Le livre des livres

par Yves Desrichard

Jean-Paul Fontaine

Paris : Hatier, 1994. – 191 p. : ill. en coul. ; 32 cm. ISBN 2-218-03462-X

Médecin et passionné des livres, Jean-Paul Fontaine peut être considéré comme un de ces érudits non professionnels dont les connaissances et les compétences égalent souvent celles de ceux qui ont fait profession, non d’aimer les livres – cela ne suffit pas, hélas, à faire un métier ! – mais d’en faire le commerce, de les conserver et de les mettre à la disposition du public.

Dans Le livre des livres, titre a priori dépourvu de connotations religieuses, il se propose de faire un panorama rapide et très illustré de l’histoire du livre, sans oublier l’art et la pratique du relieur, qui a accompagné le livre tout au long de son histoire (d’abord pour des raisons pratiques puis, développement de la reliure industrielle aidant, pour des raisons esthétiques voire artistiques), mais aussi, ce dont on lui saura gré, l’histoire des bibliothèques, auxquelles le chapitre final est réservé.

Les grandes étapes de la création du livre

Ces grandes étapes sont supposées bien connues des professionnels, dont une part de la formation de base est consacrée à cette histoire : du papyrus au parchemin, puis au papier, du manuscrit aux premiers livres imprimés, des incunables au livre de poche, la naissance et le développement du livre sont restitués dans un style clair, avec le souci de l’anecdote et du détail amusant. Il ne s’agit pas d’une somme érudite sur la question (les ouvrages fondamentaux sont présentés dans la bibliographie annexe), mais d’un ouvrage pour tous, où les termes techniques sont rapidement expliqués, et où l’on fait la part belle à l’image, des premières lettrines aux enluminures les plus somptueuses, des livres d’heures aux gravures sur bois, de la taille-douce à la lithographie. De plus, il est normal que les ouvrages illustrés aient, aux yeux d’un bibliophile passionné, un éclat particulier.

Jean-Paul Fontaine prend plaisir à faire partager ses goûts, ses enthousiasmes pour tel ou tel imprimeur ou illustrateur, pour telle édition rare ou telle collaboration heureuse entre un peintre et un auteur (Max Jacob et Picasso par exemple). Il a ses périodes préférées, d’autres où il estime que l’histoire du livre « a marqué le pas », ainsi et un peu curieusement le XVIIe siècle, pourtant si important pour la littérature française.

On ne fait pas, à proprement parler, de découverte dans le récit fait par l’auteur de l’avènement du livre : marqué à sa naissance par la diffusion du savoir et de la religion, le livre a profondément évolué avec les débuts de l’ère industrielle et de la culture dite de masse : on regrettera peut-être que l’auteur, avant tout soucieux de parler de beaux livres, n’ait pas suffisamment développé ces évolutions décisives, et qui, semble-t-il, ont contribué à creuser un peu plus l’écart entre le livre de consommation courante, et le livre d’art, jusqu’aux « excès » du livre-objet, où le contenu n’a plus ou très peu d’importance.

De même, l’attention portée à l’histoire française du livre, là encore compréhensible, pourra paraître excessive : si l’influence des imprimeurs et des libraires français, des illustrateurs ou des relieurs, est indéniable, l’on s’étonne parfois du peu de place accordé à d’autres nations, dont les contributions semblent pourtant tout aussi décisives.

Pérennité du livre

Ce rapide survol permet aussi de mesurer la pérennité et la modernité du support livre : « presque parfaite dès sa naissance », (en fait précédée de nombre d’étapes sur lesquelles l’auteur ne s’appesantit pas), l’imprimerie n’a connu que récemment des bouleversements qui, toutefois, s’ils remettent en cause la chaîne de production, ne touchent que modérément la chaîne de diffusion et l’acte de lecture lui-même. Si de telles constatations relèvent du truisme, elles nous invitent aussi à réfléchir sur l’avenir réservé aux supports « concurrents » du livre, qui, en tout état de cause, mettront longtemps avant de bénéficier des mêmes « états de service »...

Heureusement, l’auteur n’a aucune intention revendicative, et ne cède à aucun travers agressif : il se contente de célébrer le livre et les livres, et sa présentation séduit, car il s’agit d’une passion désintéressée, « à heures perdues », quoique manifestement appuyée sur une documentation irréprochable et des connaissances détaillées des sujets traités.

Destiné à tous, Le livre des livres, sans s’imposer comme un ouvrage de référence sur la question, permettra à chacun de parfaire, compléter ou initier sa connaissance de l’histoire du livre, dans l’admiration raisonnée des chefs-d’œuvre de l’imprimerie, de l’illustration ou de la reliure qui forment l’abondante iconographie.