Rapport pour les années 1996-1997

par Didier Guilbaud

Conseil supérieur des bibliothèques

Paris : Association du Conseil supérieur des bibliothèques, 1998. 80 p. ; 30 cm. ISSN 1157-3600

En raison des changements opérés à la tête de cet organisme, le rapport pour les années 1996-1997 du Conseil supérieur des bibliothèques (csb) s'est fait un peu attendre..., mais il ne faillit en rien à ce qu'il faut bien appeler une tradition.

Argumentaire sérieux et documenté sur la vie des bibliothèques françaises, il concentre en quatre-vingts pages des données essentielles sur les équipements. Si la partie principale est consacrée au rapport lui-même, les nombreuses annexes et les éléments du préambule mettent en perspective, par des statistiques, par des rappels utiles sur la constitution du csb, ses axes de travail et l'avenir des bibliothèques elles-mêmes.

Le rapport

Dès les premières pages, la lettre d'accompagnement de Jean-Claude Groshens, président du csb, adressée au Premier ministre, donne le ton : Les bibliothèques françaises sont une pièce centrale dans la société de l'information », mais il ajoute : « Encore faudrait-il que l'État définisse avec la plus grande minutie les objectifs qu'il souhaite voir atteints ».

On retrouvera cette observation tant dans l'analyse (objective) de la situation administrative des bibliothèques que dans celle du rôle de l'État, régulateur, initiateur de programmes nationaux, incitateur et partenaire.

Y sont données des informations utiles sur l'état des chantiers nationaux, tels le Catalogue collectif de France ou le Pancatalogue, outils appelés à faciliter l'accès à l'information bibliographique.

Tout en reconnaissant le rôle incitateur de l'État, soit par le biais de subventions fléchées, soit par le concours particulier, le csb souligne qu'il est urgent de faire évoluer les critères d'attribution des aides, notamment en ce qui concerne l'informatisation. Ce qui rejoint une autre préoccupation du Conseil, en l'occurrence « les problèmes juridiques auxquels sont confrontés les bibliothécaires et les documentalistes soucieux d'introduire dans leurs établissements les technologies nouvelles d'accès à l'information » . L'absence d'interlocuteur unique aboutit à ce que chacun négocie les licences d'utilisation de ces nouveaux outils suivant une pratique « plurielle et incertaine » . Néanmoins, malgré ces difficultés, « l'accès aux ressources électroniques s'est développé de manière significative ».

Tout en esquissant sur le mode informatif et pédagogique un bilan positif des évolutions de ces dernières années, le csb s'inquiète du modeste positionnement de la France dans la compétition mondiale, même si certaines pistes (Gallica ou la bibliothèque municipale de Valenciennes) montrent le chemin à suivre. Dès à présent, il souhaite poser le problème de la conservation des documents numérisés.

Aussi, bien qu'elles jouent un rôle significatif de « pièce centrale dans la société de l'information », force est de constater que les bibliothèques françaises ne sont pas au mieux de leur forme, en raison des insuffisances de nombreux établissements : exiguïté des locaux, inexistence d'équipements informatiques, pauvreté des moyens, personnels insuffisants...

Enfin, est posée la question centrale du travail de bibliothécaire 1, c'est-à-dire celle des collections et de la nécessaire réflexion intellectuelle liée à leur constitution, leur évaluation et leur gestion. L'évolution des méthodes de travail qui éloigne certains de ce type de tâches au profit d'activités administratives gestion du personnel et gestion financière, aboutit à cette situation paradoxale : le bibliothécaire est plus « prescrit que prescripteur ».

La formation des personnels devrait prendre en compte ces aspects et permettre un recentrage sur les nouveaux savoirs. Parallèlement, les nouvelles compétences des bibliothécaires devraient pouvoir trouver une reconnaissance universitaire. Ne pas oublier enfin la formation des usagers qui permettra d'éviter que les nouveaux outils de la société de l'information ne se transforment en « machine à exclure ».

Annexes et documents

La seconde partie du rapport offre un abondant matériau statistique qui, tout en tenant compte des précautions d'usage, permet de situer la France dans l'Europe des bibliothèques. Notons par exemple les situations comparées de la France et de la Finlande. Avec 59 millions d'habitants, la France compte 2 582 bibliothèques publiques et 119 millions d'imprimés. La Finlande compte dix fois moins d'habitants (environ cinq millions), mais 1 339 bibliothèques publiques et 40 millions de documents.

N'oublions pas le très intéressant exposé de Denis Pallier, de l'inspection générale des bibliothèques, sur les enjeux et les perspectives des bibliothèques françaises. D'autres documents, notamment internationaux, émanant de bibliothèques allemandes, hollandaises, etc., constituent une conclusion utile au rapport.

En bref, un nouveau et grand cru, une mine de renseignements, utile à la connaissance du milieu, indispensable à la réflexion des professionnels. On attendra donc avec impatience la prochaine livraison dont on nous promet qu'elle poursuivra son exploration sur la formation et l'identité des bibliothécaires, qu'elle abordera le thème « Jeunes, lecture et bibliothèques », et qu'elle s'intéressera aux bibliothèques d'art.

  1. (retour)↑  Ce chapitre a été cité, à la une, par La Gazette des communes sous un titre douteux et ravageur « Les bibliothécaires rappelés à l'ordre » à une époque où ceux-ci ont à ferrailler avec des élus peu soucieux de pluralisme.