Les collections de manuscrits de la bibliothèque de l'Institut de France

Fabienne Queyroux

La constitution des fonds de cette bibliothèque s'explique par l'histoire et l'activité de l'Institut de France et des cinq académies qui le composent. Depuis l'origine, les dotations et subventions de l'État y ont été complétées par des dons et legs de personnes privées. La collection de 7 700 manuscrits s'enrichit principalement aujourd'hui de papiers d'académiciens. Comme le reste des fonds, le domaine scientifique est particulièrement riche pour le xviiie et surtout le xixe siècles.

The creation of the collections in this library are explained by the history and the activity of the French Institute and the five academies of which it is composed. Since its origin, the endowments and grants from the State have been complemented by the gifts and legacies of private contributors. Today the collection of 7,700 manuscripts is principally enriched by the papers of academicians. As with many of its collections, the scientific domain is particularly well served for the eighteenth and especially for the nineteenth centuries.

Die Zusammensetzung der Bestände dieser Bibliothek erklärt sich aus der Geschichte und der Tätigkeit des Institut de France und der fünf Akademien, die es bilden. Von Anfang an sind die Dotierungen und Subventionen des Staates durch Schenkungen und Nachlässe von Privatpersonen ergänzt worden. Die Sammlung von 7.700 Handschriften wird heute besonders von den Papieren der Akademiemitglieder bereichert. Wie die restlichen Bestände, ist der Bereich der Wissenschaften des 18. und besonders des 19. Jahrhunderts ausnehmend gut ausgestattet.

Les collections de manuscrits de la bibliothèque de l’Institut de France ont pour noyau initial les « 2 000 manuscrits » rassemblés par le procureur Antoine Moriau pour son usage personnel et légués en 1760 à la ville de Paris avec le reste de sa bibliothèque.

L’ancien fonds

Plutôt que la collection d’un bibliophile, il s’agit d’une bibliothèque de travail : peu de manuscrits médiévaux, peu de littérature, seulement quelques belles reliures, et surtout des textes fondamentaux, où dominent nettement la théologie, le droit et l’histoire de France 1. Moriau y avait joint la collection des Godefroy père et fils, historiographes de France entre 1632 et 1681, formée de documents originaux et de copies concernant l’histoire de la France entre la mi-XVIe et la mi-XVIIe siècle 2. Les manuscrits de Moriau, hors fonds Godefroy, forment aujourd’hui « l’ancien fonds », soit les numéros 1 à 835, plus quelques autres, représentant 11,9 % du fonds général 3.

A la Révolution, la collection de la ville de Paris devenue celle du jeune Institut national s’enrichit de manuscrits prélevés dans les dépôts littéraires. C’est l’occasion de récupérer quelques épaves des collections des anciennes académies royales, principalement l’Académie des sciences.

Au XIXe siècle, les collections s’accroissent considérablement, par des dons et legs de particuliers, ainsi que par les dons des différentes académies. Les premiers achats connus ont lieu au XXe siècle seulement.

Si une fraction non négligeable des manuscrits n’a pas de provenance répertoriée, et s’il est difficile d’évaluer en particulier la part des saisies révolutionnaires, on peut cependant estimer que la proportion des achats ne représente que 1 % de l’ensemble des manuscrits du fonds général, alors que les dons et legs constituent au moins 70 %, et les provenances institutionnelles (dons des académies) environ 10 %.

Actuellement le fonds général comprend 7 707 numéros. Chronologiquement, le XIXe et le XXe siècles y dominent largement, avec respectivement 42 et 32 %, suivis de loin par le XVIIIe siècle (15 %) et le XVIIe siècle (9,6 %).

Le nouveau fonds

Les manuscrits du « nouveau fonds » ont dans leur très grande majorité un lien direct avec l’Institut 4. Il s’agit principalement de papiers d’académiciens, le plus souvent donnés ou légués par eux-mêmes ou par leurs héritiers, directement à la bibliothèque ou bien à l’académie dont ils étaient membres. Parfois ce sont des ensembles restreints, constitués par exemple uniquement de correspondance – ainsi toute la correspondance reçue par Jérôme Carcopino a été confiée par sa famille à la bibliothèque –, ou d’un choix de documents – par exemple, le compositeur Henri Büsser a fait don de son vivant d’un certain nombre de manuscrits musicaux.

Mais parfois ce sont de véritables archives personnelles, formant un fonds complexe : papiers familiaux, documents de travail, manuscrits d’œuvres, correspondance... C’est le cas des fonds Louis Hautecoeur, Félix Labisse ou Ferdinand Brunot. Il arrive aussi que, pour des raisons intellectuelles ou affectives, les papiers soient répartis entre plusieurs institutions. Ainsi Charles Samaran a-t-il attribué lui-même par legs aux archives départementales du Gers tous ses papiers sur l’histoire de la Gascogne, et à la bibliothèque de l’Institut tout ce qui concernait ses autres domaines d’activité.

Parfois les fonds se constituent en plusieurs étapes. Le peintre Jacques-Émile Blanche a donné à la bibliothèque un ensemble de documents personnels et familiaux. Après son décès, son neveu et exécuteur testamentaire a remis un important lot resté entre ses mains, qu’il a complété quelques années plus tard d’un nouveau don, permettant ainsi la constitution d’un fonds remarquable.

Quelques fonds importants n’émanent pas d’académiciens, mais ont été confiés à la bibliothèque en raison du prestige de l’Institut : par exemple, les papiers de René Waldeck-Rousseau, donnés par sa veuve, ou bien encore la correspondance d’Anna de Noailles, provenant de quatre dons différents, ou encore le fonds dit Wellington, composé de lettres personnelles adressées à Joseph Bonaparte interceptées par Wellington ou perdues lors de la bataille de Vitoria en 1813, et offertes à l’Institut cent quarante ans plus tard par son descendant, le septième duc de Wellington.

La bibliothèque de l’Institut s’efforce aussi de collecter la « littérature grise », travaux universitaires français et étrangers, portant sur l’histoire de l’Institut ou des académiciens, et souvent produite à partir de ses propres fonds. Elle a recueilli notamment une trentaine de thèses et mémoires sur l’œuvre de Julien Green.

Enfin, dans la mesure où ses moyens financiers le lui permettent, elle procède à des achats. Ainsi, en 1991, 1992, 1995 et 1996, elle a acquis successivement un ensemble de lettres de Condorcet à Turgot, des lettres de Condorcet à Guyton de Morveau et des manuscrits politiques inédits de Condorcet, en complément du fonds existant, très important, donné par Eliza O’Connor, fille de Condorcet. A cause des prix très élevés atteints par les manuscrits, les acquisitions doivent être soigneusement sélectionnées, après concertation avec les autres institutions publiques susceptibles d’être intéressées par les mêmes documents.

Archives ou bibliothèques

Pour les chercheurs qui travaillent sur l’histoire de l’Institut ou sur ses membres, il est souvent difficile de faire la différence entre les fonds manuscrits de la bibliothèque de l’Institut et les documents conservés par les différents services d’archives de l’Institut. La distinction est claire pour les archives organiques, conservées par les archives de l’Institut ou de chaque académie 5 ; elle l’est beaucoup moins en ce qui concerne les archives personnelles des académiciens. Ceux-ci, ou leurs héritiers, peuvent choisir de déposer les papiers à la bibliothèque ou aux archives.

Dans certains cas, la bibliothèque et les services d’archives détiennent des fonds complémentaires, comme pour les correspondances de Ferdinand Fouqué et d’Alfred Lacroix, partagées entre les archives de l’Académie des sciences et la bibliothèque 6, ou le fonds Paul Morand, légué à l’Académie française. Parfois aussi, en fonction des attachements professionnels et institutionnels, des papiers d’académiciens peuvent être remis à d’autres institutions, telles que le Collège de France, la Fondation nationale des sciences politiques, la bibliothèque du Louvre, le Muséum d’histoire naturelle.

Dans l’intérêt de la recherche, il est très important d’établir des relations avec d’autres services et d’autres institutions et de s’efforcer de faire circuler informations, inventaires et catalogues.

  1. (retour)↑  Alfred Franklin, Les anciennes bibliothèques de Paris, t. 3, Paris, 1873, p. 181-300 (Chapitre « Hôtel de ville »), en particulier p. 182-189 (legs Moriau).
  2. (retour)↑  Cette collection a été au XIXe siècle séparée du fonds général, pour faire l’objet d’un catalogue particulier. Elle comporte 555 numéros. François Gébelin, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Paris, Bibliothèque de l’Institut, Collection Godefroy, Paris, 1914.
  3. (retour)↑  Marcel Bouteron et Jean Tremblot, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France : Paris. Bibliothèque de l’Institut, ancien et nouveau fonds, Paris, 1928. Un premier catalogue de l’ancien fonds avait été établi au XIXe siècle : Fernand Bournon, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l’Institut, Paris, 1890. Un supplément recensant les accroissements du fonds général a paru en 1962 : J. Tremblot de La Croix, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Tome LIV : Paris, Bibliothèque de l’Institut de France, Supplément, Paris, 1962. Le catalogue des acquisitions ultérieures est consultable à la bibliothèque.
  4. (retour)↑  Les exemples qui suivent ont été choisis de préférence parmi les accroissements récents, moins connus puisque leur catalogue n’est pas publié.
  5. (retour)↑  Chaque académie conserve ses propres archives. Celles de l’Académie des sciences forment un service distinct ; celles de l’Académie française, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, de l’Académie des beaux-arts et de l’Académie des sciences morales et politiques sont placées sous la responsabilité de l’archiviste de l’Institut.
  6. (retour)↑  Voir : Histoire et mémoire de l’Académie des sciences : guide de recherches, sous la direction d’Eric Brian et Christiane Demeulenaere-Douyère, Paris, 1996.