L'aDBU à Rennes

Annie Le Saux

Le XXVe congrès de l'Association des directeurs de bibliothèques universitaires s'est déroulé du 21 au 23 septembre derniers à l'Université de Rennes II selon un rituel désormais bien établi : une journée consacrée aux rapports des différents groupes de travail et aux orientations de l'association, une journée d'étude et, enfin, une matinée réservée aux représentants de l'administration centrale. Habituel aussi le salon où fournisseurs de matériels et produits spécifiques aux bibliothèques exposaient leurs dernières nouveautés. Un changement cependant par rapport aux congrès précédents : la journée d'étude n'était plus consacrée à un thème unique, mais abordait plusieurs des préoccupations communes au monde des bibliothèques universitaires.

Les BU ont beaucoup évolué ces dernières années. Les lois de décentralisation ont été à l'origine de certains de ces changements, éloignant les bibliothèques de leur Ministère de tutelle, pour les rapprocher des universités. Ne pouvant plus désormais s'appuyer sur des directives ministérielles, les bibliothèques sont de plus en plus amenées à négocier avec leurs partenaires directs. Plus responsabilisées, désireuses d'aller au-devant des besoins de leurs usagers, elles doivent aussi évoluer vers une approche économique des services.

La tarification

Dans les années 70 et surtout au milieu des années 80, les débats tournaient autour de la question « Faut-il ou ne faut-il pas tarifer les services rendus par les bibliothèques ? », avançant des arguments sociaux et politiques en faveur de la gratuité et des arguments économiques en faveur de la tarification.

Actuellement, l'introduction des nouvelles technologies, l'augmentation des coûts liés à l'explosion documentaire, la hausse de la valeur de l'information font que l'on assiste à un développement de la tarification dans l'ensemble des pays occidentaux. Le débat a donc évolué vers les questions suivantes : quand, comment et combien tarifer ?

Dans le cadre d'une thèse qu'il prépare sur la tarification des services dans les bibliothèques, Daniel Eymard, du sevice commun de la documentation (SCD) de Rennes II, préconise un modèle de tarification, qui consiste, après avoir fait la liste des acteurs concernés - usagers, fournisseurs, tutelle -, à s'interroger sur les objectifs et les contraintes de chacun d'entre eux, à définir des indicateurs qui permettent de caractériser ces objectifs et contraintes, puis à décrire les différents scénarios associés aux choix possibles.

Lors de la table ronde qui a suivi, on a pu constater que les concepts de service public et de gratuité pouvaient revêtir des réalités différentes. Service public ou service gratuit pour Patrick Noèl, de l'Agence régionale de l'information scientifique et technique de Bretagne. Réponse aux besoins et offre du meilleur service possible pour Sabine Barral, du SCD de l'Université de technologie de Troyes. De l'avis de Nicole Le Brenn, du SCD de l'Université de Paris III, au vu du tableau sur la tarification des services qu'elle a été chargée d'établir pour Paris, le but est de ne pas perdre d'argent même si l'on ne fait pas de bénéfices. Mais que faire payer ? Les seuls coûts visibles ? L'information elle-même ou le papier, comme c'est le cas pour les sorties de CD-Rom ?

Christine Deschamps, du SCD de l'Université de Paris V, ajoute qu'avec l'apparition de nouveaux services, comme Internet et la fourniture électronique de documents, il va falloir imaginer de nouveaux paramètres : la page écran ou le nombre de signes au lieu de la page papier ?

Le prêt entre bibliothèques fut souvent pris comme exemple de tarification et le constat fut que la gestion du prêt était souvent plus onéreuse que le service payé, amenant à se demander si cela valait vraiment la peine de faire payer certains de ces services. Plusieurs suggestions de remplacement furent avancées, comme d'inclure ces coûts dans les droits d'inscription, de regrouper les facturations au lieu de les faire au coup par coup, ou encore de passer des accords entre établissements ayant à peu près le même taux de prêts.

Budget et statut

L'après-midi, à la série d'exposés du matin, furent préférés des échanges animés tant entre les intervenants qu'avec la salle.

Après une présentation du nouveau budget par Geneviève Boisard, inspecteur général des bibliothèques, budget caractérisé par un nouveau mode de préparation, par l'annualité des crédits et donc leur non-report, sauf exception, Louis Klee, du SCD de l'Université de Nice, a exposé les principales caractéristiques de Nabuco, la Nouvelle approche budgétaire et comptable 1.

Réserve, fond de roulement, crédits fléchés, année civile, année universitaire, autant de notions à prendre en compte et autant de pratiques différentes d'une université à l'autre. D'où la nécessité impérieuse pour chaque bibliothèque de négocier avec son université, et d'établir des rapports qui ne soient pas forcément défavorables à la bibliothèque. L'exemple des étudiants boursiers, exonérés des droits de bibliothèque, a illustré ce point : certains directeurs semblaient ignorer que le ministère verse une compensation aux universités pour cette catégorie d'étudiants. Lesdites universités oublieraient-elles de reverser ces compensations à leur destinataire ?

A l'instar de Benoît Lecoq, de la bibliothèque interuniversitaire de Montpellier, les directeurs de BU et BIU se sont accordés à reconnaître que le bilan des dix ans du décret de 1985 sur les statuts d'établissement n'était pas entièrement positif. Diversité des situations, morcellement universitaire au sein des grandes villes, « superstructures dévoreuses de crédits et de personnel », lourdeur de gestion, telles sont les remarques que l'on a pu entendre sur les BIU, surtout sur celles qui comprennent jusqu'à cinq universités et qualifiées par Bernadette Jullien de « monstres ingérables ». Ces statuts ont cependant permis une harmonisation documentaire, ainsi que la mobilité du personnel et peuvent constituer une force dans les instances universitaires.

Benoît Lecoq s'est interrogé sur l'essence même de cette crise : est-elle propre aux BIU, va-t-elle s'étendre aux SCD, concerne-t-elle les seules bibliothèques ou également les universités ?

La fragilité des bibliothèques se fait sentir dans le sentiment qu'elles ont de ne pas être reconnues comme un véritable acteur de la politique de l'université, de n'être que des « éléments d'environnement externe de l'université ». Le président de l'Université de Rennes II, André Lespagnol, a cependant témoigné, au nom de la Conférence des présidents d'universités (CPU), de la volonté d'intégrer, par le biais des contrats, la politique documentaire dans les politiques pédagogique et de recherche de l'université. Une façon de réfléchir à l'évolution de la place des bibliothèques dans l'université serait, a-t-il souhaité, de renouveler les journées d'étude communes à l'ADBU et à la CPU, qui s'étaient déroulées à Nice en mai 1992 2, avec la participation des représentants de la Sous- direction des bibliothèques.

Francs et mètres carrés

Clôturant la dernière matinée, Claude Jolly, sous-directeur des bibliothèques, a annoncé la création de quarante-cinq emplois en 1996 - 25 en 1995 -, qui devraient se répartir en dix postes de bibliothécaires adjoints, dix d'inspecteurs de magasinage et vingt-cinq de magasiniers en chef ; un budget de fonctionnement de 404 MF, soit une augmentation de 28 MF, traduisant une progression de 7,5 % ; un budget informatique passant de 14,2 MF en 1995 à 15,2 MF en 1996.

La politique du ministère souhaite privilégier quatre axes, visant à :

- accompagner la mise en service des nouvelles surfaces des bibliothèques. 65 000 m2 supplémentaires sont prévus en 1996, parmi lesquels il faut tenir compte de la montée en charge des bibliothèques des universités nouvelles ;

- augmenter la capacité documentaire des bibliothèques universitaires en renforçant les CADIST et en en créant de nouveaux ;

- doter les bibliothèques de systèmes de gestion modernes ;

- poursuivre la mise en oeuvre du schéma directeur informatique.

Claude Jolly a également fait part de sa volonté de poursuivre le développement du libre accès, l'élargissement des horaires, l'accès et la formation aux nouvelles technologies, thèmes qui font désormais partie des « marronniers » de l'administration centrale.

Négocier fut le maître mot de ces fertiles débats, négocier individuellement sur le plan local avec l'université et négocier sur le plan national pour les questions communes à toutes les bibliothèques - auprès des fournisseurs de CD-Rom par exemple - où le poids du nombre jouerait sur les tarifs et contribuerait à une harmonisation des pratiques.