Les nouveaux bâtiments de bibliothèques en Allemagne

Robert Klaus Jopp

Après la réunification de l'Allemagne, les bâtiments des bibliothèques universitaires de l'ex-RDA étaient dans un état catastrophique. La répartition des moyens financiers a donc été révisée, des constructions ont été mises en route dans les nouveaux Länder ; dans les anciens, certaines ont été ajournées. L'auteur décrit un certain nombre de projets et de bâtiments terminés au cours des dix dernières années.

After the reunification of Germany, the condition of the university library buildings proved to be a catastrophe. The distribution of financial means has been reviewed in such a way that some projects could be set up in the new Länder, whereas others in the old Länder had to be postponed. The author describes some of these projects and some of the finished buildings ; it gives an idea of what has been done during the last ten years.

Nach der Wiedervereinigung Deutschlands wurde offenbar, daß in den Neuen Ländern der Zustand vieler Gebäude von Hochschulbibliotheken so katastrophal war, dass die Verteilung der Finanzmittel neu geregelt werden mußte, um eine Reihe von Bauvorhaben in den Neuen Ländern zu ermöglichen, während gleichzeitig einige Projekte in den Alten Ländern aufgeschoben werden mußten. Eine Auswahl von in den letzten zehn Jahren fertiggestellten Neubauten von Wissenschaftlichen Bibliotheken gibt einen Überblick über die Situation in Deutschland.

La perestroïka, puis la réunification des deux Allemagnes, ont provoqué beaucoup de changements dans les bibliothèques universitaires (BU) de cette partie de l’Europe. Dans l’ex-République démocratique allemande, les bibliothèques publiques, quant à elles, étaient dans une situation assez particulière, les bibliothèques des entreprises nationalisées en tenant souvent lieu. Avec le changement politique, et celui du système économique, ces bibliothèques d’entreprise ont perdu cette fonction, la plupart disparurent, et des régions entières en furent alors privées. Elles réapparaissent peu à peu maintenant, en dépit des graves difficultés financières dues à la situation budgétaire des communes des nouveaux Länder.

Le poids de la réunification

Le poids financier de la réunification a également pesé sur les activités de construction de bâtiments universitaires, en particulier des bibliothèques. Les bâtiments situés en ex-RDA étaient dans un bien plus triste état que l’on n’aurait pu le penser, à entendre les déclarations des autorités de ce pays quant à l’avancement de l’enseignement et de la recherche. Aussi, après la réunification, la République fédérale dut modifier ses dispositifs budgétaires afin de favoriser la construction et la reconstruction dans le secteur universitaire, parfois au détriment de projets déjà en cours de préparation.

Tout à fait naturellement, le système de financement des investissements dans ce secteur – gouvernement fédéral et Länder contribuent chacun à 50 % –, fut appliqué aux nouveaux Länder.

Pour contrôler le financement des investissements, des normes de coût furent publiées et actualisées tous les ans. Les projets de construction figurent dans une liste de priorités (Rahmenplan), établie par une commission gouvernementale, le Wissenschaftsrat (Conseil scientifique). Les bibliothèques des anciens Länder contribuèrent à l’aménagement et à la modernisation de celles des nouveaux : par le don de livres et de périodiques conservés en double dans leurs magasins, mais aussi par des aides financières à l’achat d’ouvrages et aux équipements.

Quelques constructions terminées dans les anciens Länder et d’autres, encore à l’état de projet dans les nouveaux, permettent de décrire la situation en Allemagne. Il est intéressant de se pencher sur trois nouvelles BU situées en RFA, à Göttingen, Hamburg-Harburg et Kassel, et sur deux nouvelles bibliothèques régionales (Landesbibliotheken), à Karlsruhe et Speyer ; enfin, nous choisirons trois projets de BU en ex-RDA – Dresde, Iena et Erfurt.

La Niedersächsische Staats- und Universitätsbibliothek de Göttingen

Parmi les bâtiments les plus récents, figure la Niedersächsische Staats- und Universitätsbibliothek Göttingen, dont l’architecte est Eckhard Gerber, de Dortmund. La surface prévue au départ était de 28 500 m2, réduite ensuite pour des raisons budgétaires à 21 800 m2. Commencée en 1985, la construction fut terminée en avril 1993 *.

La bibliothèque, située dans la partie nord du centre de Göttingen, permet la communication entre la ville et l’université. Les vastes bâtiments des salles de lecture, qui ont la forme des doigts d’une main, offrent 450 000 monographies et 5 000 périodiques à la consultation. Dans les réserves, réparties en deux endroits, se trouvent près de quatre millions de volumes. 30 000 étudiants et 2 200 enseignants disposent de 600 places de lecture.

Les salles de lecture, orientées vers le sud, sont protégées du soleil par des stores qui s’ouvrent et se ferment automatiquement, système qui posera certainement d’importants problèmes de climatisation.

La bibliothèque de l’université technique de Hamburg-Harburg

La bibliothèque de l’université technique de Hamburg-Harburg est la bibliothèque centrale d’une petite université, créée en 1978, et en cours de développement.

A terme, cette université comptera près de 3 000 étudiants et 110 enseignants, ainsi qu’un grand nombre d’usagers d’autres institutions universitaires de la ville. Le bâtiment, qui a pour architectes l’Atelier Jörissen, de Hamburg, fait partie de la troisième tranche de construction.

Dans les magasins, d’une capacité de 470 000 volumes, sont conservés 360 000 volumes et 1 600 périodiques. Il y a 3 487 m2 de surface utile, dont 1 068 m2 pour les salles de lecture et 965 m2 pour les magasins. La salle de lecture offre une centaine de places.

Université et bibliothèque se trouvent presque au centre de Hamburg-Harburg. La bibliothèque est revêtue de brique rouge, matériau très utilisé dans la région, les fenêtres sont d’assez petite taille, ce qui est une bonne chose pour les lecteurs, la climatisation, et la conservation des livres.

La bibliothèque de la Gesamthochschule de Kassel

Terminée en 1988, la bibliothèque de la Gesamthochschule de Kassel – dont les architectes sont Höfler et Kandel, de Stuttgart –, est l’unique exemple de conception d’un bâtiment qui tienne compte des économies d’énergie dans son fonctionnement.

Sur une surface utile de 11 100 m2, la bibliothèque offre 1 400 000 volumes et environ 8 500 périodiques, tous en accès libre, en partie dans les salles de lecture et dans les magasins. L’université accueille 18 000 étudiants et environ 2 100 enseignants, pour lesquels sont prévues 800 places de lecture.

Le bâtiment devant impérativement être construit sans système de climatisation, les ailes sont étroites, ce qui permet une circulation « naturelle » de l’air par les fenêtres. La façade porte des encorbellements vides, ce qui ralentit l’entrée directe de l’air venant de l’extérieur, et permet d’éviter les courants d’air. Le bâtiment, situé sur un terrain en partie marécageux, est construit sur pilotis, ce qui rend impossible l’aménagement de magasins en sous-sol.

La Badische Landesbibliothek de Karlsruhe

La Badische Landesbibliothek de Karlsruhe est la bibliothèque régionale de la partie Bade du Land de Bade-Würtemberg. Elle rassemble en particulier des fonds littéraires régionaux. Fin 1995, les collections comptaient 1 725 300 volumes et 11 260 périodiques courants ; elle reçoit le dépôt légal d’imprimeur pour le Bade.

La surface utile est de 13 800 m2, elle est ouverte à tous, mais le prêt est limité aux seuls habitants du Bade-Würtemberg. Les documents peuvent être consultés dans trois salles de lecture de 170 places, auxquelles il faut ajouter les dix places de la médiathèque.

Les fonds les plus anciens – ceux de la bibliothèque du château des margraves de Bade, à Pforzheim – datent de 1500. Leur histoire, liée aux événements politiques, fut très mouvementée. En 1765, la bibliothèque fut transférée à Karlsruhe.

En 1979, Oswald Mathias Ungers, architecte à Cologne, remporta le concours lancé pour la construction du nouveau bâtiment, terminé en 1991. Ce dernier est situé près du centre de Karlsruhe, ce qui en facilite l’accès pour les usagers. Il s’intègre de façon remarquable dans l’ensemble classique qui l’entoure, sans toutefois dissimuler son allure contemporaine.

L’entrée principale n’est pas facile à trouver ; une fois à l’intérieur, le visiteur se trouve un peu perdu entre la vaste salle des catalogues, le point d’information et les banques de prêt. La construction est basée sur une trame assez étroite de 3 m sur 3, ce qui complique et rend difficiles les possibilités de modifications dans l’aménagement et le mobilier.

La Pfälzische Landesbibliothek de Speyer

La Pfälzische Landesbibliothek, à Speyer, est, elle aussi, une bibliothèque régionale qui possède des fonds littéraires et régionaux du Palatinat. Elle reçoit le dépôt légal d’imprimeur pour cette région.

Fin 1995, les collections comptaient 750 000 ouvrages et 4 400 périodiques courants. On y trouve une salle de lecture d’une cinquantaine de places, une salle des périodiques, douze places pour la consultation des collections spécialisées (musique et manuscrits) et seize carrels. La consultation sur place est libre pour tout le monde, seules existent des restrictions régionales pour le prêt. La surface utile est de 6 153 m2, dont 2 979 m2 pour les magasins. Dans le même bâtiment, se trouvent les archives régionales.

Comme le manque de place était de plus en plus flagrant dans les locaux existants, le besoin d’une nouvelle construction a été pris en considération. Le bâtiment, dont l’architecte est Herbert Hauss, de Hassloch, près de Speyer, fut inauguré en 1990.

La structure est en béton armé sur un module de base de 0,625 m, donnant une trame de 7,5 m, avec quelques exceptions de 8,125 m. Les galeries des salles de lecture ouvrent sur le grand foyer du rez-de-chaussée, pavé en pierre naturelle, ce qui représente une nuisance pour les lecteurs, ce type de revêtement étant très bruyant.

La Sächsische Landesbibliothek-Staats- und Universitätsbibliothek de Dresde

Parmi les importants projets lancés dans les nouveaux Länder, la Sächsische Landesbibliothek-Staats-und Universitätsbibliothek de Dresde est un des plus intéressants.

La Sächsische Landesbibliothek est une institution d’âge vénérable (1546), dont les collections n’ont pas trop souffert pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle était logée dans une ancienne caserne, local aussi peu adapté qu’accessible. La question de la construction d’un nouveau bâtiment se posa rapidement.

La bibliothèque de l’université technique de Dresde avait, elle, été détruite par les bombardements. Après la guerre, les collections sauvées furent installées dans différents bâtiments. Le gouvernement de l’ex-RDA ne fit rien pour les reloger. Après 1989, le problème se fit de plus en plus aigu. La pression budgétaire de l’État, le besoin de nouveaux bâtiments pour ces deux importantes bibliothèques, fit germer l’idée d’une bibliothèque unique. Idée d’autant plus justifiée qu’un grand nombre d’étudiants de l’université technique fréquentait la Landesbibliothek.

Après de longues et très vives discussions, au début de 1996, le parlement de Saxe a finalement accepté le principe d’une bibliothèque unique, dont les architectes seront Ortner et Ortner, de Düsseldorf, qui ont remporté le concours.

La bibliothèque de l’université de Iena

L’université de Iena, fondée en 1558, est elle aussi une des plus anciennes d’Allemagne. La bibliothèque privée de Frédéric III le Sage, prince électeur de Saxe, qui tenait lieu de BU à l’université de Wittenberg depuis 1536, fut intégrée dans la bibliothèque de l’université de Iena.

Le nom de l’université est associé à des personnalités telles que Schiller et Gœthe. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le bâtiment, un ancien grenier classé monument historique, fut détruit. Durant ces cinquante dernières années, la bibliothèque fut provisoirement installée dans plusieurs bâtiments peu adaptés. Elle possède aujourd’hui plus de trois millions de volumes, dont beaucoup d’ouvrages précieux.

Le concours d’architectes, lancé en 1995 pour la construction d’un bâtiment de 13 500 m2 de surface utile, a été remporté par l’atelier d’architectes Heckmann, Kristel et Jung, de Stuttgart.

La bibliothèque universitaire d’Erfurt

Le dernier projet à citer est la nouvelle BU d’Erfurt. L’université, fondée en 1392, était, à l’époque, la plus ancienne en Europe après Prague. Martin Luther y enseigna. Disparue en 1816, elle a tout récemment été recréée. Ses réserves actuelles se composent de collections d’institutions académiques et ecclésiastiques diverses. Sa bibliothèque a une capacité de 2,5 millions de volumes sur environ 20 000 m2 de surface utile.

L’université fut construite sur le terrain de l’Académie pédagogique d’Erfurt. En 1994, un concours d’architectes fut lancé pour l’ensemble de l’université, y compris la bibliothèque. Il fut remporté début 1995 par l’atelier Koch, de Munich.

Il serait certainement intéressant d’étudier en détail les projets en cours de réalisation, particulièrement dans les nouveaux Länder. Nous espérons pouvoir le faire dans un prochain article...

Juin 1996

  1. (retour)↑  Sur ce sujet, voir aussi : Marie-Françoise BISBROUCK, « Göttingen, bibliothèque universitaire et de l’état de Basse-Saxe », in Nouvelles Alexandries, sous la dir. de Michel MELOT, éd. du Cercle de la librairie, 1996.