Un espace pour la recherche

La bibliothèque médicale de Paris XII

Michel Etienne

En décembre 1994, la bibliothèque médicale de Paris 12-Val de Marne ouvrait un nouvel espace pour la recherche. Un bilan architectural et fonctionnel de cette opération est dressé, opération qui comprenait la mise en place d'un accès réservé 24 heures sur 24 par carte magnétique et qui s'est accompagnée d'une réflexion collective sur la gestion des ressources d'information avec l'ensemble des partenaires concernés : faculté de médecine de Créteil, hôpital Henri Mondor et unités INSERM.

Le Centre hospitalier universitaire (CHU) Henri Mondor à Créteil est le plus important des établissements de court séjour construit par l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris dans la banlieue parisienne.

Ce bâtiment imposant regroupe un personnel hospitalo-universitaire d’environ 750 professeurs, maîtres de conférence, chefs de clinique, praticiens et attachés, répartis en une quarantaine de services.

La faculté de médecine de l’université Paris XII-Val-de-Marne, située à quelque 200 m de l’hôpital, accueille aujourd’hui 3 000 étudiants. La section médecine de la bibliothèque universitaire occupe dans ce dernier bâtiment une surface de 1 500 m2 répartis sur deux niveaux, rappelant la frontière, bien marquée dans les disciplines de santé, entre deux publics aux usages spécifiques, celui des étudiants de premier et deuxième cycles, d’une part, celui des lecteurs de niveau recherche, de l’autre.

Les données du projet

La rapidité d’accès à l’information et au document constitue pour ces derniers la préoccupation première.

Une enquête de satisfaction réalisée en mars 1993 auprès des enseignants de la faculté sur les prestations offertes dans la salle des périodiques avait en effet montré que les efforts devaient s’appliquer en priorité à l’extension des horaires d’ouverture, à l’extension du libre accès et à une meilleure information générale du lecteur. La salle était exiguë, sombre et peu confortable.

Le questionnaire avait aussi pour objectif de mieux définir la place des collections de revues de la bibliothèque universitaire dans le potentiel du CHU. Ce dernier comprend un grand nombre de points documentaires, bibliothèques de service ou de département, inégalement dotées, identifiées et organisées, et pour lesquelles la faculté de médecine souscrit des abonnements sur ses crédits de fonctionnement.

Le projet prit forme avec le concours décisif du doyen de la faculté et de son conseil de gestion, qui reconnaissaient la nécessité et affirmaient leur choix de conforter la bibliothèque universitaire dans son rôle de pôle central de ressource et de diffusion de l’information scientifique, à partir de la salle de périodiques, dont l’extension et le réaménagement complet étaient inscrits au contrat quadriennal 1992-1995 de l’Université.

Architecture et bibliothèque

Il aura fallu près de deux ans pour voir aboutir l’opération immobilière, dont la programmation et la conception ont étroitement associé des représentants de la faculté, l’équipe de la bibliothèque, le responsable des services techniques de l’Université et le maître d’œuvre en la personne de Robert Chapelier pour le cabinet d’architecture Dacbert et associés.

La surface de la salle fut étendue de 110 à 280 m2, cette extension ne pouvant être obtenue qu’en gagnant sur la surface occupée par les magasins et en redéployant une partie de ceux-ci vers le cœur du bâtiment 1. Le nombre de places assises passa de 15 à 60. La nouvelle capacité en rayonnages devait permettre d’étendre à dix ans le libre accès de chaque titre de revues en cours (200 titres).

Une organisation en trois sous-espaces requérant des degrés de confort acoustique et visuel spécifiques était retenue : l’espace accueil-détente en partie centrale, destiné à créer, au premier regard, l’atmosphère d’un club ou d’un salon, distribue une aire de lecture et de travail à proximité des baies vitrées et une aire dédiée aux outils informatiques et au local-photocopie vers l’intérieur du bâtiment. Pour une présence renforcée du personnel de la bibliothèque, un bureau fut aménagé à l’attention de la bibliothécaire responsable du fonctionnement de la salle.

La réussite de l’œuvre architecturale tient à la simplicité des réponses apportées à des contraintes fonctionnelles et techniques fortes et à un souci constant de faire de cet espace un lieu d’étude chaleureux et harmonieux. Les conditions d’intervention sur le bâtiment existant, à un niveau de demi-sous-sol qui n’avait pas été conçu pour accueillir du public, disposant d’un faible éclairement naturel et, compte tenu des importantes circulations de fluides traversant la salle, d’une faible hauteur sous plafond, devaient conduire à des solutions innovantes.

Un soin tout particulier fut apporté à la conception de l’éclairage artificiel. Une trame d’organisation de la salle simple et rythmée, à plan orthogonal, s’articulant sur celle des piliers et des baies vitrées et soulignée par les lignes de fuite des rayonnages, des faux plafonds et des luminaires, permit d’annuler l’effet de confinement, d’accroître la lisibilité du lieu et de faciliter son appropriation par l’usager. Un important travail sur le mobilier en bois achevait de donner au lieu son unité et son identité 2.

Une bibliothèque de libre-service ?

Il n’était guère admissible que cette salle voie l’utilisation de ses services soumise à des conditions d’ouverture ordinaires. Dès la rentrée 1992-1993 avait été mis en place à l’attention du personnel enseignant de la faculté de médecine un accès réservé, par carte magnétique, en dehors des heures d’ouverture : dans un premier temps de 7 h à 21 h tous les jours de l’année sauf les dimanches et jours fériés puis, après une interruption d’un an pour travaux, de façon continue 24 h sur 24, 7 jours sur 7 3.

Les revues en accès direct n’étant pas protégées contre le vol, elles firent l’objet d’un inventaire complet par trimestre. L’investissement éventuel dans un matériel de surveillance et de détection des vols devait être proportionné au risque encouru, lequel s’est avéré minime : le nombre de numéros manquants s’établit à environ 0,5 % du fonds, sans évolution sensible au cours des trois dernières années.

Il est vrai que seul un enseignant sur quatre possède aujourd’hui la carte d’accès et qu’une quinzaine d’entre eux l’utilisent plus d’une fois par mois. Sans doute conviendrait-il d’étendre l’habilitation aux praticiens hospitaliers et aux chercheurs des unités INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), qui représentent près de 40 % du public de la salle de recherche, en veillant toujours à contrôler strictement l’intégrité du fonds. Les bénéfices de l’opération, au regard de son coût, plutôt modeste 4, ne sauraient toutefois s’évaluer en termes purement quantitatifs.

La consultation des bases de données (interrogeables à tout moment) est la première démarche d’utilisation de la salle, complétée par la photocopie des articles sélectionnés et disponibles sur place. Le lecteur utilise ensuite la salle comme un lieu de lecture, de réflexion ou de rencontre avec ses collègues.

Trois entrées sur quatre ont lieu le samedi et pendant les périodes de fermeture annuelle, notamment au mois d’août. On voit par là que l’accès par carte magnétique à la bibliothèque est une réponse non déguisée à une situation de sous-effectif interdisant l’élargissement des périodes d’ouverture. S’il est vrai que cette prestation s’inscrit dans un contexte hospitalo-universitaire, où la recherche documentaire est une pratique de veille bibliographique régulière, ciblée, et qui se veut autonome, la bibliothèque ne doit pas renoncer pour autant à ses missions d’accueil, d’orientation et de formation des usagers que le développement des réseaux et l’explosion des ressources d’information rendent plus stratégiques encore.

Un équipement collectif

On retiendra que l’ouverture, le 12 décembre 1994, de la nouvelle salle de recherche accessible 24 heures sur 24 aura été décisive pour l’image de la bibliothèque universitaire et sa perception par les chercheurs et les médecins et qu’elle confère aujourd’hui toute son assise aux choix politiques de la faculté de médecine quant à la gestion de ses ressources documentaires.

L’opération de transfert à la bibliothèque universitaire du portefeuille de revues en cours de la faculté (quelque 80 titres, actuellement dispersés dans les bibliothèques de service et de département), amorcée dès 1994 et désormais programmée dans sa totalité pour le 1er janvier 1997, n’aurait pu se concevoir sans cette dynamique cohérente.

Parallèlement, la bibliothèque universitaire s’impose peu à peu comme un interlocuteur privilégié en matière de ressources électroniques, notamment par l’extension de son réseau de CD-Rom à l’ensemble du site hospitalo-universitaire et la mise à disposition de son catalogue et de ses bases de données dans les services hospitaliers et les laboratoires de recherche. Promouvoir la bibliothèque universitaire comme un équipement collectif et fédérateur de la recherche par une étroite collaboration avec ses partenaires pour un meilleur partage des ressources : la démarche est plus que jamais à l’ordre du jour au CHU Henri Mondor.

Juin 1996

  1. (retour)↑  Pour ce faire, 70 m2 furent alloués à la bibliothèque par la faculté.
  2. (retour)↑  L’enveloppe financière, d’un montant de 1,6 MF, toutes dépenses confondues, fut strictement respectée. Elle conduit à un ratio d’environ 5 000 F TTC au m2, mobilier compris.
  3. (retour)↑  Cf. l’article de Philippe KERMEL paru dans le BBF, t. 37, n 5, 1992, p. 76-78. L’attribution de la carte est soumise au dépôt d’une caution de 500 F. Elle est placée, collectivement, sous la responsabilité du doyen.
  4. (retour)↑  Le coût des équipements (deux lecteurs, un boîtier électrique, une imprimante, 500 cartes, une sirène) et de l’aménagement de l’accès (travaux de serrurerie) s’est élevé à 68 000 F ttc (prix 1991).