Connaissances en français et en calcul des élèves des années 20 et d'aujourd'hui
comparaison à partir des épreuves du certificat d'études primaires.
Les Archives départementales de la Somme détiennent environ 9 000 copies du certificat d'études primaires des années 1923, 1924 et 1925, ainsi que les registres d'examen correspondants. A partir de ce précieux fonds pédagogique, la Direction de l'Évaluation et de la Prospective a eu l'heureuse idée de proposer à des élèves d'aujourd'hui les sujets... de leurs grands-parents. L'objectif était bien sûr d'apprécier sur une longue durée l'évolution des connaissances et des compétences scolaires chez de jeunes élèves.
Le niveau monte, le niveau baisse ?
Pour assurer la validité de la comparaison, les auteurs de l'étude ont dû multiplier les précautions méthodologiques. Ainsi seules trois épreuves reines ont été retenues (rédaction, dictée-questions et calcul). Les autres matières ont été écartées, soit parce que leurs contenus ont trop évolué (histoire, géographie, sciences par exemple), soit parce qu'elles ne sont plus enseignées (comme la couture), soit parce qu'il était à l'évidence difficile de construire une évaluation objective (dessin, gymnastique). Pour maintenir l'équité, dans chacune des deux disciplines de référence, n'ont pas été retenus les sujets de français trop datés (vous écrivez à votre oncle, blessé de guerre) ou les exercices qui reposaient sur des modes trop désuets de raisonnement mathématique.
Il a fallu encore tenir compte de la structure de la population scolaire qui passait le certificat et construire un échantillon correspondant (dans les années 20, les candidats devaient avoir douze ans révolus et, rappelons-le, seule la moitié des élèves d'une génération était en fait présentée par les maîtres).
Une réflexion historique et didactique
Les résultats sont à même de nourrir la réflexion historique et didactique (sinon la polémique facile). Aujourd'hui, les élèves sont meilleurs en rédaction ; ils sont à peu près équivalents dans les questions de dictée portant sur l'intelligence du texte (vocabulaire et compréhension) et, en calcul, dans les trois opérations de base (addition, soustraction et division de nombres entiers). En revanche, les performances sont en baisse, légère, en multiplication, et marquée en orthographe, en analyse grammaticale, en conjugaison et dans la résolution du type de problèmes posés dans les années 20. Autrement dit, tout en ayant des connaissances plus larges sur des parties nouvelles ou peu enseignées autrefois (en géométrie par exemple), les élèves d'aujourd'hui semblent rencontrer plus de difficultés dans certains exercices, parce qu'ils y sont moins entraînés. Ainsi, l'amélioration relative des compétences rédactionnelles s'explique sans doute par la place accrue des exercices de rédaction dans les pédagogies contemporaines de l'écrit, elles-mêmes nourries des travaux des linguistes et des « poéticiens » du récit, alors que le travail d'acquisition précoce des règles orthographiques est moins poussé aujourd'hui.
Il est à remarquer que persistent des différences significatives dans les résultats des filles et des garçons : les premières continuent à être souvent meilleures en français que leurs petits camarades (spécialement en dictée-questions), alors qu'en résolution de problèmes, les garçons conservent toujours, en moyenne, une longueur d'avance.
On voit donc à la fois la force de l'institution (de ses objectifs, de ses programmes, de sa pédagogie) sur la culture (scolaire) de ses sujets, et, dans le même temps, la maîtrise statistiquement et sexuellement différenciée des contenus. Une sociologie des compétences manifestées fait défaut, sans doute par impossibilité méthodologique. C'est dommage.
Cette étude originale très détaillée est accompagnée d'annexes qui proposent notamment les sujets des épreuves de français et de mathématiques et des exemples de copies d'élèves. De quoi donner des idées pour les devoirs de vacances !