La vidéo dans les médiathèques

Dominique Arot

A l’initiative de l’Agence de coopération des bibliothèques de Bretagne (cobb), élus et bibliothécaires se sont retrouvés à Vannes le 23 mai dernier pour faire le point sur le développement des médiathèques et sur la place qu’y occupent les documents vidéo. C’était là l’une des richesses de ce colloque que de confronter les préoccupations des élus et celles des professionnels.

Cette rencontre nationale a permis d’autre part à des responsables de collections vidéo de s’interroger sur l’avenir du support lui-même face au développement du tout numérique et du multimédia.

La vidéo dans l’histoire des bibliothèques

Gérald Grunberg ouvrit la journée par un rappel historique particulièrement utile sur l’introduction de la vidéo dans les bibliothèques. Dès 1972, Alice Garrigoux prônait, dans un rapport officiel, l’usage des documents audiovisuels dans les bibliothèques. En 1978, la Direction du livre lançait une première série d’expérimentations qui allaient connaître un succès grandissant au fil des années. Gérald Grunberg souligna les axes majeurs de cette politique : faire contrepoids à la consommation passive de la télévision, inclure la vidéo dans la mission éducative de la bibliothèque par une utilisation collective du document – à l’instar de l’école. Le choix d’alors était double : accent sur le cinéma documentaire et consultation sur place, le support 3/4 de pouce étant privilégié à dessein.

Aujourd’hui, le paysage est infiniment plus nuancé, puisque les bibliothèques ont adopté un format grand public (vhs), qu’elles prêtent les documents, qu’elles ont ajouté aux films documentaires des films de fiction et constitué des fonds locaux et régionaux. Cependant, le cinéma, qu’il soit documentaire ou de fiction, n’a pas encore la place qu’il mérite au sein des bibliothèques en tant qu’élément à part entière du patrimoine culturel. Gérald Grunberg, fort de l’expérience acquise à la Bibliothèque nationale de France, considère que les nouvelles modalités de consultation ouvertes par la numérisation sont de nature à proposer de nouvelles voies à l’usage sur place des documents et à leur diffusion.

Les publics des vidéothèques

Catherine Lauret, de la médiathèque d’Issy-les-Moulineaux, insista sur la nécessité de réactualiser ou de lancer des enquêtes précises sur les pratiques des usagers. Dans le cas du cinéma documentaire, le rapport entre l’offre et la demande est original, puisque les nouveautés sont peu connues du public. Il est donc d’autant plus important d’afficher très clairement une politique et les critères d’acquisition auxquels on a recours.

S’interrogeant sur le support lui-même – la vidéo est un produit dérivé du cinéma, mais pas un sous-produit –, Catherine Lauret affirmait la légitimité de la présence du cinéma documentaire au sein de l’ensemble des collections de la médiathèque : « La connaissance emprunte les chemins de son choix ». Martine Pringuet, de la médiathèque de Cavaillon, élargissait le propos – et c’était l’autre aspect de cette journée – à la médiathèque tout entière, faisant partager son expérience récente de conception et d’ouverture d’un nouvel équipement dans lequel le public semble curieux de tous les supports. Que de chemin parcouru entre la vieille bibliothèque municipale enrichie par les dons d’Alexandre Dumas (en échange d’une rente annuelle de douze melons !) et la nouvelle médiathèque « La Durance »...

La coopération intercommunale

Les élus présents à la table ronde de l’après-midi s’accordèrent sur la volonté républicaine d’accès à la culture qui sous-tend la création de médiathèques, y compris dans des communes de quelques milliers d’habitants.

Michel Canevet, du conseil général du Finistère, insista sur le rôle primordial des bibliothèques départementales de prêt dans ce contexte. Pierre Barbier, de Plourin-lès-Morlaix (3 500 habitants) et Raymond Guyomarch, de Caulnes (2 000 habitants), soulignèrent, en tant que maires, l’importance d’équipements de proximité, mais firent de la coopération intercommunale un élément indispensable de la réussite de ces équipements.

Roger Gérard, en présentant la médiathèque de Vitré, souleva involontairement la question toujours difficile – particulièrement en Bretagne et en Normandie – de la coexistence d’un service public avec un réseau de bibliothèques associatives. Les élus manifestèrent leur unanimité sur deux points : la présence de professionnels formés à la tête des établissements et la nécessité d’une gestion rigoureuse des ressources publiques qui tienne compte de la pression fiscale. La synthèse de la journée mit en lumière le caractère essentiel de l’aménagement culturel du territoire, l’exigence de la formation professionnelle et de l’observation des usages du public, la contribution de l’image à la formation du regard et à l’ouverture vers d’autres imaginaires.