Népal, Bhutan et Maldives), évoque lui aussi le rôle et l'état des bibliothèques nationales de cette région. On apprend ainsi que la Bibliothèque nationale du Népal conserve 70 000 volumes en onze langues ou que celle du Bhutan est riche de 1 600 manuscrits et de 30 000 volumes tibétains. Quant à celle des Maldives, son fonds se limite à 14 000 livres.

Bibliothèques, personnel et collections

Si le lecteur français peut être, ici et là, dérouté voire agacé, par une très anglo-saxonne approche des problèmes, il trouvera matière à réflexion dans les chapitres consacrés aux divers types de bibliothèques

(un point très précieux est fait, par exemple, sur les bibliothèques de santé par Jennifer MacDougall et J. Michael Brittain) et certaines remarques sonneront pour lui avec une grande acuité.

Nul doute, par exemple, que nos collègues des bibliothèques universitaires ne soient sensibles à la remarque de John D. Gilbert et Alex C. Klugkist : « La qualité de la bibliothèque doit être jugée à l'aune de la qualité des résultats de l'institution dont elle est une partie ». Le chapitre signé par Raymond Astbury à propos des bibliothèques de lecture publique contient lui aussi des développements d'une réelle portée sur les choix à opérer entre la « mission » et le « marché » et sur la définition du « cur » des services face à tant de sollicitations contradictoires.

Le chapitre de John Sweeney sur les collections s'ouvre sur une interrogation de fond (et de fonds !) : faut-il mettre l'accent sur l'accès ou sur la possession ? C'est à partir de cette question initiale qu'il s'intéresse aux politiques de développement des collections qui « ne sont plus, désormais, indépendantes de considérations financières », aux rapports entre spécialisation (dont il dit qu'elle est contreproductive en matière d'innovation scientifique) et encyclopédisme et au statut des périodiques sur papier et en ligne. Enfin, il convient de mettre l'accent sur le chapitre que Beryl Morris consacre au management du personnel. Il apparaîtra sans doute à certains un brin exotique, mais il traduit « en creux » les manques criants de nombreuses bibliothèques françaises (et non des moindres) dans un domaine pourtant essentiel.

Ce volume utile et passionnant, dont la lecture et l'usage seront de grand profit, tant pour les professionnels confirmés que pour les futurs bibliothécaires aujourd'hui en formation, se termine sur la note tonique de l'épilogue signé par Paul Sturges : « Bibliothécaires et professionnels de l'information, attachez vos ceintures, de nouvelles turbulences sont annoncées !… ».