Editorial

Martine Poulain

En 1995, les bibliothèques départementales de prêt fêtaient leurs cinquante ans d'existence. Oeuvres de la Libération, les bibliothèques centrales de prêt ont été créées pour diffuser le « pain de l'esprit » dans les petites villes et jusque dans les campagnes les plus reculées d'une France alors encore profondément rurale.

L'évolution sociale et géographique de la population française au cours des trente dernières années, puis la mise en oeuvre de la décentralisation ont considérablement changé la donne. Autrefois services extérieurs de l'État, les bibliothèques départementales sont aujourd'hui chargées d'appliquer la politique du livre et de la lecture du département.

Pour toutes ces raisons, la conception d'un réseau départemental de lecture publique n'est plus la même. Professionnels et publics sont plus exigeants. Les besoins documentaires des seconds, scolarisation prolongée et rurbanisation aidant, se sont faits plus nombreux, plus précis, plus diversifiés. Les professionnels, en charge de manière plus forte d'un territoire, et à meilleurs qui l'on demande de mettre en oeuvre une politique précise, déclinée dans le temps, s'interrogent sur les moyens d'organiser une offre documentaire riche et cohérente. Les communes, souvent demandeuses de bibliothèques ou de dessertes de livres, sont soucieuses de lutter contre les formes de désertification culturelle dont est parfois victime la campagne française, comme dans les autres pays européens. Mais l'organisation administrative française, qui voit chacun roi en son royaume, fût-il minuscule, rend difficile l'organisation d'un réseau.

Les stratégies et tentatives de construction de réseaux départementaux de lecture publique cohérents sont ici décrites et discutées. Quels que soient les choix des uns et des autres, tous sont confrontés à une alternative toujours difficile entre le petit et le grand, entre les exigences d'une politique de proximité et les exigences, plus légitimes encore, d'une offre de qualité. Les 36 672 communes françaises ne pourront pas toutes disposer d'une médiathèque dotée de collections et de services performants. Mais le tenter, par l'organisation d'un réseau cohérent, est le travail et l'espoir quotidien des bibliothécaires départementaux. Il serait temps qu'une telle préoccupation soit, davantage qu'elle ne l'est aujourd'hui, portée également à l'échelon régional.