Éditorial

Lors d'une précédente livraison *, le BBF s'était intéressé au projet français de la Bibliothèque de France par le biais de regards sur l'étranger. La décision de construire une nouvelle Bibliothèque nationale n'est en effet pas spécifiquement française. D'autres pays, et non des moindres, s'attachent à tenter de cerner quels doivent être les nouvelles conceptions, les nouvelles propositions, les nouveaux services, voire les nouveaux publics des bibliothèques nationales d'une époque aux contours - culturels, économiques, politiques, technologiques - incertains. La construction des grandes bibliothèques nationales au milieu du XIXe siècle avait elle aussi accompagné de grandes mutations sociales, cherchant à en anticiper les effets ou les besoins.

Ce n'est pas à un nouveau débat sur les réponses apportées à ces enjeux encore mal cernés que nous invitons ici nos lecteurs. Car la construction de la Bibliothèque de France, si elle est choix d'une forme et d'un espace, est l'occasion d'autres types de grands chantiers, qu'une visibilité moins grande ne devrait pas conduire à sous-estimer. Car c'est bien là que sont aussi les « grands travaux » : dans la conversion rétrospective de six millions de notices, dans le récolement de neuf millions d'imprimés, dans un ambitieux programme de conservation, restauration, reproduction des documents imprimés, mais aussi audiovisuels, toujours dans une situation particulière. Mais, on le sait, la Bibliothèque de France veut faire plus et mieux. Dans le domaine des acquisitions, dans le domaine des services rendus notamment. Quelques exemples en sont ici donnés, qu'ils concernent les acquisitions de « rattrapage » à la Bibliothèque nationale, la politique d'acquisition du futur département de l'Image et du son de la Bibliothèque de France, les perspectives d'enrichissement des catalogues, ou encore le programme de numérisation.

Car l'innovation est elle aussi très attendue. Le projet serait en effet incomplet s'il se satisfaisait d'une - déjà difficile - remise à niveau. Il affiche d'autres ambitions qui concernent les publics à servir et les services à offrir. Si le premier de ces objectifs n'est pas rediscuté ici, le second est développé. La numérisation, bien avant d'être une nouvelle forme de reproduction et de sauvegarde, est conçue comme s'intégrant dans un ensemble de services perfectionnés, voulant autoriser aux chercheurs de nouvelles méthodes de travail, inédites. Donc, qui sait ? de nouvelles investigations intellectuelles, inédites. C'est, fondamentalement, à la plus grande créativité encore de la recherche intellectuelle française que le grand déménagement qui se prépare devrait contribuer.