Le fonds scientifique de la bibliothèque de l'Institut

Annie Chassagne

La constitution des fonds de cette bibliothèque s'explique par l'histoire et l'activité de l'Institut de France et des cinq académies qui le composent. Depuis l'origine, les dotations et subventions de l'État y ont été complétées par des dons et legs de personnes privées. La collection de 7 700 manuscrits s'enrichit principalement aujourd'hui de papiers d'académiciens. Comme le reste des fonds, le domaine scientifique est particulièrement riche pour le xviiie et surtout le xixe siècles.

The creation of the collections in this library are explained by the history and the activity of the French Institute and the five academies of which it is composed. Since its origin, the endowments and grants from the State have been complemented by the gifts and legacies of private contributors. Today the collection of 7,700 manuscripts is principally enriched by the papers of academicians. As with many of its collections, the scientific domain is particularly well served for the eighteenth and especially for the nineteenth centuries.

Die Zusammensetzung der Bestände dieser Bibliothek erklärt sich aus der Geschichte und der Tätigkeit des Institut de France und der fünf Akademien, die es bilden. Von Anfang an sind die Dotierungen und Subventionen des Staates durch Schenkungen und Nachlässe von Privatpersonen ergänzt worden. Die Sammlung von 7.700 Handschriften wird heute besonders von den Papieren der Akademiemitglieder bereichert. Wie die restlichen Bestände, ist der Bereich der Wissenschaften des 18. und besonders des 19. Jahrhunderts ausnehmend gut ausgestattet.

Le fonds scientifique est une composante importante de la bibliothèque de l’Institut, tant pour les manuscrits que pour les périodiques ou les ouvrages imprimés ; quelques instruments scientifiques sont même conservés à la bibliothèque. L’histoire de ce fonds se confond avec l’histoire de la bibliothèque en général, elle-même liée à l’histoire de l’Institut.

Le fonds initial

Le fonds initial est constitué de trois apports principaux :

Les saisies révolutionnaires : dès la fin de l’année 1796, des autorisations sont données au bibliothécaire de l’Institut pour effectuer des prélèvements dans tous les dépôts littéraires. Certaines listes d’ouvrages nous sont connues ; elles ne comptent que très peu de documents scientifiques : sur les 2 000 titres prélevés dans les dépôts de la rue de Lille, de la rue Marc, de la rue Antoine et dans celui des Cordeliers, une centaine de titres seulement relèvent du domaine scientifique pur. Nous n’avons pas décompté en effet les nombreux ouvrages de voyages.

Les fonds des anciennes académies royales : on peut considérer l’apport de l’Académie royale d’architecture et celui de l’Académie royale des sciences. D’après les inventaires qui nous sont parvenus, le premier est un fonds modeste d’environ 150 titres (imprimés et manuscrits) ; sur cet ensemble, une vingtaine seulement relèvent du fonds scientifique et ne sont pas forcément tous présents à la bibliothèque de l’Institut, puisqu’une partie du fonds avait été attribuée à l’École centrale des travaux publics, future École polytechnique.

Beaucoup plus intéressant est le fonds de l’ancienne Académie royale des sciences, réclamé par l’Institut comme lui appartenant dans sa séance du 5 Pluviôse an V (5 janvier 1797). Cette collection nous est connue par plusieurs inventaires répertoriant cartes, manuscrits, instruments, imprimés et journaux. La bibliothèque de l’Institut conserve en particulier un catalogue systématique des ouvrages établi en 1764 et complété jusque vers 1784. Nous avons ainsi une idée précise de la collection : riche d’environ 1 000 à 1 200 titres, elle était composée essentiellement d’ouvrages du XVIIIe siècle, de la seconde moitié surtout, et elle couvrait tous les domaines : mathématiques, physique, astronomie, voyages, histoire naturelle, médecine...

Les sciences fondamentales prédominent ; l’astronomie et les voyages d’observation sont très bien représentés avec environ 200 titres ; la médecine compte 115 titres, l’anatomie 60 ; les arts et métiers, l’économie rurale et l’agriculture sont moins riches.

Plusieurs collections de journaux, en particulier ceux qu’éditaient les différentes académies françaises ou étrangères (Académie de Berlin, de Saint-Pétersbourg, Royal Society de Londres...) complétaient cet ensemble. Les manuscrits sont très variés. Ils sont liés à l’activité de l’institution, comme les planches préparatoires à la Description des Arts et Métiers, ou il s’agit de papiers personnels légués à l’Académie, comme le registre de relevés météorologiques de Louis Morin (1635-1715), médecin, membre de l’Académie des sciences.

Tous les exemplaires constituant cette collection ne se retrouvent pas sur les rayons de la bibliothèque de l’Institut ; certains furent sans doute attribués à d’autres bibliothèques, comme l’avaient été 200 ouvrages rendus par le Muséum d’histoire naturelle à l’Institut national. Les volumes appartenant à l’Académie sont identifiables grâce au cachet rouge apposé sur les feuillets et, pour les volumes reliés, par le sceau – d’azur à un soleil d’or accompagné de trois fleurs de lys du même, deux en chef et une en pointe.

La bibliothèque de la ville de Paris. Plusieurs catalogues nous sont parvenus : le catalogue du fonds Moriau, daté de 1763, et celui de la ville de Paris. Outre un catalogue alphabétique, il existe des inventaires systématiques ; la classification adoptée dans le catalogue Moriau a été reprise dans celui de la ville, et ultérieurement par la bibliothèque de l’Institut, et ce jusqu’en 1895. Les estimations suivantes prennent en compte les domaines de la physique, de l’histoire naturelle, de la médecine, de la chirurgie, des mathématiques, de la mécanique, de l’astronomie et de la navigation ; nous n’avons pas considéré les arts et techniques.

La partie scientifique du fonds Moriau se compose de 32 ouvrages du XVIe siècle, 94 du XVIIe siècle, 111 du XVIIIe siècle, soit un total de 237. L’histoire naturelle y prédomine, avec plus de 100 titres. Les acquisitions de la ville de Paris pour les sciences furent très importantes, puisque nous passons de 237 à 975 titres. Si les acquisitions les plus nombreuses concernent le XVIIIe siècle, elles ne sont pas négligeables pour les siècles précédents (23 titres pour le XVIe siècle, 74 pour le XVIIe).

Les domaines de loin les plus importants restent l’histoire naturelle, près de 300 titres, et la médecine, 260 titres si on y ajoute la chirurgie et l’anatomie. Ces matières sont celles que l’on retrouve dans les manuscrits de l’ancien fonds, où figurent par exemple plusieurs manuscrits de recettes médicales.

Les accroissements au XIXe siècle

Dès sa création, l’Institut national eut à cœur de compléter les collections mises à sa disposition.

Dans sa séance du 5 germinal an IV (25 mars 1796), il se préoccupe d’obtenir les journaux étrangers lui permettant de « connaître l’état des sciences et des arts chez les nations éclairées de l’Europe ». Le 5 Pluviôse an V, il demande à chaque classe de dresser une liste des acquisitions nécessaires au travail de chacune d’elle ; dès le lendemain, la classe des sciences physiques et mathématiques incite chacune de ses sections à travailler à l’établissement de cette liste. Dès les premières séances également, sont présentés à l’assemblée les livres remis en hommage par leurs auteurs, académiciens ou non, et qui viendront enrichir les collections de la bibliothèque.

Tout au long du XIXe siècle, ces dons représenteront un accroissement régulier reflétant les recherches et découvertes présentées à l’approbation de l’Académie. Les documents à notre disposition ne nous permettent pas d’évaluer la part des achats dans l’accroissement du fonds de la bibliothèque ; on peut penser cependant que ce souci était constant, comme en témoignent les abonnements à des périodiques scientifiques.

On peut se rendre compte de l’explosion documentaire constituée par le XIXe siècle en donnant quelques chiffres pour certains domaines du fonds scientifique (les titres de périodiques sont compris dans ces décomptes, ainsi que les brochures et les tirés à part).

Les domaines définis ne sont pas toujours bien respectés ; les ouvrages d’optique par exemple ne sont pas systématiquement répertoriés dans la rubrique « optique », mais peuvent être intégrés à la physique, les observations météorologiques se trouvent parfois en physique, parfois en astronomie. Les chiffres relevés peuvent néanmoins donner une idée du volume de documents présents à la bibliothèque (cf. tableau).

Des dons exceptionnels viennent aussi enrichir le fonds : Achille Delesse (1817-1881), géologue, académicien en 1879, laisse une collection d’environ 500 titres (y compris les tirés à part) centrés sur la géologie. Le fonds Jean-Baptiste Dumas (1800-1884), membre en 1832 de la section de chimie, comprend environ 400 titres d’ouvrages de chimie du XIXe siècle. Alphonse Laveran (1845-1922) a laissé une centaine de livres de médecine. Des manuscrits et des mémoires imprimés, provenant de Jean-Baptiste Huzard, directeur de l’École vétérinaire d’Alfort, illustrent la vie scientifique de l’Institut au XIXe siècle. De Gabriel Auguste Daubrée (1814-1896), membre de la section de minéralogie de l’Académie en 1861, directeur de l’École des Mines, la bibliothèque de l’Institut conserve, outre une très riche correspondance (manuscrits 2420-2435), une partie de sa bibliothèque, essentiellement faite de mémoires et tirés à part, mais aussi une trentaine d’ouvrages anciens tels le De re metallica d’Agricola ou l’Action du feu central de Romé de L’Isle.

D’autres dons complètent aussi de façon rétrospective les fonds anciens : le don Sénarmont, qui, en 1889, fait entrer à la bibliothèque une centaine d’ouvrages, parmi lesquels Le Discours de la méthode de Descartes avec un envoi autographe de l’auteur au Père Mersenne, plusieurs ouvrages de Denis Papin, un Traité de l’équilibre des liqueurs de Pascal ayant appartenu à Nicole...

La très riche collection de Benjamin Delessert, imprimés – 105 titres pour le XVIe siècle, 243 pour le XVIIe, 1 606 pour le XVIIIe et près de 4 000 titres pour le XIXe –, herbiers (herbier cingalais d’Hermann, herbier de Laponie constitué par Linné), manuscrits, tels les dessins de Federico Cesi pour le Museo cartaceo de Cassiano dal Pozzo et les dessins des plantes d’Amérique du Père Plumier, complète magnifiquement les collections d’histoire naturelle du fonds d’origine.

En ce qui concerne les manuscrits scientifiques, l’apport du XIXe siècle représente les deux tiers de l’ensemble du fonds général. Ce sont surtout des papiers de membres de l’Institut : mémoires, ouvrages, notes de travail, cours suivis ou professés, correspondance... Certains ensembles sont très complets, comme les papiers de Cuvier ; d’autres sont moins riches mais cependant importants : on peut citer les noms de Joseph Bertrand, Augustin Fresnel, Marcelin Berthelot, Joseph Liouville....

Le XXe siècle

Pour le XXe siècle, le nombre de manuscrits scientifiques versés à la bibliothèque est nettement moins important. On peut néanmoins citer la correspondance du paléobotaniste René Zeiller (1847-1915), une partie de la correspondance du géologue Ferdinand Fouqué (1828-1904) et de son gendre Alfred Lacroix (1863-1948), secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, les papiers de Gaston Darboux (1842-1917), et de Marcel Brillouin (1854-1948).

Les ouvrages imprimés et les périodiques, témoins de la vie et des échanges académiques, continuent de parvenir à la bibliothèque par l’intermédiaire de l’Académie des sciences. Des dons de bibliothèques scientifiques sont également venus enrichir les collections ; on peut citer celle de Pierre-Paul Grassé (1895-1985), et l’ensemble des articles d’Alfred Jost (1916-1991).

Les acquisitions actuelles concernent, outre les œuvres des académiciens, des ouvrages d’histoire des sciences permettant une meilleure exploitation du fonds. Exceptionnellement, la bibliothèque peut procéder à quelques achats, comme celui, tout récemment, d’un herbier de Jean-Baptiste Chomel (1671-1740), médecin du roi, associé botaniste de l’Académie royale des sciences.

Illustration
Anciens fonds. Quelques divisions du classement systématique