La science de l'information

par Sylvie Fayet-Scribe

Yves-François Le Coadic

Paris : PUF, 1994. – 127 p. ; 18 cm. – (Que sais-je ? ; 2873) ISBN 2-13-046381-9

L’auteur, bien connu pour ses travaux et actions en faveur du développement institutionnel de la science de l’information 1, en expose les fondements et l’histoire, étudie les trois processus de construction, communication et usage de l’information, et trace un rapide portrait des technologies et des professions qui s’y rattachent. Il ne faut pas chercher une réflexion sur les métiers de l’information, le dernier chapitre donnant une vision en partie prospective de trois groupes de métier – les spécialistes qui traitent de l’information avec les techniques électroniques, les entrepreneurs de l’information créateurs d’entreprises de fabrication et de vente des produits et services, enfin les scientifiques de l’information, chercheurs et enseignants-chercheurs.

Une réflexion sur l’information

Le but avoué est de comprendre la science de l’information dans ses réalisations et son fonctionnement. Tout d’abord, l’information est définie comme « une connaissance inscrite (enregistrée) sous forme écrite (imprimée ou numérisée), orale ou audiovisuelle », la distinguant ainsi nettement de la communication. La science de l’information a déjà acquis ses lettres de noblesse aux Etats-Unis 2 – où elle est apparue dans les années 60 – poussée par la nécessité de comprendre la production et les besoins en IST (information scientifique et technique) dans le contexte d’un nouveau secteur économique, celui des industries de l’information. Plus largement, la réflexion sur l’information accompagne le bouleversement culturel, économique et technologique des sociétés postindustrielles. Plus avant dans le temps, les racines de la science de l’information sont à chercher dans quatre disciplines : la bibliothéconomie, la « muséo-économie », la documentation et le journalisme. Mais celles-ci correspondent à d’autres objets d’investigation : le livre, l’objet de musée, le document, l’information grand public. Le point commun est d’avoir pensé les supports de l’information, mais non l’information elle-même.

Interdisciplinarité et propriétés

Pour ce faire, la science de l’information va appartenir au secteur des sciences sociales, et sera interdisciplinaire. Elle fait appel à différentes disciplines comme la psychologie, la linguistique, la sociologie, l’informatique, l’économie, le droit, la philosophie, la politique et les télécommunications.

L’auteur propose une carte de la science de l’information qui, adoptant la forme d’une fleur, permet de repérer les thèmes centraux (cœur de la fleur) et les thèmes périphériques étudiés (compris dans les pétales). Cette représentation cartographique est le résultat d’une analyse de mots associés faite sur la banque d’informations Pascal de l’Inist (Institut de l’information scientifique et technique). C’est dire que le nombre de pétales n’est pas encore définitif !

Dans le chapitre 4, l’auteur adopte le découpage construction-communication-usage pour rendre compte des propriétés de l’information. Celles-ci seront surtout étudiées dans le contexte de l’élaboration de la science. On aurait pu aussi penser à la sphère du politique ou de l’économique, qui, faute d’études dans ces domaines, ne sont pas présentes.

La construction est vue à travers la croissance de l’information, le rôle de ses acteurs (la communauté scientifique), de ses institutions ou de ses formes d’organisation ; la communication examinée dans ses pratiques et processus (écrit et oral) ; l’usage de l’information explicité à travers le besoin d’information, l’interaction, et la pratique sociale qu’il sous-tend. Tout un travail a lieu pour comprendre « les logiques d’usage » et les usagers eux-mêmes. L’infométrie – qui est la mesure des activités d’information en IST, – tout comme la scientométrie 3 est mise à contribution.

Ordonnancement

Mais, comme toute science, celle de l’information vise à l’ordonnancement d’un domaine de la connaissance. Ainsi se donne-t-elle un objet, puis se fonde-t-elle sur des concepts et des méthodes, pour enfin adopter des lois et théories qui s’élaborent peu à peu.

Les concepts sont, parmi d’autres : la citation, l’hypertexte, l’obsolescence, la classification, la pertinence... Les méthodes d’analyse des documents et de l’information sont par exemple l’analyse des cocitations (la fréquence des citations reçues par un article est l’indice de l’importance scientifique de cet article), ou des mots associés (l’association des mots clefs mettant en évidence les tendances de la recherche). De plus, des méthodes sont empruntées à d’autres disciplines. Pour les lois, citons les lois bibliométriques, la loi de Bradford, les lois épidémiques (cf. la distribution orale des informations). Quant aux modèles, ils sont structuraux, graphiques, ou mathématiques. La modélisation est souvent présente, par exemple, celle des processus de repérage de l’information (booléen, vectoriel, probabiliste).

Les théories appartiennent souvent à d’autres domaines concernés par l’information (comme les médias, cf. l’école de Francfort, ou la communication interactive, cf. l’école de Palo Alto).

Historique

L’histoire de la science de l’information vient compléter son portrait. Est ainsi évoquée l’histoire de ce qui la précède : celle des livres et des bibliothèques, tentée à travers les institutions, les techniques et les individus. Il s’agit de passer à l’histoire de la documentation et de l’information elle-même, au niveau de ses concepts, ses théories, ses idées. L’enjeu est de pouvoir éclairer la constitution de ce savoir scientifique. Bien sûr, cette histoire se complète par celle des techniques, du support traditionnel – le livre – au support électronique actuel.

On le voit, la science de l’information a atteint l’âge adulte, mais elle demande encore des recherches, afin de développer lois, concepts et méthodes. Elle doit accumuler et interpréter observations et expériences pour aboutir à une théorie générale. Le débat reste ouvert à tous.

Remercions chaleureusement l’auteur d’avoir établi la synthèse d’une discipline jeune en France et souvent peu connue 4 dans les secteurs des livres et du document et qui pourtant les concernent aussi.

  1. (retour)↑  A ce titre, on peut remarquer que les notes en bas de page, qui composent la bibliographie du livre, celle-ci ne comportant que quatre titres, comprennent 66 ouvrages ou articles, dont une moitié est en français et l’autre, dans sa grande majorité, en anglais.
  2. (retour)↑  A ce titre, on peut remarquer que les notes en bas de page, qui composent la bibliographie du livre, celle-ci ne comportant que quatre titres, comprennent 66 ouvrages ou articles, dont une moitié est en français et l’autre, dans sa grande majorité, en anglais.
  3. (retour)↑  Jean-Pierre COURTIAL, La scientométrie, Paris, PUF, 1993 (Que sais-je ? ; 2727).
  4. (retour)↑  Pour aider en ce sens, sont proposées en annexe les principales revues scientifiques et techniques de cette discipline, ainsi que les plus importantes banques de données.