Le temps passe

Anne-Marie Motais de Narbonne

OCLC vient de fêter ses 25 bougies. On a, bien sûr, évoqué les conditions de démarrage de cette institution et le chemin qu’elle a parcouru avec ses bibliothèques membres.

Pour la France, cette même année, c’était aussi, à peu de choses près, le 25e anniversaire de la création du Bureau pour l’automatisation des bibliothèques (BAB) et le 20e de sa dissolution.

Le jeune BAB avait pourtant à son actif l’informatisation de la Bibliographie de la France, un service de diffusion des fiches (catalogage national centralisé, ou CANAC) dans la France entière, la définition d’un plan stratégique pour l’automatisation des bibliothèques, un système de catalogage en réseau ou catalogage partagé (CAPAR) sur le point d’entrer en service.

Deux convictions fortes avaient guidé son action. La première était qu’informatisation et coopération sont indissociables, l’autre que l’avenir était au « temps réel ».

Le caractère révolutionnaire de ces principes d’action n’est guère évident aujourd’hui, moins encore celui, explosif, de leur association. Cependant, à l’aune des projets actuels, on peut apprécier l’ampleur du défi qu’il y avait alors dans la volonté de mettre en synergie catalogage et catalogues de la Bibliothèque nationale, de la pas-encore-née bibliothèque Beaubourg, des bibliothèques universitaires et des bibliothèques de lecture publique comme celui de viser à faire travailler tous les catalogueurs en « mode conversationnel » sur une base commune.

Le choc culturel, la résistance aux bouleversements organisationnels, la défense des particularismes, associés aux erreurs et maladresses des pionniers firent le lit des démons des tribus gauloises. Autour des lobbies institutionnels et personnels, de la fragilité administrative et de la faiblesse du pouvoir politique (c’était la fin de la DBLP-Direction des bibliothèques et de la lecture publique), le consensus poussant à la destruction de ce BAB par trop dérangeant l’emporta.

La sagesse (la prudence ?) administrative qui organise le rythme des commémorations officielles nous laisse penser et espérer que, d’ici aux fêtes qui célébreront les dix ans de l’ABES (Agence bibliographique de l’enseignement supérieur), il y aura place pour une manière plus historique d’apprécier cette époque et ces événements. Cependant, à l’échelle d’une vie, il y a des obligations d’un autre ordre. Je viens de me souvenir qu’il y a vingt ans, on mit fin au BAB et à des ambitions pour les bibliothèques toujours insatisfaites aujourd’hui. Je viens de me souvenir que je faisais partie de la « bande à Boisset » – il vient de prendre sa retraite – et que j’en suis fière, même si je l’avais, moi aussi, un peu oublié.

Mai 1995