Bibliographie des écrits de Michel Leiris, 1924 à 1995

par Pierre Gaillard

Louis Yvert

Paris : Jean-Michel Place, 1996. xvi-462 p. : ill ; 24 cm. (Les Cahiers de Gradhiva ; 24). isbn 2-85893-273-5. 450 F

On sait que Michel Leiris (1901-1990), un « homme » qui se disait des plus quelconques, à la vie des plus quelconques, mais qui simplement sait se regarder et se raconter, est en vérité un personnage majeur de notre époque, très grand écrivain et sans doute beaucoup plus que cela.

Surréaliste de la première heure, pionnier de l'ethnologie moderne, fondateur du collège de sociologie et, avec Jean-Paul Sartre des Temps modernes, membre du Parti communiste (brièvement, et avec assez peu de zèle, il est vrai), résistant, militant actif de tous les combats anticolonialistes et antiracistes de l'après-guerre. Heureux comme un poisson dans l'eau dans la France en grève de 1968, il fut sympathisant à leurs débuts des expériences révolutionnaires chinoise et cubaine, complice, ami, et commentateur d'André Masson, Miro, Picasso, Giacometti, Bacon, eux-mêmes illustrateurs de son oeuvre et témoins de leur ami (qui a légué à l'État ses collections d'objet d'art primitif, ses manuscrits, ses tableaux). Michel Leiris a aussi écrit sur le jazz, le cinéma, la tauromachie, l'opéra, mais plaçait son activité d'écrivain et de poète au-dessus de toutes les autres.

Dans L'Age d'Homme, La Règle du jeu dont la publication s'échelonne de 1948 à 1976, Le Ruban au cou d'Olympia, Langage, Tangage ou ce que les mots me disent, Michel Leiris cherche dans le jeu des mots la règle et le sens du jeu de sa vie, sans se dissimuler que le jeu lui-même perd beaucoup de son attrait dès lors que l'on part (sans grand espoir de la trouver) à la recherche de sa règle.

Un travail d'histoire littéraire

Le monumental travail effectué par Louis Yvert est la conclusion de la publication effectuée dès 1974 dans le Bulletin du bibliophile. L'essentiel de l'oeuvre est classé chronologiquement, l'histoire de chaque texte, de chaque édition est explicitée, longuement s'il le faut et si bien que ce livre est, beaucoup plus qu'un simple répertoire de titres et de références, un véritable travail d'histoire littéraire.

Ajoutez-y, classés à part, la correspondance publiée de l'auteur, les entretiens accordés à des journalistes, les déclarations collectives par lui signées, son oeuvre proprement scientifique, le répertoire des périodiques et collections auxquels il a pu, d'une façon ou d'une autre, collaborer, ajoutez-y encore, bien sûr, tous les index indispensables (titres et incipit, noms de personnes, etc.).

Je laisse aux utilisateurs de cette bibliographie (qui peut se savourer comme une oeuvre à lire autant qu'à consulter) le plaisir de découvrir avec quel humour Louis Yvert a agencé et présenté son austère travail. Sans aucun doute, Michel Leiris aurait été sensible à un amour si exact.