Les réseaux de CD-ROM dans les bibliothèques

Catherine Etienne

Une constatation : une seule Française était présente à la conférence de Bielefeld *, envoyée par la bibliothèque interuniversitaire de Montpellier. Est-ce le signe du peu d'intérêt que marquent nos collègues pour l'exploitation directe de la documentation informatisée (allant ainsi à l'encontre du besoin croissant de nos utilisateurs), ou une simple frilosité vis-à-vis d'une langue (l'allemand) peu pratiquée en France, mais dont on n'avait nul besoin pour la conférence elle-même, puisque toutes les communications faites en allemand étaient traduites en anglais simultanément (et réciproquement) ?

80 stations de travail

Le Dr. Neubauer, directeur de la BU de Bielefeld, introduisit la conférence en retraçant l'historique du projet à Bielefeld même, où les CD-ROM sont consultés depuis déjà quelques années. Des réseaux se développent à la bibliothèque (où plus de 80 stations de travail existent déjà), au centre informatique et dans les différentes facultés du campus. La connexion entre ces différents réseaux devrait se faire prochainement.

La bibliothèque elle-même a été conçue en même temps que l'université dont elle occupe tout le premier étage. Elle constitue le lien entre tous les bâtiments spécialisés, car on peut dire qu'il n'y a pas qu'une bibliothèque universitaire mais l'équivalent d'une BU par faculté. Des surfaces immenses, des livres en libre accès classés impeccablement suivant une classification qui n'est pourtant pas des plus simples, et tout autour des espaces de lecture vastes et silencieux !

D'immenses halls couverts sont aménagés dans les bâtiments, en dehors des bibliothèques, avec cafétéria et distributeurs, lieux de convivialité qui manquent dans nos universités montpelliéraines où les étudiants n'ont que la bibliothèque pour se réunir (et parler !).

Les stations de travail disponibles au public offrent par l'intermédiaire d'un menu à fenêtres la possibilité d'interroger les différents CD bibliographiques (dont le Science citation index), mais également le catalogue, lui-aussi sur CD (créé par Dataware technologies). Un sous-menu permet de faire au préalable le choix d'une base à partir de mots-clés ou d'intitulés de disciplines. Egalement disponibles sur les mêmes stations, les horaires de transports urbains (comment se rendre d'une rue à une autre, à quelle heure et à quel prix ?), une boîte à lettres, et la possibilité de transfert de l'information récupérée à partir des CD. Toute l'installation est réalisée par une entreprise informatique dont le siège est à Bielefeld. Les serveurs de CD sont ceux de Meridian Data.

Le Dr. Neubauer nous a dit se heurter à des problèmes techniques et économiques - connexion à divers types de réseaux, producteurs de CD pour les bibliothèques pas toujours prêts initialement pour l'exploitation en réseaux, cherté des licences réseaux, etc. La conférence a donc été l'occasion de réunir distributeurs, éditeurs et usagers afin de poser les problèmes et de commencer à y trouver des solutions. Les intervenants appartenaient au monde de l'informatique, de l'édition (Whitaker), de l'édition de CD (Silver Platter, Dataware).

Trois sujets principaux ont été abordés à cette conférence :
- les licences réseaux (le sujet le plus « chaud » pour les bibliothécaires) ;
- la technologie des réseaux et des interconnexions ;
- l'adaptation à l'« utilisateur final », c'est-à-dire la convivialité, l'efficacité et l'homogénéisation des logiciels d'interrogation.

Les bibliothèques doivent s'impliquer et devenir une force de proposition, de façon à ne pas être uniquement tributaires des lois du marché, et même pousser à développer l'édition sur CD.

Arguments contradictoires

Le combat fut rude entre bibliothécaires et distributeurs sur le prix des licences. Le système de valeurs n'est pas le même, constata M. Whitaker et le bibliothécaire oublie souvent le travail scientifique qu'il y a en amont de l'édition des CD. Il faut encourager l'achat du papier et, dans le même temps, celui du CD. Le juste prix doit être trouvé ensemble. Le fait que les bibliothécaires forment des utilisateurs acheteurs potentiels et font ainsi la promotion des CD justifierait une baisse des prix des licences réseaux pour les établissements. L'obligation de retourner les CD périmés a été contesté et le droit de conserver les vieux CD pour utilisation dans les annexes a été réclamé.

Du point de vue des professionnels de l'édition, les coûts de production de CD sont toujours élevés, et bien sûr, il ne faut pas oublier de tenir compte du coût de la base transférée elle-même, ainsi que de celui du développement du logiciel. Comparés à ceux de l'achat en nombre d'ouvrages imprimés ou de logiciels généraux, les coûts des licences réseaux d'utilisation de CD sont justifiés.

Il y a désaccord également entre les deux parties sur le nombre de stations de travail : nombre « possible » ou nombre « réel » (c'est-à-dire nombre de stations travaillant réellement ensemble).

Quant aux taxes, de l'avis des bibliothécaires, elles doivent être au même taux que pour les imprimés.

A été exposé, en somme, un relevé d'arguments contradictoires, qui sont la base de discussions déjà commencées, qui se poursuivront, du moins en Allemagne, à partir de l'« EUSIDIC Guidelines » et qui devraient aboutir à un accord.

Que ferons-nous en France ? Peut-être y a-t-il urgence à créer un club utilisateur ?

L'interconnexion de réseaux hétérogènes pose de moins en moins de problèmes, et se fera entre systèmes différents et sous différents protocoles (intervention de « Peritec AG » et de « Dr. Holtaus & Heinisch Gmbh », distributeur de Meridian Data). Mr. Heinisch a fait de la prospection futuriste jusqu'à nous annoncer la mort du CD remplacé par une autre technologie. Toujours plus chère ? ont demandé les bibliothécaires...

Des standards sont demandés pour :
- l'interface PC-Driver,
- l'extraction des bases,
- le format de déchargement des données.

L'utilisation par le public requiert un logiciel convivial qui ne devrait pas nécessiter une formation initiale, ni une aide du bibliothécaire.

Il semble important que les divers logiciels ne soient pas trop dissemblables et certains bibliothécaires penchent pour un standard pour « l'interface utilisateur » (ce que contestent les professionnels de l'informatique arguant que cela bloquerait tous développement et évolution positive futurs, et que les utilisateurs n'ont pas les mêmes besoins suivant les bases. Cela ne pourrait que conduire à réduire les fonctionnalités au plus petit commun dénominateur).

Il semble possible que nous puissions un jour nous passer des opérateurs booléens grâce à une interface « conforme à la réalité humaine », qui fonctionnerait comme un cerveau.

« Le temps est venu d'inventer une nouvelle mathématique de l'information ».

Ce nouveau langage utiliserait le système des corrélations sémantiques qui permettrait de récupérer l'exhaustivité des références nécessaires et/ou suffisantes (peut-être régulée par le système des pourcentages).

Il est certain que nos collègues allemands et anglais ont engagé un réflexion approfondie sur les réseaux de CD-ROM, mais également sur le langage documentaire, dont l'évolution devient inéluctable, dès lors que le spécialiste ne constitue plus une « interface utilisateur final ».

Illustration
Documents sonores à la section Sciences de la BIU de Montpellier