L'aménagement culturel du territoire

par Jacques Perret

Bernard Latarjet

Paris : La Documentation française, 1992. - 127 p. ; 26 cm. - (Etudes, ISSN 1152-4928).
ISBN 2-11002-767-3 : 95 F

Cet ouvrage est le rapport d'une mission définie conjointement par le ministère de la Culture et le ministère de la Ville, dans le but de « mieux analyser le rôle de la culture dans le développement équilibré du territoire ». Il est établi à partir d'entretiens auprès de 150 responsables du développement (élus, chefs d'entreprise, représentants de l'Etat, dirigeants d'établissements culturels), complétés par l'observation de 60 réalisations culturelles exemplaires. Ces enquêtes se sont d'abord intéressées aux objectifs prioritaires que ces acteurs assignent aux investissements culturels en terme de développement local et d'aménagement du territoire. Le rapport est une synthèse personnelle de ces enquêtes portant sur les constats puis sur les propositions d'amélioration.

Culture et développement social

Sur la question maintenant traditionnelle des rapports entre la culture et le développement économique, Bernard Latarjet constate que les décideurs inscrivent les investissements culturels dans une stratégie économique à long terme. C'est un gain de créativité, d'initiatives, d'esprit d'ouverture qu'ils escomptent. Ils ne considèrent pas que la qualité des offres culturelles joue, à court terme, un rôle décisif dans la décision d'implantation d'entreprises. Le tourisme culturel, quant à lui, paraît bien fragile en regard de pays voisins. Mais ce sont davantage les rapports entre la culture et le développement social qui retiennent l'attention des acteurs. Ils expriment des attentes qui pourraient paraître démesurées : la culture est ressentie comme un moyen de répondre à la dissolution des repères, des valeurs, du sens, elle peut contribuer à recréer un lien social et à lutter contre toutes les formes d'exclusion. Les préoccupations de cohésion sociale l'emportent sur celles d'image et de notoriété. L'illusion que l'autre pouvait aller sans l'une s'évanouit. Les besoins exprimés d'aménagement culturel des territoires délaissés (banlieues, espaces ruraux), d'innovation dans les actions de développement culturel, de création de nouvelles identités soulignent l'importance accordée aux dimensions sociales de la culture.

Le constat de Bernard Latarjet détaille ensuite la situation et les points de vue par domaines du champ culturel : livre et lecture, cinéma, audiovisuel, culture scientifique et technique, musées, arts plastiques, spectacle vivant, musique, patrimoine. « L'écrit, le livre et la lecture sont privilégiés par une majorité d'interlocuteurs comme conditions d'accès aux autres formes d'activités culturelles, d'acquisition de l'autonomie, d'insertion sociale. Les équipements correspondants constituent à leurs yeux la base, avec l'école, d'un réseau d'irrigation culturelle du territoire ». Ce constat confirme l'impressionnante légitimité acquise, en 10 ans, par la bibliothèque « essentielle, attractive et vivante » et dont le développement doit être encouragé en milieu rural comme dans les quartiers, avec un effort spécifique pour les jeunes de 15 à 25 ans. Le rapport soulève cependant la question de l'articulation entre les bibliothèques de lecture publique et les bibliothèques universitaires, de lycées et d'écoles.

Intégrer la culture

La deuxième partie du rapport porte sur les fondements d'une politique d'aménagement culturel du territoire. Compte tenu des éléments les plus marquants du constat, Bernard Latarjet plaide pour des programmes régionaux de développement culturel et des actions d'aménagement culturel des quartiers et des espaces ruraux. Il formule plusieurs propositions parmi lesquelles on retiendra l'importance accordée à l'école et au collège dans un développement culturel de proximité et donc la nécessité d'accentuer l'ouverture de l'institution scolaire aux partenariats culturels. Il insiste également sur la nécessité d'inventer, particulièrement en milieux ruraux, des stratégies d'intervention adaptées. Il détaille ensuite des propositions d'amélioration dans les différents domaines culturels puis précise les conditions essentielles d'un aménagement culturel : décentralisation et déconcentration, en insistant sur le rôle des DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) ; développement des capacités à connaître et à prendre en compte les attentes, à innover des réponses, à former des professionnels, à évaluer ; renforcement de l'éducation artistique dans la formation des élèves et enseignants, jumelages entre établissements scolaires et culturels.

Ce rapport constitue sans doute une bonne prise de température des politiques culturelles locales, mettant en évidence des évolutions dans les discours et les préoccupations centrales des acteurs locaux. Il propose d'utiles points de repère chiffrés mais ne prétend pas être une « étude scientifique » des espaces culturels français. Il ne prétend pas non plus refaire le monde culturel mais être d'abord attentif à la faisabilité de ses propositions et dégager quelques principes d'action. Sa principale nouveauté est d'intégrer la culture dans les enjeux d'aménagement. L'auteur ne met peut-être pas suffisamment en débat la notion même d'aménagement du territoire, même si tout son rapport souligne la nécessité d'adopter des problématiques culturelles diversifiées sur des territoires différenciés.