Editorial

Une fois de plus, cette livraison du BBF revient sur la révolution technologique en cours. Car il s’agit bien d’une révolution et non d’une simple évolution.

Nous n’assistons pas ici à un seul changement de degré, tel celui occasionné par l’apparition des bases de données et des catalogues en ligne. Représentant une mutation et un progrès technique, ces derniers n’ont, après tout, fait que rendre le travail bibliographique plus performant. L’écrit y était alors plus rapidement mis à disposition et consulté avec davantage de profit. Mais la rupture avec l’imprimé n’était pas radicale, ni dans l’élaboration, ni dans la forme, ni dans la nature des documents proposés. Si les processus de constitution de ces données avaient représenté - et sont encore - de véritables défis techniques, le changement était dans cette performance nouvelle plus que dans la nature des informations elles-mêmes. C’est aussi du côté des univers des lecteurs que s’étaient alors fait sentir les premières déstabilisations : confrontés à une transformation dans les modalités de la recherche d’information, à des données qui s’évanouissaient en même temps qu’elles apparaissaient, ceux-ci avaient déjà dû faire de nouveaux apprentissages.

Avec l’avènement des réseaux, de l’hypertexte et du multimédia, le changement est d’une autre ampleur. Il affecte les objets et les formes, modifie les processus de création, de fabrication, de diffusion et d’appropriation de l’écrit. il bouleverse des modes de faire et des normes en place depuis des siècles. il redistribue les relations entre image, texte et son. Il modifiera d’une façon encore impensable les rapports aux savoirs, leurs hiérarchies, les corpus de référence. Révolution de l’écriture, modifiant les places et rôles de tous ceux qui font cette écriture comme de ceux qui la consultent, révolution des modes et des formes d’inscription de l’écrit dans un support, ces nouvelles possibilités sont aussi l’occasion d’une révolution de la lecture. C’est sans doute la première fois dans l’histoire que toutes ces transformations coïncident en un même temps.

Il ya, en effet, de quoi y perdre son latin. La familiarisation avec ce nouvel univers technologique est difficile, même à ceux qui en sont les plus passionnés, tant elle est rapide, tant elle nécessite de connaissances, de catégories de pensées, de manières de fonctionner, toutes nouvelles. On peut être dérouté par cette multiplicité de nouvelles conventions, de nouveaux principes, de nouvelles façons de faire, de nouvelles normes, de nouvelles règles, de nouveaux sigles.

Et pourtant, ce travail de mise à jour et d’expérimentation est indispensable pour les bibliothécaires et documentalistes d’aujourd’hui. Ceux-ci doivent se coinfronter àces nouveaux produits. ils doivent en analyser les possibles et les problèmes. C’est ainsi qu’ils exerceront le métier qui a toujours été le leur : savoir conseiller et guider des lecteurs dans un univers documentaire dont les intermédiaires que nous sommes auront eux aussi contrôlé l’intérêt, la qualité, la fiabilité.