Éditorial

ISO, OSI, JPEG, JBIG, MPEG, SGML, ODA, SDIF, DSSSL, SPDL, SDML, ODIF, CCITT, CALS, MHEG, CG46, CN4, DIS 10585, ISO/TR 8393, Z 44-000 et autres SIGLE(S)... Ce n'est peut-être pas un inventaire à la Prévert, mais certainement un monde à la Perec. Georges Perec n'ignorait, on le sait, rien des normes, lui qui, dans Penser/Classer avait déjà posé les questions essentielles : « Par quelles successions de miracles en est-on venu, pratiquement dans le monde entier, à convenir que 668.148.2.099 désignerait la finition du savon de toilette ? », ironisait-il.

Et l'on sait que l'écrivain était lui aussi, à sa façon, un adepte du « vertige taxonomique », cette prise de pouvoir symbolique sur le monde, euphémisée, disciplinée, quelque peu masquée. La normalisation est l'une des expressions emblématiques de l'activité taxonomique.

Et elle est nécessaire. L'époque où l'on pouvait se croire riche d'un savoir indéchiffrable par le vulgaire parce que l'on connaissait le sens de sigles tels ISSN, ISBN et autres ISBD est aujourd'hui bien révolue.

La croissance des productions, des supports, des échanges, des besoins, la rapidité des évolutions technologiques rendent plus nécessaire que jamais cette normalisation, qui, seule, peut permettre un véritable accès et un véritable partage de l'information. La normalisation n'est donc pas réservée à de supposés perfectionnistes ou à des conquérants en chambre réorganisant le monde...

C'est pourquoi, cette livraison du BBF, coordonnée par Michel Melot, président du Comité national sur la documentation de l'Association française de normalisation (AFNOR), a choisi de s'intéresser à l'état actuel de la normalisation, aux domaines qu'elle couvre, aux avancées ou aux pesanteurs qu'elle connaît, aux enjeux techniques et/ou politiques dont elle est porteuse.

Car, loin d'être une opération technicienne qui serait réservée à quelques spécialistes, la normalisation dit, elle aussi, ce que sera l'information de demain. Réglementant son accès, elle contribue à en dessiner le pouvoir. Elle est donc l'affaire de tous.