Opportunity 2000 : understanding and serving users in an electronic library

Festschrift in honour of Herbert S. White ; 15th International Essen Symposium 12 oct.-15 oct. 1992

par Yves Desrichard
ed. by Ahmed H. Helal, Joachim W. Weiss
Essen : Universitâtsbibliothek, 1992. - XLI-328 p. ; 21 cm. - (Publications of Essen University Library, 15 ; ISSN 0931-7503)
ISBN 3-922602-17-7

Comme chaque année, l'université d'Essen publie les actes du symposium international qui réunit des bibliothécaires du monde entier (mais rarement, hélas, venus de France) en l'honneur de l'un des leurs, en l'occurrence Herbert S. White, bibliothécaire américain, qui travailla notamment à l'institute for scientific information.

Les intitulés retenus pour ces symposiums sont, à l'habitude, suffisamment généraux pour que des intervenants un tant soit peu innovateurs puissent choisir les sujets qui leur tiennent à cœur sans risquer d'être hors du sujet traité.

Celui de l'année 1992 n'échappe pas à la règle, qui propose une fois de plus une démarche prospective sur les bibliothèques de l'an 2000 à l'heure de l'édition électronique et de l'accès électronique à l'information - ce qui recouvre deux séries de préoccupations différentes.

En préalable, on pourra noter que, à sept ans de l'échéance supposée fatale, c'est bien plutôt des bibliothèques du XXIe siècle qu'il faudrait parler, tant il paraît douteux que, hors quelques expériences pilotes et quelques bibliothèques résolument en avance, les bibliothèques de l'an 2000 proprement dit ne verront pas leur fonctionnement fondamentalement modifié par les mutations déjà à l'œuvre, voire déjà dépassées.

Par delà la diversité des exposés, certaines préoccupations sont communes, et certains arguments comme certains faits reviennent comme autant de menaces ou de satisfactions, telles qu'elles ressortent des expériences diverses et souvent fort éloignées de professionnels venus de tous les coins du monde (quoique principalement des pays dits développés).

Evolutions de la technologie et bibliothécaires du futur

La difficulté des bibliothèques à faire face dans des délais raisonnables aux évolutions rapides de la technologie, voire de la démarche documentaire, tient, dans la majorité des cas, plus aux contraintes financières, organisationnelles, voire institutionnelles, qu'à la mentalité même des professionnels : cette opinion optimiste doit cependant être relativisée si l'on prend en considération que les professionnels présents sont, a priori, acquis à ces changements et mutations, ce qui n'est pas forcément généralisable...

Le même état d'esprit conduit pourtant à s'interroger sur le rôle futur des bibliothécaires, intermédiaires devant maîtriser tout à la fois la démarche documentaire des usagers (sinon les domaines de leurs recherches), les techniques de recherche (techniques à la fois intellectuelles et fonctionnelles), le résultat de ces recherches et la fourniture des documents correspondants.

Le développement d'outils conçus directement pour les usagers, la dématérialisation de l'information, la montée en puissance des réseaux, font parfois penser que le bibliothécaire pourra n'être, à l'avenir et au mieux, qu'un gestionnaire de stock de pièces détachées à fournir à des experts du « kit documentaire » : certains intervenants le craignent, d'autres le réfutent, il reste que personne ne le constate, ni même ne le pressent, alors qu'une large part des produits et technologies censés générer cette dévalorisation sont d'ores et déjà disponibles.

A cet égard, l'exposé de Roland Jjerppe offre une utile mise au point sur la notion de « bibliothèque virtuelle », si à la mode dans la mouvance des réalités virtuelles, en montrant que celle-ci offre des services réels, même si les documents n'y sont que virtuels, tandis qu'il faut qualifier d'« illusory library » une bibliothèque qui n'offre que des services virtuels, alors même que les documents existent bel et bien !

Ce solide bon sens n'empêche pas bien des auteurs de rêver sur les potentialités à venir ou mal exploitées de technologies basées sur l'intelligence artificielle, tandis que d'autres prouvent, en relatant des expériences menées avec Internet, des CD-Rom en réseau, des Opac performants, ou des opérations de conversion rétrospective basées sur des techniques de reconnaissance optique de caractères, qu'à ces rêves il faut préférer l'exploitation tempérée de techniques souvent complexes, pas toujours compatibles, à coup sûr coûteuses, et qui supposent d'intenses efforts de collaboration et de formation de la part de toutes les parties prenantes, bibliothécaires, usagers, mais aussi institutions.

Informatisation : positif ou négatif ?

Peu d'exposés s'attachent à décrire les implications d'un système de gestion informatisé sur le fonctionnement de la bibliothèque, alors même que, bien souvent, une installation raisonnée et performante d'un tel système s'accompagne d'une augmentation significative des usages de celle-ci, et d'une harmonisation des pratiques dans le cas de services jusqu'alors éclatés : il est vrai que, pour les intervenants, l'informatisation fonctionnelle semble depuis si longtemps entrée dans les faits que les analyses nécessaires sont déjà disponibles.

Comme il n'est pas dans le propos d'un tel symposium de faire état d'expériences négatives (alors que, bien souvent, celles-ci sont riches d'enseignement...), c'est entre les lignes qu'il faut constater que la complexité souvent très grande des systèmes proposés, l'incapacité, parfois, de les indure dans un système d'information globale facilement accessible à tous, constituent des freins puissants au développement de ces outils de recherche comme de stockage de l'information, tant le document papier (par-delà les problèmes de langue, qui demeurent dans le cas de l'information électronique) reste un support simple à manipuler et utiliser, d'accès immédiat et non menacé d'une obsolescence technique rapide.

Par ailleurs, on pourra considérer que, si le sujet du symposium était double, la quasi-totalité des interventions n'en a traité qu'une partie : en effet, si les services à rendre aux usagers, les techniques à mettre en œuvre pour ce faire, leur évaluation et leur comparaison sont au centre des préoccupations professionnelles, aucun exposé ne s'intéresse vraiment à la compréhension des usagers eux-mêmes. Il est vrai que cela entraînerait à des disciplines bien différentes de celles liées à l'« information technology », à l'usage de laquelle la majorité des participants semble rompue.

Il est vrai qu'évoquer le fait que l'usager, tout autant que le bibliothécaire, est un être humain, et non une machine à (se) documenter, semblera bien naïf dans un tel contexte, tout comme on sourira de considérer qu'après tout, les uns comme les autres peuvent avoir de mutuelles préférences, tel usager préférant recourir aux services de tel « intermédiaire » plutôt que d'un autre, l'inverse en revanche (hélas ou tant mieux ?) étant plus difficile à envisager !

Dans ce contexte, l'exposé de Frederick W. Lancaster, spectaculairement intitulé « Librarians, technology and mediocrity » vient fortement tempérer, voire contredire, l'enthousiasme plus ou moins avoué de ses collègues.

Pour lui en effet, les techniques informatisées de recherches documentaires sont loin d'avoir amélioré l'accès aux banques de données de plus en plus importantes et de plus en plus complexes, générées par l'avènement des technologies électroniques, et, là où l'intelligence dite artificielle (parfois abusivement) a montré ses limites, là où « l'expertise » informatique ne peut rendre compte de l'expérience humaine dans toute sa complexité, il faut plus qu'une machine pour poser les bonnes questions et obtenir les bonnes réponses, avec une incertitude toujours aussi élevée sur la réussite de cette recherche.

Cet argumentaire résolument critique vient tempérer une série d'exposés par ailleurs stimulants, et dont la concision permettra au professionnel de nourrir sa réflexion, dûment teintée de pragmatisme, sans craindre la lassitude de développements trop fastidieux.