Un catalogage allégé

Marie-Renée Cazabon

En décembre 1989, le souvenir du récent Congrès de l'IFLA, qui s'était tenu à Paris, s'estompait progressivement ; quant aux fastes de la commémoration du bicentenaire de la Révolution, ils commençaient à pâlir eux aussi. Pourtant dans les bureaux des catalogueurs, une autre Révolution couvait, terrible et sanglante, ô combien. Le dernier bastion de catalogueurs réfractaires ne pouvait tenir très longtemps face à l'adversité venue d'Outre-Atlantique : c'était officiel, le catalogage à niveaux, cet « aristo » des fichiers et sa notice chapeau étaient condamnés. Certes, il avait fallu, là aussi, escalader des barricades pour faire tomber l'emblème suprême de la science du catalogage.

Des pratiques résiduelles

Rappelons pour mémoire comment se structurait une telle notice, dont l'usage avait été introduit en France vers les années 1960, et qui était réservée uniquement aux monographies en plusieurs volumes :
- à un premier niveau, on transcrivait toutes les informations communes (ou supposées telles) à l'ensemble des différents volumes composant la monographie en son entier ;
- à un niveau inférieur, on reportait les éléments propres à chaque volume.

La solution était élégante, pratique, rationnelle, économique : en évitant les redondances, elle faisait gagner du temps et de la place dans un catalogue manuel. Le catalogueur n'avait pas à reprendre en totalité la notice chapeau dès qu'il ajoutait un nouveau volume à la suite et se limitait à un rappel chapeau abrégé. En catalogage informatisé, cette présentation permettait, là aussi, de ne pas prendre trop de place dans la mémoire.

Mais, à partir de 1975, lorsque se sont instaurés les échanges d'informations bibliographiques entre la France et les pays nord-américains sous forme de bandes au format INTERMARC (format national français), il s'est avéré que les notices des monographies en plusieurs volumes, établies selon le catalogage à niveaux, étaient incomplètement converties et, par conséquent, rejetées par les bibliothèques anglo-saxonnes.

La perte d'informations dans les échanges due à l'éclatement des données entre plusieurs niveaux a été, entre autres raisons, l'amorce de la révision de l'ISBD(M, monographies) entreprise par l'IFLA et publiée en 1987. C'est pourquoi, par exemple, la notice chapeau et les notices de dépouillement ont été reléguées au rang de pratiques résiduelles, peu recommandables, qui n'ont toutefois pas complètement disparu de l'horizon. En effet, il existe encore bien des bibliothèques qui n'ont pas abandonné cette technique et certains concepteurs de systèmes de catalogage qui s'enorgueillissent de savoir la paramétrer. Il ne s'agit pas de parler de pratique préhistorique, mais reconnaissons qu'il est important d'harmoniser, dès que l'on parle de partager ou échanger de l'information et donc d'évoluer vers de nouveaux usages.

On peut y voir aussi, en prévision des applications informatiques les plus récentes, un souci d'harmonisation entre les pratiques nationales diverses, un rapprochement avec les AACR2 (règles de catalogage anglo-américaines, 2e éd.), une volonté d'homogénéité dans la description des différents supports ou les différents médias.

En 1989, l'AFNOR a intégré ces nouvelles recommandations de l'IFLA dans la seconde édition de la norme Z 44-050 Documentation - Catalogage des monographies - Rédaction de la description bibliographique. Ce « fascicule de documentation » (appellation moins stricte que norme) est le pivot du corpus de textes normatifs français. Il recense les règles pour la rédaction d'une description bibliographique très complète. Il ne concerne que les publications postérieures à 1801 et exclut les microformes.

Des prescriptions souples

Cette description de plus haut niveau, qui introduit une nouvelle notion très utile dans les catalogues multimédias d'aujourd'hui, avec l'indication du « type de document », est vraiment très riche : rien n'est oublié, tout est traité. Elle tient compte bien entendu des efforts d'harmonisation entre médias. Par exemple, la structure « Titre commun, Titre dépendant » est rigoureusement la même dans la transcription de la zone du titre et de la mention de responsabilité :
- d'une monographie en plusieurs volumes, lorsque le titre du volume n'est pas significatif : Histoire de l'art. 1. Le monde non chrétien,
- d'une publication en série (périodique ou collection) découpée en sections comportant des titres non significatifs : Cahiers ORSTOM. Série Géologie. Découverte Gallimard. Peinture.

Beaucoup moins sibyllines que dans la précédente rédaction, très détaillées et abondamment illustrées d'exemples souvent tirés des fonds de bibliothèques publiques et pas seulement savantes, les prescriptions sont néanmoins assez souples. Prises dans leur application la plus stricte, les recommandations permettent un catalogage extrêmement précis du niveau de qualité indispensable pour une agence bibliographique nationale ou pour les grands établissements qui se doivent de faire une description bibliographique exhaustive. En revanche, sans tomber pour cela dans le laxisme, elles ménagent quelques possibilités d'allègement signalées par des « On peut ne pas... » qu'il faut bien se garder de traduire par des « On ne doit pas »... si tentants.

Ce souci d'allègement se retrouve dans les prescriptions du fascicule de documentation Z 44-073 Documentation - Catalogage des monographies -Rédaction de la description allégée, mai 1991. Conforme à la structure générale de la description bibliographique ISBD(G), ce document répond cependant à un besoin de description moins complète, exprimé par des établissements divers, pour lesquels une description complète aurait été lourde à gérer ou mal adaptée au public. C'est pourquoi les prescriptions sont définies pour constituer, si besoin est, une description définitive et suffisamment précise, non ambiguë : cet allègement se manifeste en premier lieu par la suppression de toutes les mentions facultatives présentes dans la norme Z 44-050. Cependant, une telle description peut aussi n'être qu'une étape intermédiaire, le grand principe du document étant de permettre l'enrichissement de la description allégée par les ajouts des différents éléments omis, sans avoir à modifier les éléments déjà transcrits, ces derniers devant figurer dans leur forme définitive. A l'intérieur même de cet allègement, signalons qu'il existe deux niveaux.

Pour expliquer toute cette simplification, il a fallu un document précis, très dense, qui ne donne pas dans le court et le concis, bien au contraire.

Puisqu'il existait deux niveaux d'allègement dans ce document, il s'est avéré inutile de conserver sous sa forme, et dans l'optique qu'il avait à l'origine, le document Z 44-072, qui se voulait une norme de description minimale. Pratiquement irrécupérable par enrichissement dans un catalogue parce que trop réduite et trafiquée, cette description a été supprimée au profit d'une notice signalétique destinée aux demandes de prêt entre bibliothèques ou aux acquisitions. Les éléments d'identification ne sont pas forcément les mêmes selon les besoins des utilisateurs, et les sources servant à identifier les documents recherchés ne tiennent pas compte des mêmes prescriptions, qu'il s'agisse de catalogues d'éditeurs, ou de catalogues collectifs. C'est pourquoi, en fait, d'une norme, les experts ont souhaité faire deux documents différents, utilisables individuellement : rédaction d'une notice signalétique à des fins d'acquisition. et rédaction d'une notice signalétique pour le prêt entre bibliothèques. Ces deux fascicules sont actuellement au stade d'une première enquête et devraient être publiés fin 1993 ou début 1994.

Juillet 1993