Une déontologie : pourquoi ?

par Anne Kupiec

Interassociation ABCD

Paris : ADBS éd., 1994. - 99 f. ; 29 cm. - (Sciences de l'information : Série Recherches et documents)
ISBN 2-901046-72-X
ISSN 1159-7666: 150 F

Service de l'usager, intégrité et responsabilité professionnelles, liberté d'expression. Autant de notions liées à la déontologie. Proscription de la censure, respect de la vie privée, obligation de secret professionnel, résolution de conflits d'intérêts, prise en compte de la propriété intellectuelle. Autant de questions pour lesquelles un code de déontologie peut aider à la réflexion. Nécessité du perfectionnement par la formation continue et la participation au développement de la profession. Autant de moyens pouvant être mentionnés dans un code de déontologie.

On le voit, l'enjeu des questions liées à la déontologie n'est pas mince. Il revient à l'interassociation ABCD (archivistes, bibliothécaires, conservateurs, documentalistes) d'avoir organisé une journée d'étude sur ce sujet dont les actes viennent d'être publiés par l'ADBS (Association des professionnels de l'information et de la documentation).

Une double approche

Ceux-ci obéissent à une double approche : les fondements de la déontologie - à travers la reproduction des interventions de cette journée complétées par un bref compte rendu des échanges entre les divers participants - suivis par des études de cas.

La déontologie relève à la fois de l'exercice d'une profession et des devoirs - plus que des droits - qui lui sont liés en raison du pouvoir que cette profession confère. C'est le cas, ainsi que l'indique Jean Meyriat, dans le domaine de l'information. Il insiste sur le fait que « l'information est une ressource fondamentale pour le développement culturel et le progrès économique [...], notre profession a donc une responsabilité particulière ». Il s'agit, poursuit-il, « d'affirmer notre valeur sociale, notre nécessité sociale ».

Michel Albaric s'emploie à démontrer que la déontologie - mot inventé par Jeremy Bentham - est un « concept hybride qui relève de l'éthique, du droit et de la sociologie » et dont le synonyme pourrait être « discipline professionnelle ». Tandis que François Braize s'essaie à articuler la déontologie au droit et à la morale en appuyant son exposé sur plusieurs exemples pris dans d'autres professions. Lorsque, au sein de celles-ci, la part du droit - de l'encadrement juridique - est faible, elles cherchent à se doter « d'un dispositif déontologique » : c'est-à-dire de « règles relatives au mode d'exercice de la profession » tant pour les membres eux-mêmes qu'à l'adresse des usagers. Dans la poursuite de son analyse serrée, François Braize note que la norme déontologique s'accompagne d'une recherche de légitimité. Finalement, la déontologie lui semble être « l'instrument du rapprochement de la morale et du droit, l'instrument de leur communication ».

Dans la deuxième partie de ces actes, sont évoqués plusieurs cas concrets, qu'il s'agisse, par exemple, de censure de documents (lors de leur acquisition, de leur communication ou de leur conservation) ou de conflits d'intérêts entre le professionnel et ses interlocuteurs. Difficultés pour lesquelles une référence déontologique pourrait apporter des éléments de réflexion. C'est d'ailleurs à la rédaction d'un tel texte que Pierre Jolis invite en conclusion. Geneviève Boisard ajoute que « ce texte devrait être largement diffusé aussi bien à nos autorités de tutelle qu'à nos usagers. Il devrait être utilisé dans la formation initiale et même comme élément de promotion ».

Un intérêt évident

L'intérêt de cet ouvrage est évident, car, en France, la prise en compte de la déontologie est moins développée que dans certains pays étrangers. La reproduction, en annexe, de plusieurs textes déontologiques américain, britannique, belge, québécois et japonais le souligne. Pour la France, sont notamment présentés le texte élaboré par l'ABF (Association des bibliothécaires français) en 1984 et un extrait de la Charte des bibliothèques. Partant du principe que les membres d'une profession ne peuvent être jugés que sur leurs comportements professionnels, les codes d'éthique, de déontologie ou de conduite professionnelle - selon leurs intitulés - visent à « fonder » les comportements professionnels non pas tant en interne, mais principalement en externe. Ils permettent d'exprimer le sens, l'essence même d'une profession (ou d'un ensemble de professions) qui est ainsi définie.

Il reste à souhaiter que le projet de « charte de déontologie », résultant de cette joumée d'étude et actuellement en cours de discussion au sein de l'ABCD, aboutisse.