L'inspection générale des bibliothèques

Denis Pallier

Depuis sa dernière présentation, faite à Nantes en 1990 devant l’ADBU (Association des directeurs de bibliothèques universitaires), l’inspection générale des bibliothèques (IGB) a connu plus de transformations qu’elle n’en avait subies depuis 1945 1. Les rapports annuels établis par ses soins depuis 1990 ont rendu compte des différentes phases de la réflexion administrative 2.

Organisation

Dans le passage engagé d’un corps à un service d’inspection, trois étapes peuvent être distinguées.

Après la publication du nouveau statut du personnel scientifique des bibliothèques en 1992, le point de doctrine suivant devait être réglé : un conservateur général peut-il être chargé de missions d’inspection suivant un cycle déterminé et dans un cadre interministériel ? La réponse – positive – fut donnée fin 1994, après concertation entre la DLL (Direction du livre et de la lecture), la DISTB (Direction de l’information scientifique et technique et des bibliothèques) et la DGA (Direction générale de l’administration).

Pour que l’inspection puisse fonctionner, son effectif devait être reconstitué, seconde étape maintenant franchie. Thérèse Bally, Geneviève Boisard et Jean-Pierre Casseyre ont été nommés courant 1995 et, au début de l’année 1996, Jean-Marie Arnoult, Claudine Liéber, et Albert Poirot.

En 1988, les directions avaient augmenté le nombre des inspecteurs généraux des bibliothèques en raison de la croissance du nombre des bibliothèques et du besoin d’études générales. Cet effectif va être retrouvé : les membres de l’inspection sont à nouveau huit, chiffre de l’équilibre et de la justice, comme chacun sait.

La troisième étape a été simplement préparée : il s’agit d’organiser un service comprenant des inspecteurs généraux et des chargés de missions d’inspection générale, et de mettre fin à la fragilité réglementaire de l’inspection. L’existence d’un corps d’inspection a caché jusqu’en 1992 la part des usages et des coutumes dans l’organisation de l’inspection et ses relations avec l’administration.

Il s’agit aussi de traduire les résultats de la concertation engagée en 1994. Le ministère de l’Education nationale et le ministère de la Culture ont souhaité conserver le caractère interministériel du service d’inspection, par économie et pour des raisons techniques : proximité des statuts des personnels des différents types de bibliothèques, coopération plus fréquente des collectivités territoriales et des universités.

Début 1995, un texte a été préparé, après concertation entre les directions intéressées, qui fait la synthèse des missions de l’inspection et formalise son organisation. En résumé, ce texte organise une cotutelle entre les ministères de la Culture et de l’Education nationale, auquel l’IGB demeure rattachée. Cette cotutelle s’exprime à l’occasion du recrutement des membres de l’inspection, lors de la définition du programme annuel, et pour la nomination du doyen. Jusqu’ici, ce dernier était simplement l’inspecteur en fonction depuis le plus longtemps et son rôle n’était pas précisé. Il aura désormais en charge la répartition des circonscriptions territoriales et des missions entre les membres de l’inspection, la présentation du rapport annuel aux deux ministres. Refusé sous forme d’arrêté par le secrétariat général du gouvernement, ce texte va lui être représenté sous forme de décret. Il constituera le service d’inspection comme structure permanente, mieux située dans le cadre de l’administration.

Accomplissement des missions

Élément essentiel, l’inspection va disposer à nouveau d’un effectif qui permet l’accomplissement de ses missions. Elle a reçu de la DISTNB (Direction de l’information scientifique, des technologies nouvelles et des bibliothèques) un programme, et a redéfini son rôle avec la DGA. Le programme de la DLL va lui être remis.

En l’état, il est possible d’annoncer les axes de l’action de l’IGB. Dans les textes, ses missions sont au nombre de quatre : contrôle, évaluation, conseil ; études thématiques ; association à la formation, au recrutement et à la gestion des personnels ; participation aux instances nationales en matière de bibliothéconomie, de patrimoine, ainsi qu’aux conseils de grands établissements documentaires.

Contrôle

Le principal élément nouveau concerne le contrôle. L’IGB retrouve son objet, qui est d’assurer que ce contrôle soit permanent et homogène ; l’administration lui demande à nouveau ce suivi. Le relèvement de l’effectif rend leur réalité aux circonscriptions d’inspection : au nombre de huit, elles vont être arrêtées et publiées.

Les programmes de 1996 seront avant tout des programmes de contrôle. La DLL établit la liste des bibliothèques à visiter, avec l’indication d’un certain nombre d’urgences signalées par les Directions régionales des affaires culturelles, ainsi que des thèmes auxquels les inspecteurs devront être particulièrement attentifs : services au public, partenariat des bibliothèques, réseaux... La DISTNB demande aux inspecteurs de visiter en priorité certaines bibliothèques, notamment à l’échéance des contrats d’université. Elle les charge également d’apporter de l’information sur un domaine dont l’importance s’est accrue : les centres de formation aux carrières des bibliothèques (CFCB), dont un seul avait été inspecté jusqu’ici. Chaque inspecteur visitera en 1996 le ou les centres de sa circonscription. Un travail identique a été fait au premier semestre 1995 sur les URFIST (unités régionales de formation en information scientifique et technique) par les trois inspecteurs alors en fonction, en suivant un cadre commun.

Etudes thématiques

Si le contrôle est à nouveau le centre des activités de l’inspection, cela vient aussi de l’allégement relatif des études thématiques. Dans les années 1980, si l’on met à part le rapport conjoint IGA/IGB sur la documentation des universités, la demande d’études venait plus fréquemment du ministère de la Culture (rapport Desgraves, rapport Yvert sur la décentralisation, rapport Seguin sur le dépôt légal, rapport Sarazin-Béghain sur les bibliothèques municipales classées) 3.

Un renversement s’est produit à partir de 1990, où l’inspection s’est vu commander quatre études thématiques par le ministre de l’Education nationale. Les programmes annuels de 1993 et 1994 ont comporté à leur tour de telles commandes. Les conclusions des deux dernières études menées ont été présentées par Yves Laissus et Marc Chauveinc 4.

Cette année, l’inspection n’a que trois études thématiques de tailles diverses et toutes « appliquées », données par la DISTNB. L’une est menée par Geneviève Boisard avec l’IGA sur les ateliers de reproduction des thèses. La seconde étude porte sur des secteurs disciplinaires où les CADIST restent à constituer : en premier lieu, histoire ancienne (dossier suivi par Thérèse Bally) et italien (dossier suivi par Marie-Ange Laumonier). Parallèlement, l’IGB sera sans doute amenée à inspecter des CADIST constitués. La troisième étude consistera en une synthèse des rapports sur les centres de formation (travail préparé par Jean-Pierre Casseyre et Denis Pallier). Ce rythme d’études paraît être un bon rythme.

Formation, recrutement, gestion

Ce troisième secteur d’activité n’a pas connu de changement, mais plutôt une normalisation. Si l’IGB, comme d’autres inspections générales, a conservé un rôle en ces domaines, c’est pour deux motifs. Le premier a sans doute été l’étroite association de l’IGB à l’ancienne DBLP (Direction des bibliothèques et de la lecture publique). Le second motif est l’expérience des inspecteurs et, en matière de jury, leur disponibilité et leur indépendance vis-à-vis des personnels (ils peuvent recevoir des récriminations, mais ce ne seront pas celles que reçoit un chef d’établissement).

En ce qui concerne les formations, l’inspection n’a plus l’espèce d’association étroite qu’elle a eue au temps où elle était présente à tous les conseils de toutes les écoles, mais du moins elle assiste aux conseils scientifiques. Elle s’est efforcée de contribuer aux études sur les métiers (rapport Botineau, Premier recensement des métiers des bibliothèques 5). L’un des membres de l’inspection a assuré l’intérim de la direction de l’ENSSIB.

Après une période que l’on peut qualifier de période d’hésitation, le rôle de l’inspection en ce qui concerne les jurys de recrutement est clarifié, en accord avec les directions d’administration centrale (DGA, DISTNB, DLL). Les IGB, pour des motifs d’expérience et de disponibilité, assurent chacun la présidence d’un jury, jury de recrutement de l’ENSSIB excepté.

Comme chacun le sait, depuis 1990, l’IGB ne mène les inspections individuelles concernant le personnel qu’à la demande du ministre de l’Education nationale, gestionnaire des corps d’État. Les recours du personnel doivent passer par la voie hiérarchique et la voie administrative (DGA). Depuis 1994, l’IGB n’est plus en charge de l’harmonisation de la notation du personnel scientifique.

Mais cela ne signifie pas que l’inspection n’est plus concernée. Au cours des deux dernières années, le ministre a demandé aux inspecteurs d’instruire plusieurs dossiers de personnel. Les inspecteurs se sont efforcés de rationaliser responsabilités de jury et suivi de corps dans le cadre des commissions administratives paritaires (CAP), en organisant avec l’administration leur présence aux commissions. Le titulaire et le suppléant à une CAP reçoivent naturellement toute l’information dont disposent leurs collègues inspecteurs et peuvent jouer pleinement leur rôle de consultant de l’administration. Avec la reprise des inspections, cette information va redevenir fraîche et courante.

En effet, à la demande de la DISTNB et de la DLL, les IGB prendront en compte à nouveau l’ensemble du personnel lors des inspections, ce qui est logique vu l’importance des ressources humaines dans le fonctionnement des bibliothèques. En ce qui concerne l’équipe de direction des services communs de la documentation, les nominations de chefs de section se font avec son avis. Il est utile que les inspecteurs soient informés des nominations d’adjoints aux directeurs, et des attributions données à ces adjoints.

Depuis 1996, l’inspection fonctionne à nouveau à plein effectif. Depuis la décentralisation et la contractualisation, elle a modifié sa pratique, en s’efforçant de fournir non plus des rapports succincts destinés à une administration centrale déjà bien informée, mais des rapports plus complets, lisibles par un président d’université ou un maire, comme par l’administration. Pour sa première et principale mission, le contrôle, l’ambition de l’inspection est double :

– redevenir un trait d’union entre des bibliothèques nombreuses et les administrations centrales, observant, écoutant, recueillant les avis sur le terrain, faisant connaître en retour les orientations de l’Etat, les expériences parallèles ;

– fournir une appréciation régulière des bibliothèques, appréciation qualitative, en complément des enquêtes statistiques ; comparer les choix professionnels et participer ainsi, autant que faire se peut, au développement des politiques documentaires.

Lier ainsi activités d’évaluation et de contrôle suppose que le service chargé du contrôle soit lui-même en relation étroite avec les administrations centrales et déconcentrées. C’est la voie dans laquelle l’inspection souhaite s’engager en accord avec les directions auxquelles elle rend compte.

  1. (retour)↑  Ce texte reproduit l’intervention faite par Denis PALLIER, le 10 janvier 1996, à la réunion des directeurs de bibliothèque universitaire.
  2. (retour)↑  Le Rapport de l’année 1995 a été publié en mars dernier.
  3. (retour)↑  Rapport au directeur du livre et de la lecture sur le patrimoine des bibliothèques établi par Louis DESGRAVES. Des extraits de ce rapport ont été publiés dans le BBF, t. 27, n° 12, 1982, p. 657-688. Décentralisation et bibliothèques publiques (bibliothèques des collectivités territoriales) / rapport au directeur du livre et de la lecture établi par un groupe de travail présidé par Louis YVERT. Ce rapport a été publié dans le BBF, t. 29, n° 4, 1984, p. 269-297. Rapport sur le fonctionnement du Dépôt légal, mars 1985. Propositions pour les bibliothèques municipales : rapport du groupe de travail sur les bibliothèques municipales classées présenté au directeur du livre et de la lecture, avril 1989.
  4. (retour)↑  Yves LAISSUS, L’accessibilité de la documentation dans les bibliothèques scientifiques du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Paris, IGB, 1993. Cf. le compte rendu paru dans le BBF, t. 39, n° 4, 1994, p. 117. Marc CHAUVEINC, Enquête sur la politique d’acquisition de quelques bibliothèques universitaires françaises, Paris, IGB, 1993. Cf. le compte rendu paru dans le BBF, t. 39, n° 5, 1994, p. 85-86.
  5. (retour)↑  Diplôme de conservateur de bibliothèque : évaluation de son programme / rapport élaboré sous la responsabilité de Pierre BOTINEAU, Villeurbanne, ENSSIB, 1995. Cf. le compte rendu paru dans le BBF, t. 40, n° 6, 1995, p. 118. Premier recensement des métiers des bibliothèques / rapport rédigé par Anne KUPIEC à la demande de la DISTB, ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Insertion professionnelle, 1995. Cf. l’article paru dans le BBF, t. 40, n° 6, 1995, p. 17-21.