Online 1993

l'information en marche

Pierre-Marie Belbenoit-Avich

Pour tous ceux qui travaillent dans les domaines de l'information, de la recherche documentaire ou des nouvelles technologies, il n'est pas utile de présenter le salon Online international, dont la dernière édition s'est tenue à Londres du 7 au 9 décembre *. C'est une des occasions les plus importantes au niveau mondial pour rester informé de ce qui existe ou de ce qui va sortir en ce qui concerne par exemple la recherche en ligne, les CD-Rom, les réseaux, pour ne pas parler des disquettes ou des multimédia.

Cette manifestation nous touche tous à des degrés divers puisque, progressivement, l'ensemble des bibliothèques est concerné par ce phénomène. Cette année, Online était organisé autour de plusieurs axes : revues de produits au nombre de 130, 80 conférences ou communications, enfin un salon de 260 exposants, qui présentent près de 1 000 CD-Rom, ceci sans prendre en compte un salon parallèle sur la publication électronique. Ces quelques chiffres donnent à peine l'idée de l'ampleur du phénomène et l'on comprend aisément pourquoi la majorité des organismes visiteurs avaient envoyé des délégations de plusieurs personnes tant il était impossible de tout voir en trois jours.

Un développement exponentiel des CD-Rom

Que retenir de cet événement ? Quels en ont été les traits marquants ? D'une part, les CD-Rom se développent dans toutes les directions et dans tous les secteurs. On écrivait récemment que 1994 serait l'année des CD-Rom, tant leur fabrication, leur duplication deviennent simples et peu onéreuses. Les mises à jour qui avaient longtemps été annuelles, semestrielles ou au mieux mensuelles, s'accélèrent et certaines deviennent même hebdomadaires. Ce phénomène, on le sait, se poursuivra, s'accentuera encore, avec les CD réinscriptibles qui permettent une réécriture, au contraire des CD-Rom « de première génération » qui n'en autorisaient qu'une seule. Ainsi, l'impact financier ne freinera-t-il plus la fréquence des mises à jour.

L'intégralité des disciplines est maintenant atteinte : la médecine bien sûr ou les sciences, mais ce qui est nouveau, ce sont l'économie, les banques, les belles-lettres et il est significatif que l'ensemble de la Patrologie latine de Migne ait été récemment publiée sur CD-Rom, permettant un accès rapide et aisé, enfin, à un monument de la latinité. On n'en finirait pas de faire la liste des sujets ainsi accessibles : l'archéologie, l'art, l'astronomie, la bibliographie évidemment, la biologie, la botanique, le business avec plus de 200 titres !, la chimie, le cinéma, la démographie, l'éducation et les loisirs, l'électronique, les encyclopédies, l'environnement, les finances, voire le tourisme. Encore ne s'agit-il là que d'un aperçu sommaire destiné à montrer l'universalité et l'importance du phénomène.

Ceci étant, il est bien possible que les fabricants et éditeurs de CD-Rom soient allés trop vite, plus vite en tout état de cause que la moyenne des utilisateurs. Combien d'années aura-t-il fallu pour que la consultation des bibliographies sur CD-Rom devienne une routine dans les universités et le privé ? Et encore, dans bien des cas, cela peut se passer par le biais d'intermédiaires. Ou, si l'on préfère, il arrive assez fréquemment que l'utilisateur final ne puisse pas accomplir par lui-même une recherche complexe. On le voit bien avec les chercheurs et les étudiants qui, en université, font faire une interrogation en ligne dès que leur sujet est trop compliqué.

Mais les CD-Rom concernent maintenant des applications plus générales et vont, à l'instar des disques laser musicaux, atteindre progressivement le public et, à plus forte raison, les bibliothèques de lecture publique : dictionnaires électroniques français, multilingues ou anglais, biographies, ouvrages pratiques de géographie, de loisir... Il faut aussi parler des multimédias qui combinent les trois possibilités : son, texte, images. Cette triple association est essentielle. Un CD qui n'aurait que le texte et l'image ne serait rien d'autre qu'un livre électronique (ce qui n'est déjà pas rien). Quant à l'insertion du son, encore faut-il qu'elle soit suffisamment importante et, à ce titre, il est impératif de bien voir sur les multimédias le volume réel et pas seulement compressé que représente l'espace sonore par rapport aux autres possibilités. Ce support entre tellement dans les moeurs qu'une conférence s'est tenue à Online sur le thème : « Comment créer votre propre multimédia ? ».

Accès à une information délocalisée

Par ailleurs, on s'oriente de plus en plus vers une délocalisation de l'information, d'abord avec les réseaux de CD, dont les possibilités et le nombre de disques offerts par tour augmente. Sur tout réseau local on va pouvoir offrir un nombre croissant d'applications, bien que, par ailleurs, tous les producteurs de réseaux de CD ne soient pas encore bien représentés en Europe - pour ne pas dire en France -ce qui pose des problèmes.

Toute une partie du salon international Online était également consacré à Internet et autres réseaux. Internet n'est en effet qu'un nom générique, mais il en existe plusieurs autres. Ces réseaux de réseaux permettent, on le sait, des connexions rapides aux centres qui, de par le monde, y ont mis leur fichier. Ils permettent en outre, et ce n'est pas le moindre avantage, d'adhérer à des réseaux de « News », de messageries qui facilitent des échanges informels et rapides à l'échelle planétaire avec de très nombreux correspondants, ce qui favorise le mouvement des idées et le développement des connaissances. Phénomène tellement important qu'un secteur entier de Online portait le nom de « Village Internet ».

Enfin, Internet permet d'obtenir souvent des documents scannerisés soit gratuitement soit par contrat avec le service fournisseur. Et c'est peut-être bien là pour nous l'aspect le plus important d'Online 93, cette très grande multiplication d'organisations de fourniture électronique de documents. Après une longue phase d'étude et d'attente en 92 et 93, c'est une éclosion générale. Les organismes qui participent à ce vaste mouvement appartiennent à trois catégories : d'une part, les nouveaux venus, qui sont purement électroniques (Carl aux Etats-Unis, Article Express...), d'autre part, les agences d'abonnement de périodiques qui s'engouffrent dans cette nouvelle branche. Tels Blackwell, elles s'associent souvent à des centres électroniques, leur facilitant ainsi l'implantation en Europe. L'avantage pour ces agences n'est peut-être pas mince : d'une part, elles fidélisent leur clientèle grâce à un service nouveau et potentiellement important, d'autre part, elles diversifient leusr activités.

Les éditeurs scientifiques, les bibliographies sont le troisième pôle de cette obtention du document. Les premiers ont adopté la politique d'offrir à l'avance par support électronique ou par Internet leurs tables de sommaires afin d'éveiller à l'avance la curiosité des lecteurs. Quant aux bibliographies, pour ne citer que Biosis ou Excerpta Medica, elles sont maintenant à même de fournir le texte de documents que ceux-ci aient ou non été indexés dans leur base.

C'est là un caractère fondamental. La majorité des « nouveaux » fournisseurs de documents sont capables d'envoyer par fax en 24 heures - quand ce n'est pas en 1 h - n'importe quel article, y compris ceux réputés difficiles à trouver, pour un prix assez voisin de 13$US. On peut donc s'attendre à ce qu'à moyen terme le marché en soit très profondément modifié, au détriment des bibliothèques dites classiques - sauf si, à l'instar de la British Library, elles proposent d'autres services.

On le voit, le terme déjà usuel de « nouvelles technologies » possède maintenant un grand nombre de sens : publication électronique, accès à distance, enfin, fourniture de documents, ce qui va constituer pour les bibliothèques un changement plus important qu'elles n'auraient pu le prévoir.

  1. (retour)↑  Ce séjour a été rendu possible grâce à l'aide matérielle du Département d'innovation et de coordination pédagogique de la Faculté de médecine (Université de Lyon I) et la Bibliothèque de l'Université de Lyon 1.