Les livres pour enfants dans les bibliothèques
comment les choisir et où les mettre ?
Caroline Rives
Quelques pistes pour réfléchir sur les politiques d’acquisition et la diversification des places du livre pour enfants dans les bibliothèques : la critique et le rôle de la Joie par les livres, les problèmes de censure aux Etats-Unis et leur possible importation en France, la constitution des fonds patrimoniaux, la documentation et l’information des médiateurs, la desserte du monde scolaire, vers un décloisonnement des sections enfantines.
A few aspects of acquisition policies in children’s libraries and diversification of services providing children’s books in public libraries : book selecting and the role of critics ; censorship in the USA and in France, constitution of patrimonial children’s book collections ; children’s literature documentation centers ; providing children’s books to the library environment and schools.
Die Verfasserin schlägt einige Richtungen vor zur Überlegung über die Erwerbspolitik und die verschiedenen Plätze der Kinderbücher in den Bibliotheken : Kritik und Rolle der Joie par les livres (Freude durch Bücher : berühmte Pariser Kinderbibliothek), Zensurproblemen in den Vereinigten Staaten und deren mögliche Einfuhr in Frankreich, Bildung der Patrimonialsammlungen, Dokumentation und Information der Vermittler, Bedienung des Schulwesens, wünschenswerte Durch lässigkeit der Kinderabteilungen.
Les politiques d'acquisition font l'objet d'un soin proverbialement minutieux dans les bibliothèques pour enfants. En témoignent la pratique souvent affirmée de la lecture extensive de leur fonds par les bibliothécaires, ou la définition du champ de l'épreuve d'analyse au CAFB jeunesse (Certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire), qui s'étendait à l'ensemble de la production. Dès l'origine, l'Heure joyeuse en 1924, puis la Joie par les livres dans les années 60, posent comme fondamentale la sélection des ouvrages.
Documentation et littérature
Ceci non sans un certain nombre de paradoxes souvent évoqués depuis, qui peuvent se résumer dans l'apparente contradiction entre revendication de liberté et/ou de plaisir pour l'enfant qui fréquente la bibliothèque, et volonté exigeante de ne lui proposer que les « meilleurs » livres, ainsi que ceux d'un circuit lettré qui échappe à ses lieux de fréquentation quotidienne. Ce que Bernadette Seibel appelle d'une formule heureuse le « spontanéisme réglé ».
A partir de là, un certain nombre de glissements s'opère : si l'on respecte verbalement l'importance qu'accordait l'Heure joyeuse à l'initiation à la démarche documentaire, la lecture épanouissante et privilégiée demeure cependant de façon implicite celle de la fiction. Le travail initié à la médiathèque des enfants de la Villette, et relayé par la Joie par les livres, Rayon vert, Alias ou Lire pour comprendre autour des documentaires a du mal à se généraliser. Si, comme le souligne Francis Agostini, les services pour enfants ont souvent été pilotes dans le domaine de la vulgarisation scientifique, ce travail reste trop souvent expérimental ou ponctuel, ou privilégie les actions de sensibilisation au détriment de la constitution des collections (1). Les supports autres que le livre (presse, documents iconographiques, audiovisuels et électroniques) sont présents dans les bibliothèques pour enfants, mais occupent moins de place que lui dans les préoccupations de la majorité des professionnels et dans le discours des prescripteurs.
La recherche documentaire, que les bibliothécaires pour enfants maîtrisent peut-être parfois mal, semble toujours marquée du sceau infamant du pédagogique et du scolaire. Ils se plaignent de voir leurs locaux envahis par des enfants ou des adolescents en quête d'aide à un travail parfois mal adapté, il est vrai, par certains enseignants qui ne se donnent pas la peine d'analyser la réalité de l'offre documentaire, comme les responsables des grands établissements parisiens se lamentent de se voir « squattés » par les étudiants. Tant il est vrai que les bibliothécaires ne désirent que les publics qui leur résistent. Les épreuves du défunt CAFB reflétaient cette situation, en amenant leur préparation à privilégier la connaissance du document au détriment de celle du public.
Les problématiques des années 80 que j'avais tenté de décrire dans le numéro du Français aujourd'hui (3) intitulé « Lieux de lecture » restent donc largement d'actualité. Cependant, il est plus facile de jeter un regard rétrospectif que de prétendre synthétiser à chaud. Je me contenterai d'envisager ici, sans prétendre à l'exhaustivité, un certain nombre de pistes qui peuvent sembler intéressantes pour réfléchir sur la place des livres pour enfants dans les bibliothèques aujourd'hui : les critères de choix, les problèmes de censure, la conservation, les réponses aux besoins des médiateurs adultes, la desserte des lieux de lecture extérieurs aux bibliothèques.
Les critères du choix
Il serait utile de mener un travail d'enquête sur le terrain pour analyser la façon dont s'y déroulent les acquisitions : rapport entre achats de nouveautés courantes et rééquilibrage des collections, fréquentation des librairies, utilisation de la presse professionnelle, pratique des offices, que la littérature existante désigne comme particulièrement adaptée à ce secteur, diversification par supports et par genres, répartition des crédits documentaires par secteurs au sein de la bibliothèque, rapportés aux proportions d'inscrits, d'utilisateurs et d'emprunteurs... Sylviane Teillard (2), dans une communication donnée en 1993 à la Foire du livre de Bologne, en envisageait les aspects économiques, le point important étant l'équilibre entre critères quantitatifs et qualitatifs dans le choix des fournisseurs, et plus largement le problème de l'interprofession.
Si cette problématique n'est pas propre aux bibliothèques pour enfants, elle est particulièrement lisible dans ce secteur. Il existe en effet un partenaire clairement identifié en l'Association des libraires spécialisés pour la jeunesse, qui développe un discours spécifique sur le livre pour enfants, complémentaire et non contradictoire de celui des bibliothécaires, comme le montre l'organisation conjointe du prix Sorcières avec l'Association des bibliothécaires français. Le partenariat avec le groupe jeunesse du Syndicat national de l'édition, présidé par Christian Bruel, a montré le même type de convergence, puisque celui-ci s'est prononcé fermement pour la gratuité du prêt dans les bibliothèques pour enfants. Néanmoins, on peut se demander si Sylviane Teillard ne manifestait pas trop d'optimisme : on peut être inquiété par la controverse récente autour du marché passé par la Ville de Paris avec la SFL (Société française du livre) pour l'approvisionnement des BCD (bibliothèques centres documentaires), que critique vivement le Syndicat national de la librairie (dans la rubrique « Métro » Libération du 7 février 1995).
Les bibliothèques ont un rôle à jouer dans le soutien à la librairie de qualité, qui leur apporte un service irremplaçable ; on peut cependant remarquer que leurs circuits d'acquisition ne les incitent pas à s'ouvrir vers de nouvelles pratiques. Si les achats de livres français sont faciles, le bibliothécaire a plus de mal à trouver des fournisseurs dans le domaine des livres-cassettes, des vidéos, des livres en langues étrangères, sans parler du multimédia. S'y ajoutent d'ailleurs des problèmes de droits mal pris en compte par les fournisseurs, comme le montraient les hésitations de Gallimard pour la diffusion en bibliothèque de ses vidéos adaptées d'albums. Les documents non légitimés dans les bibliothèques, imagerie de grandes surfaces ou presse dérivée de séries télévisées, échappent à ses circuits professionnels. La conscience tranquille, le bibliothécaire peut donc les ignorer.
Que choisir, comment choisir ?
On est frappé, à la lecture du livre de Bertrand Calenge sur Les Politiques d'acquisition (4), de voir à quel point les acquisitions en section enfantine ne semblent pas lui poser problème. S'il insiste à juste titre sur l'utilité de les concevoir en liaison avec les autres secteurs de la bibliothèque par grands domaines intellectuels, s'il souligne l'importance de la prise en compte de la diversification des supports, il renvoie sans états d'âme aux outils professionnels plus ou moins directement produits par la Joie par les livres en ce qui concerne les critères de choix : Revue des livres pour enfants, ou à Lectures, livres et bibliothèques pour enfants dirigé par Claude-Anne Parmegiani (5). Tout en étant flatté de sa confiance, il n'est pas interdit de se demander si elle est bien placée.
Des références communes
On a souvent souligné le rôle important de la Joie par les livres dans ce que les Américains appellent la constitution du canon.
La formation des bibliothécaires pour enfants, placée sous la responsabilité de celle-ci dans les années 70-80, lui a permis de fortement marquer la profession, et cette formation initiale du goût a été relayée efficacement par des dispositifs d'accompagnement ultérieurs : présentation mensuelle et publique des nouveautés, critique courante dans la Revue des livres pour enfants, et stages de formation continue, dont la dernière mouture (une semaine de stage sur l'analyse critique intitulé Un genre, un jour) a connu un succès qui conduit à s'inquiéter des carences de la formation initiale dans ce domaine.
A cet égard, il serait utile de rapporter l'influence de la Revue des livres pour enfants à celle des autres revues spécialisées (Griffon, Livres jeunes aujourd'hui, Livre service jeunesse, Nous voulons lire, Citrouille...). Il me semble, pour l'avoir pratiquée en bibliothèque avant de travailler à la Joie par les livres, que son lien avec la formation initiale lui permet d'être en connivence plus directe avec son lectorat, et que l'unité critique qui s'y développe en fait un outil plus facilement utilisable que d'autres. On peut ne pas être d'accord avec ses choix (elle est parfois taxée d'élitisme), il n'en reste pas moins qu'ils sont aisément repérables et qu'un utilisateur extérieur peut se faire une idée assez juste du livre critiqué en le rapportant à son propre système de valeurs. Il serait en effet présomptueux de croire que les bibliothécaires achèteraient aveuglément en fonction de nos directives. La pratique déjà évoquée des lectures intensives, les multiples comités de lecture qui fleurissent un peu partout démontrent le contraire. Néanmoins, les bibliothèques pour enfants ne sont pas à égalité devant les sources d'information. Il y a une grande différence entre une bibliothèque située dans une ville importante, disposant d'un réseau de librairies proches, d'un personnel formé et de moyens financiers qui lui permettent de multiplier les outils documentaires, et une petite bibliothèque en milieu rural.
Travailler à l'intérieur de l'institution permet d'appréhender la façon dont se constitue cette unité critique, qui existe ailleurs et privilégie parfois d'autres critères. Ainsi on pourrait dire grosso modo que, si la Joie par les livres met l'accent sur des critères esthétiques auxquels adhère l'ensemble de l'équipe, Livres jeunes aujourd'hui met en œuvre une critique cohérente qui accorde une grande place aux valeurs morales (sans que l'une ou l'autre dimension soit bien sûr absente des préoccupations de chacune des revues). L'élaboration de ce système de références communes serait intéressant à analyser. Y participer rend difficile la mise à distance nécessaire pour en prendre réellement conscience.
Néanmoins, les regards extérieurs peuvent y aider. Par exemple, la circulation du discours critique à la Joie par les livres a été observée par Huguette Rigot en 1992 dans le cadre de l'enquête lancée par la Direction du livre et de la lecture sur les sociabilités dans le domaine de la lecture. Si ce travail n'est pas publié à ce jour (et si je n'ai aucune idée des conclusions de la sociologue), son intervention a certainement permis à l'équipe de la Joie par les livres de prendre mieux conscience des modes de transmission informelle qu'elle met constamment en œuvre, même si elle a le plus grand mal à structurer un comité de lecture aisément identifiable dans le temps et l'espace. De même, les interventions que les uns et les autres sont amenés à faire dans de multiples journées d'étude, stages et autres tables rondes, amènent à une confrontation permanente de leurs choix avec ceux des médiateurs qui travaillent dans un contact direct avec le destinataire final. Le stage déjà cité sur l'analyse critique nous a amenés à mieux préciser nos objectifs, une partie de l'attente des stagiaires étant de comprendre la démarche qui présidait à nos choix, pour mieux situer la leur.
Les vieux débats
La question posée de façon récurrente est celle de la distance supposée ou réelle entre les propositions de lecture qui émanent de la Joie par les livres, et qui sont ou non reprises par la profession, avec les pratiques culturelles des enfants, ou ce qu'on peut en présupposer.
On peut s'attendre, par exemple, à voir resurgir le vieux débat autour de la lecture des séries, très présent au début des années 80, mais que le développement du livre de poche avait semblé évacuer. Néanmoins, le poche n'a pas eu la peau des séries : on en voit fleurir à nouveau, traditionnelles comme l'inépuisable « Club des cinq » ou d'un genre nouveau comme « Les Médecins de l'impossible », parrainée par Médecins du monde, hymne simplet et paternaliste à la gloire des French doctors. Laurence Decréau, qui dirige la « Bibliothèque verte », fait une apologie du genre non dépourvue de mauvaise foi dans Ces héros qui font lire (6). On tombe d'accord avec elle sur le goût incontestable manifesté par un lectorat enfantin pour un genre caractérisé par son côté digeste. L'éducation du goût passe par des étapes, en littérature comme en cuisine. L'utilité de se servir de ces livres comme d'un tremplin vers d'autres lectures plus exigeantes est à envisager sérieusement, encore que Laurence Decréau ne démontre pas de façon très claire comment ce miraculeux passage peut s'effectuer. La comparaison avec les grandes épopées fondatrices est plus contestable (encore que Florence Dupont ait déjà établi un parallèle paradoxal entre Homère et Dallas). Là où Laurence Decréau se moque du monde, c'est quand elle revendique la littérarité de ces ouvrages au nom de l'utilisation de « procédés littéraires ». Le fait qu'un roman comporte un narrateur, des personnages ou des temps du récit n'en fait jamais rien d'autre qu'un roman ! Il est dommage que Laurence Decréau, entraînée par le désir légitime de défendre sa production, utilise ce genre d'arguments, qui pourrait conduire à évacuer ce qui est un vrai débat. On trouve une approche plus sereine chez Charles Sarland qui, dans la revue Signal, rend compte de manière intéressante de la façon dont des adolescents peuvent expliciter leurs goûts de lecture et affiner des critères de choix à partir de la lecture de séries fantastiques américaines (7).
L'éducation du goût
On ne peut se cacher que notre mode de travail est dans une certaine mesure désincarné.
Les lectures opérées à la Joie par les livres sont des lectures d'adultes qui ne sont pas en contact direct avec le destinataire final. Outre que les attentes de ce destinataire ne sont pas évidentes à apprécier (François de Singly souligne dans Lire à 12 ans la difficulté d'interroger de façon fiable de jeunes enfants sur leurs préférences, et on ne dispose pas, de fait, en ce qui concerne l'enfance des mêmes indicateurs que ceux que donne L'Enquête sur les pratiques culturelles des Français pour les adultes), la Joie par les livres vise une éducation du goût par le biais de la bibliothèque, pas une simple adéquation à ce qui est perçu comme étant spontanément apprécié par le lectorat. En ce sens, elle revendique un rôle pédagogique, même si elle ne revendique pas le mot.
Pour échapper à ce vieux dilemme (la littérature pour enfants, tartine ou confiture ?), peut-être faudrait-il distinguer dans la pratique des bibliothécaires deux niveaux d'intervention : la constitution générale du fonds doit être large et permettre au lecteur d'y trouver son compte. La bibliothèque est, pour Francis Marcoin, un lieu de lecture extensive, complémentaire de l'école qui s'attache à l'étude minutieuse d'un corpus légitimé et restreint (8). Ainsi n'est-il pas choquant de trouver en bibliothèque les collections de « premières lectures » dont les instituteurs sont friands, même si ces produits souvent très stéréotypés ne peuvent faire l'objet d'une critique individualisée ; en revanche, la prescription ou le conseil de lecture, quand il est sollicité, devrait répondre à ce souci exigeant de qualité. On touche ici du doigt une ambiguïté inhérente à la profession : la transmission du goût de lire, du goût pour un certain type de lecture implique un engagement personnel du bibliothécaire, sans lequel la part affective qui féconde cet échange ne peut exister. On entre alors dans un domaine difficile à délimiter, où l'on sort du professionnalisme pour se situer personnellement, où l'on se met d'une certaine façon en danger, comme le professeur de français évoqué par François de Singly (9) qui vit mal le rejet de ses élèves à qui elle a tenté de faire partager son goût pour les livres d'Henri Michaux.
La question de la critique négative nous est souvent posée. Il est vrai que la majeure partie des livres signalés dans La Revue des livres pour enfants sont ceux qui nous semblent présenter de l'intérêt, et que nous nous abstenons de commenter une grande partie de la production, ne serait-ce que parce que les raisons pour lesquelles un livre est insipide sont déprimantes et répétitives. Nous ne nous l'interdisons pas cependant, et la nouvelle rubrique « Lectures plurielles, lectures singulières » permet de traiter de ce qui nous semble poser problème de façon intéressante 1.
Censure, le retour ?
Le débat sur la sélection peut se doubler d'un questionnement sur les limites de la tolérance en matière de livres adressés à des jeunes. Prend-on des risques en recommandant chaleureusement La Fille du canal, de Thierry Lenain, livre couvert de prix et non dépourvu de qualités littéraires, ni d'excellentes intentions, qui traite de la séduction des petites filles par des adultes déséquilibrés ? A quel public l'adresser ? La difficulté réside-t-elle dans le sujet abordé ou dans la façon dont l'auteur en parle ? La question s'est posée de façon aiguè au moment de la publication d'Écrits pour nuire (10) au milieu des années 80. Si le contexte de crise est apparemment provisoirement derrière nous, on aurait tort de se rassurer trop aisément et d'y voir autre chose qu'une répétition générale. Les cas de censure existaient avant et ont continué à exister après. En témoignent les réactions contradictoires aux interventions d'Azouz Begag dans des classes, ou le refus de certains parents de voir figurer des livres adressés aux jeunes sur le sida dans les fonds des bibliothèques.
Aux Etats-Unis, la controverse bat son plein. François Lapèlerie s'en est fait récemment l'écho dans le Bulletin des bibliothèques de France (11), en soulignant les points principaux (homosexualité et satanisme) sur lesquels se cristallisent aujourd'hui les attaques en matière de livres pour enfants. La lecture régulière de la Newsletter on intellectual freedom montre à quel point ces attaques peuvent être diversifiées et parfois difficilement prévisibles : présence d'un mot considéré comme grossier dans un livre (ainsi le terme bitch pour désigner une chienne dans Mon amie Flicka), rôle négatif assigné à des parents dans une histoire (Matilda, de Roald Dahl, Le Petit Poucet...). Un des cas les plus étranges est celui que cite Joan DelFattore (12) : « Le lobby californien pour une alimentation saine a obtenu une loi sur la publication des livres qui interdit qu'on évoque l'existence d'aliments sans valeur nutritive dans les écoles primaires et secondaires. Les responsables du système scolaire californien se sont défendus d'avoir souhaité les effets pervers de la loi, mais en pratique, les éditeurs ont mis au point une liste de mots désignant la junk food : un programme informatique qui élimine automatiquement les mots interdits tels que hot dogs, pommes de terre frites ou glace ». Cela apparaîtrait comme une facétie si ces mesures n'avaient été cautionnées par les pouvoirs publics et n'avaient eu des conséquences aussi absurdes que choquantes. Ainsi l'écrivain Pat Zettner a-t-elle eu la désagréable surprise de voir un de ses textes, intitulé A Perfect day at the ice-cream parlor figurer dans une anthologie scolaire sous le titre de A Perfect day, la scène se déroulant chez un marchand de glaces ayant été purement et simplement éliminée (et non transposée dans un restaurant macrobiotique !).
Le contexte récent n'incite pas à l'optimisme : l'arrivée d'une majorité républicaine au Congrès inquiète les responsables du National endowment for the arts, programme fédéral qui subventionne des artistes parfois controversés, et Madame Elders, ex-surgeon general, a récemment dû démissionner pour avoir dit publiquement que la masturbation faisait « partie de la sexualité humaine et comme telle pourrait être évoquée » dans les écoles 2. La presse professionnelle spécialisée d'Amérique du Nord, qui ne se désintéresse jamais de la question, l'a mise récemment au cœur de ses préoccupations : dossiers dans Canadian Children's Literature, dans Emergency Librarian 3, compte rendu de débat entre une bibliothécaire d'école, une bibliothécaire de lecture publique et un prêtre progressiste dans le Journal of Youth Services in Libraries 4... Ce qui est tout à fait intéressant dans ces approches, c'est qu'elles conjuguent un travail sérieux sur les modes de censure traditionnels (enquêtes, approfondissement des concepts, kits de survie... ), avec une réflexion sur un autre type de censure lié à la notion de political correctness.
Cette idéologie un peu floue, que dénonce avec vigueur et régularité Alain Finkielkraut sur les ondes de France-Culture, est étroitement liée aux Etats-Unis à un autre concept très présent, celui du multiculturalisme, dont la political correctness serait une caricature.
Politically correct
Dans le domaine de la littérature enfantine, l'idéologie du politically correct se manifeste parfois par des réécritures qui aboutissent, soit à modifier le vocabulaire employé pour désigner telle ou telle minorité, soit à transformer l'histoire elle-même pour lui donner un rôle plus positif.
Cela n'est pas nouveau : le Huckleberry Finn, de Mark Twain, est depuis toujours attaqué par des groupes de Noirs américains qui l'ont lu rapidement, parce qu'il emploie le mot nigger. James Finn Garner se moque de cette tendance dans un livre intitulé Politically Correct Bedtime Stories (13), qui fait ainsi commencer l'histoire du Petit Chaperon rouge : « Il était une fois une jeune personne appelée le Petit Chaperon rouge qui vivait avec sa mère à l'orée d'une grande forêt. Un jour, sa mère lui demanda d'apporter un panier de fruits frais et une bouteille d'eau minérale à la maison de sa grand-mère, pas parce que c'était un travail de femme, attention, mais parce que c'était une action généreuse, et qu'elle aiderait à développer le sens de l'entraide au sein de la communauté. De plus, la grand-mère n'était pas malade, elle était en forme physiquement et mentalement et était complètement capable de se prendre en charge comme tout adulte responsable... ».
Ces réécritures tournent effectivement parfois à l'absurde. On ne peut oublier cependant qu'elles correspondent à des interrogations sérieuses (les travaux d'Alison Lurie ou de Jack Zipes sur l'influence des représentations sociales dans les mises par écrit de la tradition orale, par exemple), ni qu'il existe des évolutions du langage ou des stéréotypes. Ainsi la représentation de la tribu africaine dans Le Roi Mathias Ier, de Janosz Korczak, peu suspect de racisme, renvoie aux clichés d'usage à l'époque, et ne diffère guère de la vision d'Hergé dans Tintin au Congo. Et les éditions Hachette, en rééditant récemment un roman de Pierre Véry dans la « Bibliothèque verte », ont jugé bon de rappeler en note que le mot « nègre » avait, dans les années 50, un sens moins péjoratif qu'aujourd'hui.
Au-delà des mots, la political correctness s'interroge aussi sur « qui a le droit d'écrire sur qui ». Elle est issue d'une pratique universitaire qui développe les black studies, women studies, gay studies... pour lutter contre l'impérialisme culturel d'écrivains blancs, anglo-saxons, masculins et morts qui, de Shakespeare à nos jours, monopoliseraient les exercices d'admiration académique. Cette attitude se reflète par exemple dans la Multicultural Review, qui rend compte, dans une juxtaposition parfois un peu surréaliste, de textes écrits par ou sur les hispanophones, les homosexuels, ou les adolescents indo-canadiens. On arriverait à l'extrême à une sorte de chasse aux sorcières qui prétendrait interdire à toute personne n'appartenant pas à une minorité d'écrire des fictions la mettant en scène. C'est probablement une réaction compréhensible à une littérature bien pensante et paternaliste, voire exotisante, qui réécrit périodiquement La Case de l'oncle Tom à l'usage des jeunes contemporains. Néanmoins, comme le clame avec humour Tim Wynne-Jones dans le numéro précité de Canadian children's literature, la systématisation de cette attitude est absurde : « D'accord, c'est comme vous voudrez ! Dans mon prochain roman, tous les personnages seront des hommes blancs, âgés de quarante ans, qui ont mal au dos, et qui vivent dans les forêts du Nord de l'Ontario ».
Et Marion Dane Bauer (14) résume bien le débat en expliquant pourquoi elle ne s'est pas adressée qu'à des écrivains qui se revendiquaient comme homosexuels pour constituer un recueil de nouvelles pour adolescents sur le thème de l'homosexualité : « C'est l'écriture qui doit être jugée et pas l'écrivain. L'expérience personnelle de l'écrivain ne fonde pas l'authenticité d'un texte. La véritable question, c'est de savoir si une histoire donnée sonne juste pour quelqu'un qui participe de la culture qu'elle évoque ».
L'Amérique n'est pas loin
On aurait tort de croire que l'Amérique est loin de nous.
On voit aujourd'hui se multiplier en France les interventions de groupes pro-life reprenant les méthodes violentes inventées aux Etats-Unis, contre les hôpitaux qui pratiquent des interruptions de grossesse. Le débat autour de la liberté d'expression prend aux Etats-Unis des formes qui nous semblent exotiques, et le contexte protestant explique en partie la force de conviction quasi subliminale qu'on prête parfois au livre. Néanmoins, le développement des bibliothèques publiques en France en fait des acteurs culturels et sociaux à part entière, dont les choix seront probablement de plus en plus débattus par leurs utilisateurs, et par la collectivité qui les finance. Il est prudent de s'y préparer. La mise au point de chartes des acquisitions que préconise Bertrand Calenge, serait, dans ce domaine comme dans d'autres, d'une grande utilité. Les bibliothèques américaines font adopter par leurs conseils d'administration des textes de ce type, qui peuvent être invoqués quand elles sont soumises à des pressions. Et les associations professionnelles, à l'image de l'American Library Association, devront fourbir leurs argumentaires.
Dans For sex, see librarian, François Lapèlerie évoquait la pratique commode qui consiste à obliger les lecteurs qui veulent lire des livres érotiques à les demander au bibliothécaire. Et dans son beau livre sur ses lectures d'enfance (15), l'écrivain canadien Michel Tremblay dénonce un comportement encore plus hypocrite. A ses demandes réitérées d'emprunt d'un roman écrit par un auteur homosexuel, on lui répondait systématiquement qu'il était sorti. Les enfers honteux n'étaient pas inconnus dans les bibliothèques pour enfants françaises à la fin des années 70 : les livres d'éducation sexuelle, supposés susciter des ricanements enfantins, se retrouvaient parfois dans le bureau de la bibliothécaire, prêtés en cas de besoin légitime à des lecteurs sérieux et sûrs. S'il n'est pas question de légitimer ces pratiques, elles peuvent nous servir de transition pour réfléchir sur la diversification des places du livre pour enfants dans une bibliothèque.
Patrimoine et documentation
Faut-il en effet tout maintenir en libre accès dans l'espace de la section enfantine ?
La première question, liée à celle des acquisitions, est celle du désherbage. L'intérêt déjà évoqué d'une enquête sur la réalité des pratiques serait entre autres d'évaluer comment il est effectué dans ces lieux. Autant la littérature professionnelle est prolixe sur l'enrichissement des fonds, autant elle est muette sur les méthodes à mettre en œuvre pour une élimination intelligente, domaine dans lequel il existe d'autres raisons de pilonner que le manque de place sur les rayons. L'accumulation d'informations erronées ou obsolètes est en effet particulièrement dommageable en bibliothèque enfantine, où les lecteurs ont encore moins que d'autres la possibilité de rectifier d'eux-mêmes. Le discours sur la nécessité de cultiver dès le plus jeune âge le goût du livre se concilie mal avec le pieux maintien en accès direct de l'œuvre complète et défraîchie de Saint-Marcoux. Néanmoins, le maintien en rayon a souvent des justifications plus légitimes que la paresse intellectuelle. C'est pour cela qu'il est important de réfléchir sur la constitution de fonds de conservation dans ce domaine.
Les bibliothèques publiques ont en effet peu conservé, ou quand elles l'ont fait, n'ont pas forcément individualisé les fonds de livres pour enfants. Si les collections de l'Heure joyeuse, de la bibliothèque de l'Institut national de recherche pédagogique ou du Musée national de l'éducation sont bien connues, il est souvent difficile de repérer dans le fonds d'une bibliothèque d'étude des livres de prix du XIXe siècle, quand l'unique accès est le nom d'un auteur tombé dans un total oubli. Les livres pour enfants, comme les livres de cuisine, ont été mal conservés, considérés comme de peu d'intérêt intellectuel, et particulièrement détériorés par leurs usages.
On ne peut donc que se réjouir que l'Heure joyeuse ait eu l'heureuse initiative d'organiser en novembre 1994, pour les 70 ans de la première bibliothèque enfantine française, un colloque qui a réuni les acteurs concernés, universitaires, bibliothécaires, libraires spécialisés et « trésors nationaux vivants » autour de la constitution des outils de la recherche en histoire du livre et des pratiques de lecture des enfants. Pour préparer cette manifestation, l'Heure joyeuse a procédé à une enquête sur la présence des livres pour enfants dans les fonds patrimoniaux, qui devrait permettre d'avancer dans le travail amorcé par certaines bibliothèques, qui ont déjà publié des catalogues : Aïe ! Aïe ! Pimpanicaille à la bibliothèque municipale de Nantes en 1979, Les Livres pour enfants à travers les collections de la bibliothèque municipale de Caen, en 1988, Le Fonds ancien de littérature pour la jeunesse de la bibliothèque de l'Heure joyeuse en 1987, Le Magasin des enfants à la bibliothèque Robert Desnos de Montreuil en 1989, Livre mon ami en 1991 à la bibliothèque Forney et Rouen, le livre et l'enfant, publié par le Musée national de l'éducation, pour ne citer que les principaux.
On ne peut qu'espérer que se poursuive ce travail qui servira d'appui à une recherche en plein développement, comme en témoigne par exemple la récente publication par la Société des bibliophiles de Guyenne d'un copieux et passionnant tiré à part des numéros 82-83 et 84-85 de la Revue française d'histoire du livre, intitulé Le Livre d'enfance et de jeunesse en France.
Il est également important de constituer dès aujourd'hui les fonds de demain. L'Heure joyeuse a montré la voie en constituant un fonds nostalgie de livres récents. Ce pourrait être un des objectifs des bibliothèques municipales à vocation régionale que de créer localement de tels fonds, dont l'intérêt dépasse les limites de la commune, en identifiant les livres pour enfants dans les fonds d'étude et en y recueillant le produit trié du désherbage des bibliothèques municipales et départementales de prêt de la région qui le souhaitent. On a déjà pris probablement du retard dans ce domaine. L'informatisation a été pour beaucoup de bibliothèques l'occasion de reprendre entièrement leurs collections, et de déplorer que de tels lieux d'accueil n'existent pas. La Joie par les livres a à l'époque été sollicitée à de nombreuses reprises et n'a pu donner de réponse satisfaisante, nos problèmes de locaux étant si criants (75 000 volumes dans deux fois 250 m2, bureaux et salles de lecture compris), qu'il était inenvisageable de le faire.
Outre qu'il serait plus qu'urgent de remédier à cet état de fait, l'utilité de centres régionaux reste réelle. A la fonction de conservation, ils peuvent adjoindre une fonction d'information et de formation de proximité pour les médiateurs de plus en plus divers qui utilisent le livre dans leur travail en direction des enfants et des adolescents. Il en existe déjà, secteurs de bibliothèques municipales à Nantes ou à Metz, structure mixte département/ville comme Livres au trésor à Bobigny, services d'agences de coopération comme le CRL (Centre régional des lettres) Midi-Pyrénées, ou associations comme le CRALEJ (Centre régional d'Aquitaine du livre, de la lecture et de la littérature d'enfance et de jeunesse), hébergé par la bibliothèque de Bordeaux.
Ce type d'utilisation suppose une collection distincte de la bibliothèque enfantine. Le centre de documentation de la Joie par les livres s'est très vite distingué du fonds de la bibliothèque de Clamart. Les livres doivent être disponibles en permanence, la fonction de documentation y est très importante, les critères de sélection n'y sont pas les mêmes (un chercheur qui travaille sur les illustrateurs de Collodi a besoin d'un éventail large d'éditions). L'expérience des centres déjà existants montre qu'il existe une très forte demande, et que le public enfantin du livre pour enfants se double d'un public adulte composé de médiateurs d'origines professionnelles diverses.
Un travail en réseau pourrait être mis en œuvre entre des centres régionaux et la Joie par les livres, en créant des outils communs (listes d'autorités, dépouillement partagé des revues spécialisées...) et en établissant une carte des ressources, puisque certains de ces centres sont spécialisés : Lire pour comprendre, Rayon vert et Alias pour les documentaires, l'Heure joyeuse et la bibliothèque de l'INRP (Institut national de la recherche pédagogique) pour l'histoire du livre, le CNBDI (Centre national de la bande dessinée et de l'image) pour la bande dessinée... Le problème de la mise en valeur des supports autres que le livre pourrait trouver des solutions dans le cadre d'un tel réseau. Depuis la fermeture du Centre de documentation Fleurus sur la presse enfantine, on manque d'un lieu de ressources exhaustif sur ce support.
On aurait aussi besoin de pouvoir mettre en œuvre un travail sérieux sur les diverses productions désignées sous le terme de multimédia, dont Bertrand Calenge prévoit qu'en l'an 2000, 15 % seront produites à destination des enfants. La revue Booklist aux Etats-Unis propose depuis l'année dernière des rubriques régulières où ces documents sont analysés. Ces produits sont extrêmement divers dans leurs modes d'édition, dans leurs supports, dans leurs modes de lecture, dans leurs contenus, dans leur qualité.
Un aperçu en était donné lors du dernier Salon du livre de jeunesse à Montreuil, où un espace multimédia était proposé aux visiteurs. On y trouvait des choses intéressantes (le CD-Rom sur le Mauss, d'Art Spiegelman, par exemple), à côté de documents ineptes nous donnant à entendre le cri du dinosaure. Au-delà de l'appétence supposée des enfants pour ce type de média se posent des problèmes de choix classiques. L'adéquation du support au message doit être analysée de la même façon pour un CD-Rom, un jeu vidéo ou un livre animé. Encore faut-il qu'on puisse avoir la possibilité de comparer et d'évaluer facilement.
Le livre pour enfants hors des murs
Le livre pour enfants trouve dans les bibliothèques une autre place, qui est celle du prêt aux collectivités dont une grande part concerne l'Éducation nationale.
Sans revenir sur l'histoire des relations entre écoles et bibliothèques, il faut rappeler que les livres pour enfants ont conquis, lentement mais sûrement, une place de plus en plus importante en milieu scolaire. Se posent alors des problèmes de financement et d'orientation des acquisitions pour structurer la desserte de multiples lieux de lecture auxquels il faudrait adjoindre les secteurs de la petite enfance, la coopération avec les musées, ou les hôpitaux, etc. Si l'État s'est engagé (avec prudence) dans l'équipement en livres d'une partie des bibliothèques d'école, par divers modes d'intervention (projets d'action éducative, opération « 100 livres pour les écoles », puis plans départementaux d'équipement des BCD), l'entretien de ces fonds se répercutera comme après 1986 sur les budgets des collectivités territoriales. D'où l'intérêt des politiques de conventionnement entre collectivités territoriales et Éducation nationale, qui répondent, à Mulhouse, à Rennes, à Vénissieux, à Bordeaux ou ailleurs, à ce souci d'éviter une dispersion irrationnelle des crédits publics.
Il ne faut cependant pas se cacher que ces services coûtent cher, et que la mise en place de véritables BCD partout où elles pourraient sembler nécessaires devrait aboutir à augmenter très fortement des crédits d'acquisition – que la conjoncture actuelle a plutôt tendance à limiter –, et à poser différemment la question de la répartition de ces crédits dans la bibliothèque. Les problèmes posés ne sont pas d'ailleurs uniquement quantitatifs. Les bibliothèques départementales de prêt se souviennent des séries de livres destinées aux activités de lecture suivie, dont elles se sont débarrassées sans regret au moment de la décentralisation.
Une clarification des fonctions respectives de la bibliothèque d'école et de la bibliothèque publique doit donc être menée, sauf à voir des bibliothécaires mécontents de se voir transformés en centrale d'achat pour les écoles ou des instituteurs contrariés de voir des bibliothécaires juger à leur place de ce qui est bon pour leurs élèves. Il reste encore dans ce domaine du chemin à faire.
Faut-il encore des sections enfantines ?
On voit enfin se profiler des interrogations sur la place du livre pour enfants à l'intérieur même de la bibliothèque.
La division traditionnelle en secteurs (bibliothèque pour enfants, bibliothèque pour adultes, discothèque...) est parfois remise en cause. La bibliothèque Parmentier à Paris a tenté une expérience de désenclavement des publics, du personnel et des collections. La récente journée d'étude sur le concept de médiathèque, organisée le 6 février 1995 par la section des bibliothèques publiques de l'Association des bibliothécaires français, a donné lieu au lancement d'idées encore plus audacieuses autour d'une réorganisation par départements thématiques, à Lyon ou à la Rochelle. Envisage-t-on d'inclure dans ce découpage transversal le public enfantin et les collections qui lui sont proposées ? Aucune réponse précise n'a été donnée, les intervenants insistant d'ailleurs justement sur l'aspect prospectif et prudent de leur démarche. Sans aller si loin, les participants à la journée ont insisté sur l'idée que les publics adolescents posent de façon évidente cette question du désenclavement, en utilisant les différents espaces et les différentes collections de la bibliothèque.
Par ailleurs, la littérature professionnelle récente déjà citée plaide pour une coopération inter-secteur : Bertrand Calenge en associant systématiquement le secteur jeunesse dans la sélection des documents par domaines, différents auteurs de Science en bibliothèque en insistant sur l'intérêt d'utiliser en vulgarisation scientifique générale des documents conçus par les éditeurs de livres de jeunesse.
D'une façon beaucoup plus inquiétante, les incertitudes sur l'avenir de la formation des bibliothécaires pour enfants risquent de remettre en cause cette compétence, parfois un peu maniaque, certainement insuffisamment diversifiée, mais qui fonde leur identité professionnelle face à leurs partenaires, et qui leur permet de jouer un rôle qu'on aurait tort de négliger dans la transmission du goût de lire et dans la compétence à utiliser les lieux de lecture.
Février 1995