Sur les catégories de bibliothèques municipales

Petite histoire d'une législation et d'une réglementation confuses, le Code des communes et autres textes

Louis Yvert

La loi du 20 juillet 1931 avait deux objectifs : nationaliser le personnel scientifique des bibliothèques municipales conservant les collections d'Etat issues des confiscations révolutionnaires les plus précieuses et les plus importantes ; assurer le contrôle technique de l'Etat sur toutes les bibliothèques municipales de façon plus ou moins régulière et permanente selon l'importance patrimoniale de leurs collections. Les bibliothèques furent classées en trois catégories distinctes. Plusieurs décrets sur les modalités du contrôle furent pris en conséquence et un contrôle « à étage » ou « en réseaux » fut instauré. En 1947, le contrôle fut recentralisé et uniformisé par décret, mais les trois catégories législatives furent maintenues. En 1977, ces dispositions furent codifiées en l'état au Code des communes. En 1983, le contrôle fut renforcé. Depuis lors, les textes officiels sont d'une interprétation particulièrement difficile et le sont de plus en plus au fur et à mesure des nouvelles strates réglementaires, en particulier les récents décrets sur le statut des personnels. Dans la perspective d'une nouvelle codification et d'une réforme de la législation et de la réglementation, l'auteur fait l'historique des textes et souligne les incohérences actuelles.

The 20th of July 1931 law had two goals : to nationalize the scientifical staff of public libraries preserving the State collections stemmed from the most precious and the most important revolutionary confiscations ; to ensure technical control of the Government on all the public libraries more or less regularly and continuously according to the patrimonial importance of their collections. Libraries were arranged in three distinct categories. Consequently several decrees on the modes of control were enacted and a network control instituted. In 1947, control was again centralized and standardized by decree, but the three legislative categories remained. In 1977 these measures were codified as they were in the Code des communes. In 1983 control intensified. Since then official texts have been particularly and are more and more difficult to interpret as soon as new regulations as recent decrees about librarians statutes appear. At the prospect of a new codification and a reform of the legislation and the regulation, the author reviews the texts and underlines the present inconstencies.

Depuis plus de 60 ans (loi de 1931), les bibliothèques municipales (BM) sont rangées en trois catégories. Mais depuis 45 ans (décret de 1947), il n'y a plus de distinction entre les 2e et 3e catégories et les villes et les ministères compétents en la matière vivent avec des textes obsolètes, ambigus, voire erronés.

Jusqu'à présent, la chose était considérée comme de peu d'importance, malgré la désinvolture que cela supposait de la part de l'Etat vis-à-vis des municipalités. Mais des dispositions législatives et réglementaires ont récemment été prises qui démentent ce point de vue et plaident en faveur d'une modification et d'une clarification du droit :
- la loi du 8 novembre 1990, qui a modifié certaines dispositions législatives relatives aux BM de 1re catégorie (classées) sans modifier le nombre des catégories, ce qui a conduit les villes et leur personnel à penser que les ministères souhaitaient maintenir la division des BM en trois catégories et à s'interroger sur les raisons de ce maintien ;
- les décrets du 2 septembre 1991 portant statut du personnel territorial des bibliothèques, qui, dans une première version, ont réintroduit une distinction entre 2e et 3e catégories et, dans la version définitive, ont conservé l'expression bibliothèques contrôlées pour désigner certaines BM, expression regrettable sinon fautive.

Par ailleurs, la dernière édition du Code des communes (1990) ne comporte pas certaines dispositions législatives qui datent de 1983 et qui devraient, semble-t-il, s'y trouver.

De nombreuses études

Sur l'histoire administrative des BM, on dispose de nombreuses études, mais aucune n'est pleinement satisfaisante concernant les catégories de BM et le contrôle technique de l'Etat.

1. Les recueils de textes. Naturellement, les recueils d'Ulysse Robert (18) et d'Ernest Coyecque (10) sont trop anciens pour être utiles dans ce domaine. Ils ne sont cités ici que pour regretter qu'on n'ait plus, depuis 60 ans, de tels instruments sur les bibliothèques, alors que les musées disposent du remarquable recueil de Jean Chatelain publié en 1984 et dont le contenu a été multiplié par trois en 1987 (5). Reste le recueil officiel de 1954, Les Bibliothèques (2), qui comprend notamment une partie de l'introuvable décret du 8 septembre 1932, mais pas les textes réglementaires abrogés en 1947.

2. Le Code des communes. Il en existe deux éditions. Le Code officiel (7) est d'un maniement délicat et présente des défauts inhérents aux règles de codification. Ses refontes sont en outre assez espacées. Le code publié par Berger-Levrault (8), n'est pas très différent du code officiel, mais ses refontes sont plus fréquentes. Dans la suite de cet article, c'est le code officiel qui est pris comme référence (voir ci-dessous, à l'année 1977, quelques détails sur ce code).

3. Les journaux officiels. C'est normalement la meilleure source, mais l'administration des bibliothèques n'a pas jugé bon d'y publier des textes aussi importants que les arrêtés de classement des BM sur la base du décret de 1897 ou le décret de 1932 cité plus haut.

4. Les documents parlementaires (14 et 15), qui sont difficiles à retrouver.

5. Les ouvrages publiés par des juristes tel Henri Comte (7), par des bibliothécaires tels Graham Keith Barnett (1) et Noë Richter (17) ou des bibliothécaires-juristes telle Marie-Thérèse Jarrige (12). Le livre de Comte est précieux, mais il ignore le décret de 1932. Celui de Bamett permet, mieux que tout autre, de comprendre l'évolution administrative des BM, mais il s'arrête à 1939 et n'expose donc pas la réforme de 1947. Ces deux ouvrages sont néanmoins indispensables à la compréhension du sujet. Aucun des autres, trop succincts, n'est réellement utile.

Les questions qui se posent sont les suivantes :
- quelles sont les dispositions qui distinguent les différentes catégories de BM ? La réponse est aisée. Il n'y en a que de deux sortes : celles qui concernent le statut du personnel et celles qui concernent le champ et les modalités du contrôle technique exercé sur elles par l'Etat ;
- la législation et la réglementation actuelles s'appliquent-elles à toutes les BM et notamment aux BM des départements d'Alsace et de Moselle et aux BM ou bibliothèques assimilées des départements d'outre-mer ? La réponse est beaucoup plus difficile ;
- l'utilisation dans les statuts des personnels de l'expression bibliothèques contrôlées pour désigner certaines BM est-elle légitime et juridiquement fondée ?

Pour tenter de répondre à ces questions, on examinera les textes dans leur ordre chronologique.

Au préalable, on rappellera que le contrôle de l'Etat dont il s'agit ici est technique. Ce type de contrôle est, en règle générale, assuré de façon centralisée (et non déconcentrée) par les ministères - en l'occurrence celui de la Culture - et ne doit normalement porter que sur les aspects techniques de l'activité des services. On peut dire, grosso modo, que ce contrôle est assuré par l'Etat depuis 1803. D'abord léger (arrêté du 28 janvier 1803), il a été progressivement renforcé avec l'ordonnance de 1839, le décret de 1897 et la loi de 1931. Il a été solennellement réaffirmé dans la loi du 22 juillet 1983 prise en application de la loi de décentralisation de 1982 et à nouveau renforcé par le décret du 9 novembre 1988 et les textes qui en sont issus, à savoir la circulaire du 2 mars 1989 pour l'application de ce décret (6) et l'arrêté du 9 mai 1989 portant création du Conseil national scientifique du patrimoine des bibliothèques publiques.

Depuis la loi de 1982, les autres types de contrôle sont :
- le contrôle hiérarchique, assuré par les préfets des départements, uniquement dans le domaine des compétences d'Etat exercées par les maires (état civil, sûreté, élections) ;
- le contrôle de légalité, assuré par les tribunaux sur saisine des préfets, lesquels sont obligatoirement destinataires des actes des communes ;
- le contrôle fmancier, exercé par les chambres régionales des comptes.

L'auteur du présent article, qui n'est pas juriste, sollicite l'indulgence du lecteur. Il ne se dissimule pas qu'il pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses et que ces dernières sont, peut-être, juridiquement mal fondées. Mais son vœu est précisément que les juristes et les administrateurs des ministères concernés se penchent sur la question et clarifient le droit. Ce pourrait être à l'occasion de la refonte, actuellement prévue, du Code des communes dans un code plus général concernant les trois types de collectivités territoriales. La partie législative de ce nouveau code doit en effet être corrigée et soumise au Parlement, ainsi qu'il avait été prévu, en 1977, pour le seul Code des communes.

Enfin, il convient de préciser que ne seront abordés ici ni les fondements du contrôle, ni son champ d'application (sur quoi doit porter un contrôle technique), ni ses modalités, ni ses conséquences, ni, à plus forte raison, l'éventuelle utilité d'une loi de portée générale sur les bibliothèques. Sur ces points, on pourra se reporter à trois publications récentes : un article de Claude Jolly (13), le rapport 1991 de l'inspection générale des bibliothèques (11), le projet législatif de l'ABF (16) et à deux textes officiels : la partie réglementaire du Code des communes relative au contrôle technique (art. R. 391-6 et 7) et la circulaire d'application du 2 mars 1989.

On n'abordera pas non plus la question de la validité juridique du contrôle technique tel qu'il est désormais défini dans le Code depuis le décret du 9 novembre 1988, bien que ce dernier décret ressemble fort (faute de loi de portée générale sur les bibliothèques) à un abus de pouvoir de l'Etat, notamment parce que ses dispositions dépassent, de toute évidence, le champ normal d'un contrôle purement technique et parce que, au détour d'un article, il rétablit le contrôle préalable du préfet (préalable et, de surcroît, nullement technique) sur des actes des communes, en contradiction flagrante avec la loi de décentralisation.

1884-1945

A la suite du transfert des archives, en 1884, du ministère de l'Intérieur à celui de l'Instruction publique, l'inspection générale est commune aux archives et aux bibliothèques. Le nombre de postes d'inspecteurs est de trois de 1884 à 1921. Malgré la multiplication des services à contrôler, ce chiffre est ramené à deux de 1921 à 1945 (Maurice Caillet (4), p. 603-604).

1897

Bien que le terme ne soit pas employé dans le texte, la division des BM en catégories date du décret du 1er juillet 1897, qui distingue les bibliothèques classées des autres, la distinction ne concernant que le personnel. C'est l'objet de l'article 6 :
Les bibliothèques sont confiées à un bibliothécaire et, suivant leur importance, à plusieurs sous-bibliothécaires, employés ou surnuméraires.
Pour les bibliothèques municipales classées, dont l'importance aura été signalée au ministre par une délibération de la commission des bibliothèques nationales et municipales, les maires doivent choisir les conservateurs ou bibliothécaires parmi les élèves diplômés de l'école des Chartes ou les candidats dont l'aptitude à ces fonctions aura été constatée après examen.
Le classement des bibliothèques municipales est établi par arrêté ministériel.
Les dépenses de personnel et de matériel demeurent à la charge des villes.

Au plan du contrôle des services, diverses dispositions sont prises ou confirmées (rapport annuel sur la situation et le fonctionnement des BM envoyé au ministère, comités d'inspection et d'achat établis par le ministère auprès des BM, etc.) et le contrôle sur place est affirmé à l'article 3 : « Le ministre s'assure, par des inspections, de la situation et de la tenue des bibliothèques ».

En fait, les arrêtés établissant le classement de certaines BM ne furent pas publiés officiellement. Ce n'est qu'en 1908 que la liste des 35 villes dont la BM avait été classée fut communiquée à l'ABF, qui la publia dans son Bulletin de mai-juin 1908 (p. 60-61). Le chiffre de 35 en 1908 semble être passé à 37 en 1914 (Bamett, p. 227-228), à 45 en 1929 (Coyecque, p. 429, et Comte, p. 250, les deux listes étant un peu différentes), pour revenir la même année à 42, selon l'exposé des motifs du projet de loi (qui deviendra la loi de 1931) présenté au Sénat à la séance du 31 juillet 1929 (Documents parlementaires, 1929, Chambre, p. 2-3). Mais on sait que ce décret fut contesté par les maires, qui le jugèrent contraire à la loi du 5 avril 1884 sur l'administration des communes et il fut fort peu appliqué. Il fallait une loi pour imposer aux villes les conditions souhaitables de recrutement de leurs bibliothécaires. Ce sera la loi de 1931 dite « de nationalisation » (du personnel scientifique), dont les dispositions concernant ce personnel seront calquées sur celles qui avaient été retenues dans la loi du 11 mai 1921 concernant les archivistes départementaux.

Après la guerre de 1914-1918, en 1929, les BM de Colmar, Strasbourg et probablement Mulhouse ont été classées. En fait, le décret de 1897 n'avait pas été introduit dans les départements d'Alsace-Moselle et Strasbourg demanda l'annulation de cette mesure, ce qui fut fait par arrêt du Conseil d'Etat du 19 mai 1933, c'est-à-dire après la loi de 1931 et les décrets de 1932 et 1933 évoqués ci-dessous.

1931

La loi du 20 juillet 1931 a un double objectif :
- en l'absence de statut du personnel communal, nationaliser le personnel scientifique des BM classées de façon à lui appliquer le même statut, c'est-à-dire les mêmes conditions de recrutement et de rémunération que celui des bibliothèques d'Etat, mais en ramenant, par économie, le nombre de ces BM de 42 à 37 et en faisant financer l'opération pour moitié par les villes (entre 40 et 60 % selon leur population) ;
- compte tenu du faible nombre d'inspecteurs généraux, faire assurer le contrôle technique des autres BM par du personnel d'Etat en poste dans des établissements ou services importants. C'est un contrôle « à étage », également inspiré du contrôle des archives communales. On pourrait dire, aujourd'hui, un contrôle « en réseau ».

Comme l'indique l'exposé des motifs, « ainsi [seront] limités les sacrifices à demander à l'Etat », car, bien entendu, « il ne s'agit pas (...) d'étendre l'aide de l'Etat à toutes les bibliothèques municipales, quels qu'en soient l'importance, la composition et l'usage ». Il s'agit, en somme, d'une loi bonne et pas chère.

Loi du 20 juillet 1931 relative au régime des bibliothèques publiques des villes (extraits).
Art. 1er. Les bibliothèques publiques des villes sont rangées en trois catégories :
1re catégorie. - Bibliothèques classées.
2e catégorie. - Bibliothèques soumises à un contrôle technique régulier et permanent.
3e catégorie. - Bibliothèques pouvant être soumises à des inspections prescrites par décision du ministre.
Un règlement d'administration publique (...) fixera la liste des bibliothèques classées (...). Un décret rendu après avis de la section de l'intérieur et de l'instruction publique du Conseil d'Etat déterminera la répartition des autres bibliothèques entre les 2e et 3e catégories, qui restent soumises à l'inspection générale.
Art. 2. Les bibliothécaires et, éventuellement, les bibliothécaires adjoints des bibliothèques de la 1re catégorie sont des fonctionnaires de l'Etat ; ils sont nommés par le ministre de l'Instruction publique, qui les choisit sur une liste de trois candidats présentés par les maires, ayant les titres requis et remplissant les conditions qui seront fixées par un règlement d'administration publique (...).

Remarques

a) La loi dispose bien que les BM de 2e et 3e catégories sont soumises au contrôle technique de l'Etat, mais ne dit rien de tel pour les BM classées. Est-ce parce qu'elles sont, en quelque sorte, auto-contrôlées du fait qu'elles sont dirigées par des fonctionnaires de l'Etat ? Non. L'exposé des motifs précisait en effet que « l'ensemble des bibliothèques demeurerait soumis au contrôle de l'inspection générale des bibliothèques ». Il semble donc que ce soit un oubli, qui ne sera réparé (un peu abusivement, selon notre point de vue) que dans un texte réglementaire, le décret du 29 avril 1933. Donc, au plan législatif, les BM classées ne sont pas contrôlées et ne le seront qu'après la décentralisation, avec la loi du 22 juillet 1983. Mais il faut noter que, faute de codification de cette loi (on y reviendra), le Code des communes actuel, dans sa partie législative, ne dit toujours pas que les classées sont contrôlées. Est-ce une des causes des erreurs de rédaction de 1991 ? Cela ne paraît pas impossible.

b) Le règlement d'administration publique prévu à l'art. 1er sera le décret du 29 avril 1933. Un RAP était « un décret pris sur l'invitation du législateur après consultation de l'assemblée générale du Conseil d'Etat (...). Jadis catégorie particulièrement majestueuse de règlement, le RAP (...) a été supprimé en 1980 et est désormais remplacé par le décret en Conseil d'Etat » (Lexique de termes juridiques, Dalloz, 1981).

Le décret prévu au même article pour fixer la répartition des autres BM entre 2e et 3e catégories deviendra deux : les décrets du 8 septembre 1932 et du 25 décembre 1936, eux-mêmes suivis de l'arrêté du 16 janvier 1937.

c) L'expression « bibliothèques contrôlées » n'est pas utilisée pour qualifier l'une ou l'autre des catégories.

d) La loi est-elle applicable à toutes les communes ?

S'agissant des 81 communes du département de la Seine (dont Paris), probablement pas. En tout cas, il existait, pour ces communes (jusqu'en 1948), une inspection générale des bibliothèques qui leur était propre et qui était placée sous l'autorité du préfet (Caillet, p. 152-154). Est-ce à dire que les BM de ces communes n'appartenaient à aucune des trois catégories prévues ? Ou bien qu'elles appartenaient toutes à la 3e ? Il faudra attendre la loi du 10 juillet 1964 réorganisant la Région parisienne et supprimant la Seine pour que cette ambiguïté disparaisse. S'agissant des communes des départements d'Alsace et de Moselle, la question est beaucoup plus difficile.

L'Alsace-Moselle

Citons d'abord le manuel de Bourdon, Pontier et Ricci (3). « Les communes d'Alsace-Moselle connaissent un régime juridique complexe parce que composé de textes successifs » (droit antérieur à 1871, droit du 2e Reich, droit propre aux territoires annexés de 1871 à 1918, droit français postérieur) et « le système ainsi formé est d'une grande complexité ». Le tout constitue le droit local qu'un habitant de ces communes et, à plus forte raison, un « Français de l'intérieur » auraient bien du mal à débrouiller sans l'aide (fort aimable) d'un organisme spécialisé dans ce droit, l'Institut du droit local alsacien-mosellan, à Strasbourg.

Recherches faites, il ne semble pas qu'il y ait de dispositions locales particulières aux bibliothèques qui s'opposeraient à l'application de la loi de 1931 dans les trois départements en question. Mais il y a la loi municipale locale du 6 juin 1895, maintenue en vigueur par une loi française de 1924, qui garantit aux communes d'Alsace-Lorraine une liberté sensiblement plus importante que celle dont diposent les communes françaises par rapport à l'Etat.

La loi de 1931 est-elle contraire au droit local d'Alsace-Moselle ? Un commentateur de sang normand et picard à la fois croit pouvoir faire la réponse suivante :
- non pour ce qui concerne le classement d'une BM en 1re catégorie, cette mesure n'entraînant pratiquement aucune perte de liberté pour la ville, qui d'ailleurs accepte et même sollicite le classement ;
- oui pour ce qui concerne le contrôle technique de l'Etat qui, pour léger qu'il soit et n'impliquant aucune sanction d'aucune sorte, n'en est pas moins, juridiquement, une limitation de la liberté communale.

Le problème est que la loi a, comme on l'a dit, deux objectifs et qu'il n'est pas aisé de les dissocier. Une bibliothèque classée est-elle, de ce fait-même, soumise au contrôle ? La chose semble logique, ne serait-ce que parce que le personnel d'Etat est noté par ce dernier. Mais la question a récemment évolué. En particulier, le fait que, malgré la décentralisation, le contrôle de l'Etat sur les BM ait été notablement renforcé par le décret de 1988, a été mal jugé par cetains élus des villes concernées. On peut néanmoins penser qu'un accord sera un jour trouvé : ce sera sans doute donnant donnant, avec, du côté de l'Etat, le poids de ses subventions. C'est, semble-t-il, le sens qu'il faille donner à une lettre du ministre de la Culture adressée en 1990 à certains maires des trois départements pour les convaincre du bien-fondé du contrôle.

En 1931-1932, le ministère de l'Education nationale a d'abord cru que la loi était applicable aux communes d'Alsace-Moselle, puisque celles de Sélestat et Strasbourg figurent dans la liste des BM de 2e catégorie fixée par le décret de 1932. Mais on ne les trouve plus dans l'arrêté de 1937 pris pour son application. Que s'est-il passé entre les deux ? Vraisemblablement, l'arrêt du Conseil d'Etat concernant le classement (version 1897) de Strasbourg a attiré l'attention du ministère sur la loi locale de 1895 et il a préféré, de lui-même, ne pas appliquer les nouvelles dispositions à ces communes. Chose curieuse, Sélestat et Strasbourg seront toujours dans le décret de 1932 tel que publié par le ministère en 1954, mais on peut supposer qu'il s'agit soit d'une erreur, soit d'un scrupule de l'administration qui n'aurait pas voulu prendre sur elle de rectifier un décret qui ne l'avait pas été réglementairement.

En 1948 cependant, les BM de Colmar, Metz et Mulhouse sont classées en 1re catégorie - à la demande des municipalités - par le décret n° 48-431 du 10 mars 1948, qui vise bien la loi de 1931 (et qui a même, soit dit en passant, un curieux effet rétroactif au ler janvier 1946, probablement pour intégrer de façon avantageuse l'un des responsables de ces BM dans le corps des bibliothécaires de l'Etat).

A partir de 1969, un rapport annuel sur leur BM est systématiquement demandé par le ministère à toutes les villes françaises en ayant une. Bien que cette demande n'ait d'autre base juridique que le décret de 1897 (art. 2, codifié au Code des communes, art. R. 341-2), les communes alsaciennes et mosellanes s'exécutent volontiers, peut-être, il est vrai, parce qu'il y a des subventions à la clef. On peut voir ainsi dans les statistiques nationales pour 1987 que les 13 villes alsaciennes de plus de 10 000 habitants ayant une BM ont toutes envoyé un rapport au ministre ainsi que 9 des 13 villes équivalentes de la Moselle.

En 1977, le Code des communes est affirmatif : les dispositions législatives de 1931 ne s'appliquent pas aux communes en question, non plus qu'aucun des règlements qui en découlent (art. L. 391-1 et R. 391-1). Le Code n'est donc que partiellement juste, puisqu'il omet les exceptions à l'exception.

Au cours des dernières décennies (mise à part, bien sûr, la période 1940-1945), il ne semble pas qu'un seul maire alsacien ou mosellan se soit jamais opposé à la venue dans sa bibliothèque d'un inspecteur général des bibliothèques. Toutefois, certaines villes, Strasbourg notamment, considèrent qu'il s'agit davantage d'une visite de courtoisie que d'un contrôle...

On reviendra sur le régime des BM d'Alsace et de Moselle avec le projet de loi de validation du Code des communes, les lois de 1983 et les décrets statutaires de 1991.

1932-1937

Quatre textes réglementaires sont pris suite à la loi de 1931.

1. Le décret du 8 septembre 1932. Il fixe la liste des BM de 2e catégorie, précise que leur contrôle technique est assuré par des bibliothécaires ou des archivistes d'Etat désignés pour trois ans et que toutes les BM qui n'appartiennent pas aux deux premières catégories appartiennent à la 3e. Ce décret ne sera jamais publié au Journal officiel. Il ne sera publié officiellement qu'en 1954, dans le fascicule de documentation administative cité plus haut (2). Mais il sera alors amputé des articles abrogés en 1947 et, de ce fait, incompréhensible.

Entre temps, quatre ans après sa rédaction, il avait été publié par l'ABF *. Il était précédé de cette note : « Nous croyons utile de donner ici le texte inédit du décret du 8 septembre 1932,... ». Utile en effet, car, selon toute probabilité, les maires concernés n'avaient pas été avisés de l'inscription en 2e catégorie de la bibliothèque de leur ville (sinon, on peut imaginer que le décret serait parvenu plus tôt à l'ABF). Le voici :
Décret du 8 septembre 1932 relatif aux bibliothèques municipales de 2e catégorie (bibliothèques soumises à un contrôle technique régulier et permanent) et de 3e catégorie (bibliothèques pouvant être soumises à des inspections prescrites par décision du ministre).
Art. 1er. Sont rangées dans la 2e catégorie prévue à l'art. 1er de la loi du 20 juillet 1931 et soumises à un contrôle technique régulier et permanent, les bibliothèques publiques des villes dont la liste suit : Abbeville, Ajaccio, Alençon, Arles, Arras, Autun, Auxerre, Avranches, Blois, Bourg-en-Bresse, Bourges, Chambéry, Charleville, Chartres, Châteauroux, Chaumont, Epernay, Epinal, Evreux, Laon, Laval, Le Mans, Limoges, Mâcon, Meaux, Nice, Niort Perpignan, Saint-Etienne, Saint-Germain [en-Laye], Saint-Omer, Sélestat, Sens, Soissons, Strasbourg, Verdun.
Art. 2. Le contrôle sera exercé par des fonctionnaires de l'Etat appartenant au cadre des bibliothèques ou, à défaut, au cadre des archives et qui seront désignés, pour une période de trois ans, par le ministre, sur proposition de la section permanente de la Commission supérieure des bibliothèques.Lorsque le bibliothécaire chargé de la direction d'une bibliothèque de 2e catégorie remplira les conditions requises pour être nommé dans une bibliothèque classée et sera inscrit sur la liste d'aptitude, le ministre de l'Education nationale pourra décider, sur la proposition de la section permanente, de ne pas soumettre ladite bibliothèque au contrôle.
Art. 3. Les bibliothèques publiques des villes qui n'ont été rangées ni dans la 1re catégorie par le règlement d'administration publique ni dans la 2' catégorie par l'art. 1er du présent décret appartiennent toutes à la 3e catégorie prévue par l'art. 1er de la loi du 20 juillet 1931. Elles sont visitées par les archivistes départementaux au cours de leurs tournées et pourront être l'objet d'inspections prescrites par décision spéciale du ministre.
Art. 4. Les modalités du contrôle et de l'inspection seront déterminées par décret.
Art. 5. Les bibliothèques visées au présent décret restent toutes soumises au contrôle permanent de l'inspection générale des bibliothèques.
Art. 6. Le ministre de l'Education nationale et le ministre du Budget sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret. Fait à Rambouillet le 8 septembre 1932. Signé : A. Lebrun, A. de Monzie, Palmade.

Remarques

a) Bien que non publié, ce texte sera visé dans le décret de 1936 et l'arrêté de 1937.

b) Dans le décret, le nombre des BM de 2e catégorie est de 36, mais, dans l'arrêté du 16 janvier 1937, elles ne sont plus que 34, Sélestat et Strasbourg ayant disparu de la liste, ainsi qu'il a été dit ci-dessus à propos de la loi de 1931. Ultérieurement (entre 1945 et 1972), 7 bibliothèques passeront en 1re catégorie (Autun, Bourges, Chambéry, Limoges, Le Mans, Nice et Saint-Etienne). Les BM de 2e catégorie ne sont donc plus, en 1992, qu'au nombre de 27.

c) L'expression « bibliothèques contrôlées » ne figure pas dans le décret.

d) Lorsqu'une BM de 2e catégorie est dirigée par un bibliothécaire remplissant les conditions requises pour être nommé dans une BM classée, elle peut ne pas être soumise au contrôle assuré par les bibliothécaires ou archivistes d'Etat (mais elle reste néanmoins « contrôlable » par l'inspection générale). Autrement dit, un bibliothécaire compétent (diplômé) n'est pas jugé « contrôlable » par un de ses pairs. Cette mesure, qui paraît judicieuse et en tout cas intéressante, est-elle le contraire de ce qui semble avoir été prévu dans le décret du 9 janvier 1992 (statut des conservateurs d'Etat des bibliothèques) ? On y reviendra à propos de ce décret.

e) De ce décret de 1932, ne seront abrogées par le décret de 1947 que les « dispositions contraires » à ce dernier, c'est-à-dire l'art. 2, la deuxième phrase de l'art. 3 et les art. 4 et 5. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus (remarque b) , voici ce qui, selon nous, reste en vigueur en 1992, après codification personnelle :
Décret du 8 septembre 1932. Art. 1er. Sont rangées dans la 2' catégorie prévue à l'art. L. 341-1 du Code des communes et soumises à un contrôle technique régulier et permanent, les bibliothèques publiques des villes dont la liste suit : Abbeville, Ajaccio, Alençon, Arles, Arras, Avranches, Blois, Bourg-en-Bresse, Charleville, Chartres, Châteauroux, Chaumont, Epernay, Epinal, Evreux, Laon, Laval, Mâcon, Meaux, Niort, Perpignan, Saint-Germain-en-Laye, Saint-Omer, Sens, Soissons, Verdun. Art. 2. Abrogé.
Art. 3. Les bibliothèques publiques des villes qui n'ont été rangées ni dans la 1 re catégorie par le règlement d'administration publique ni dans la 2e catégorie par l'art. 1er du présent décret appartiennent toutes à la 3e catégorie prévue à l'art. L. 341-1 du Code des communes (la suite abrogée).
Art. 4 et 5. Abrogés.

De sorte que la répartition actuelle des BM est la suivante :
- 1" catégorie (classées) : 54 (décret du 29 avril 1933).
- 2e catégorie : 27.
- 3e catégorie : toutes les autres, celles de Paris comprises et celles d'Alsace-Moselle non comprises, c'est-à-dire de l'ordre de 1 700 ou 1 800, soit 95 % des BM selon les récents décomptes de la Direction du livre et de la lecture, mais on sait qu'on ne dispose pas de recensement fiable en la matière. - hors catégorie : environ 60, dans les trois départements du Rhin et de la Moselle. f) De même que le décret de 1933 fixant la liste des BM classées, l'art. 1er du décret de 1932, qui n'est, lui aussi, qu'une liste de BM, n'avait pas à être codifié au Code des communes de 1977. Par contre, toujours selon nous, ce qui restait de l'art. 3 aurait dû l'être, mais ne l'a pas été. Autre source probable de la confusion actuelle.

2. Le décret du 29 avril 1933. Il concerne les BM de 1" catégorie (classées). Son art. 1er, toujours en vigueur, fixe la liste desdites BM. Cet article sera modifié à six reprises entre 1945 et 1972, faisant passer leur nombre de 37 en 1933 à 54 en 1972, chiffre inchangé depuis lors. Les art. 2 à 6 concernaient le personnel d'Etat de ces BM et ont perdu toute signification avec le statut de 1952 des bibliothécaires relevant de l'Education nationale.

Malgré l'absence de référence législative (voir ci-dessus la loi de 1931, remarque a), le contrôle des BM classées est prévu à l'art. 7, ainsi rédigé : « Les bibliothèques classées sont soumises au contrôle permanent de l'inspection générale des bibliothèques ». Cet article aurait normalement dû être abrogé par le décret du 1" juillet 1947, puisque ce dernier dispose que les BM des trois catégories « sont soumises à l'inspection générale des bibliothèques de France et de la lecture publique» (art. 1er), mais, pour une raison mystérieuse, il ne l'a pas été. Il n'a donc été abrogé qu'en 1977, par un des décrets de codification des textes réglementaires au Code des communes.

3. Le décret du 25 décembre 1936. Ce décret, prévu à l'art. 4 du décret de 1932, précise les modalités de contrôle des BM de 2e et 3e catégories. Il a été publié au JO du 31 décembre 1936 sous un titre incomplet : « Contrôle des bibliothèques municipales de 2e catégorie ». Les dispositions de ce décret de 1936 qui étaient « contraires » au décret du 1er juillet 1947 ont été abrogées par ce dernier, c'est-à-dire tous les articles sauf le 7e qui fut repris dans le nouveau décret, puis codifié. Il n'en reste donc rien, mais il paraît néanmoins utile de le citer ici intégralement, y compris le rapport de présentation, pour bien comprendre le dispositif de contrôle « à étage » de l'époque et l'origine probable de l'expression « bibliothèques contrôlées » pour désigner les BM de 2e catégorie.

Décret du 25 décembre 1936 relatif au contrôle des bibliothèques municipales de 2e catégorie (bibliothèques soumises à un contrôle technique régulier et permanent) et de 3e catégorie (bibliothèques pouvant être soumises à des inspections prescrites par décision du ministre).

Rapport au Président de la République française. Paris, le 23 décembre 1936.

Monsieur le Président,

La seconde catégorie de bibliothèques prévue par la loi du 20 juillet 1931 - « bibliothèques soumises à un contrôle régulier et permanent » - est une création toute nouvelle. Il s'agit, en l'espèce, des bibliothèques dont les richesses bibliographiques et artistiques ne sont pas assez importantes pour justifier le service d'un personnel diplômé d'Etat, mais dont cependant certains éléments précieux et irremplaçables - manuscrits, incunables - méritent une surveillance compétente et un contrôle plus régulier et plus suivi que celui des inspecteurs généraux forcément très intermittent. Dans ces villes, il ne sera rien changé au mode de nomination actuel des bibliothécaires, nomination et traitement restant à la charge de la municipalité. Mais une visite périodique de ces dépôts sera confiée à un technicien, soit de la ville même, soit de la région (bibliothécaire diplômé de préférence ou, à la rigueur, archiviste départemental résidant à proximité).

Les modalités du contrôle seront déterminées par le décret que prévoit l'article 2 de la loi du 20 juillet 1931. La section permanente de la Commission supérieure des bibliothèques désignera, tous les trois ans, les fonctionnaires qui seront chargés de ce contrôle.

Dans la 3e catégorie de bibliothèques prévue par la loi du 20 juillet 1931, « bibliothèques pouvant être soumises à des inspections prescrites par décision du ministre », sont comprises toutes les bibliothèques qui ne seront ni classées ni contrôlées. Dans ces bibliothèques, que les archivistes départementaux visiteront au cours de leurs tournées d'inspection d'archives, le ministre enverra, quand il le jugera nécessaire, soit si un abus est signalé, soit si des plaintes se produisent, soit si une vérification s'impose, un inspecteur général ou l'un des fonctionnaires chargés du service des bibliothèques contrôlées. Toutes ces bibliothèques, contrôlées ou non, restent d'ailleurs soumises au contrôle permanent du service de l'inspection générale des bibliothèques.

Ainsi sera assurée une surveillance technique régulière et plus fréquente des bibliothèques de toute catégorie. Si, comme je l'espère, ce projet ne soulève aucune objection de votre part, je vous serai obligé de bien vouloir le revêtir de votre signature (...). Le ministre de l'Education nationale, Jean Zay.

Texte du décret

Le Président de la République française,

Sur le rapport du ministre de l'Education nationale,

Vu la loi du 20 juillet 1931 ;

Vu le décret du 8 septembre 1932 ;

La section permanente de la Commission supérieure des bibliothèques entendue,

Décrète :
Art. 1er. Le contrôle des bibliothèques municipales de la 2e catégorie, énumérées à l'article 1er du décret du 8 septembre 1932, est exercé de la manière suivante : Trois fois par an et plus souvent s'il est nécessaire, le bibliothécaire chargé du contrôle vérifie l'état des locaux de la bibliothèque ; il examine la tenue des registres réglementaires et des catalogues ainsi que les listes d'achats. Il fait l'appel de manuscrits, d'incunables et de pièces particulièrement précieuses conservées dans la réserve. En fin d'année, il adresse un rapport sur son inspection au ministère de l'Education nationale (Direction de l'enseignement supérieur, 1" bureau).
Art. 2. Un arrêté ministériel pris sur la proposition de la section permanente de la commission supérieure des bibliothèques désigne les fonctionnaires qui seront chargés de ce contrôle ; ces désignations seront valables pour trois ans. Art. 3. Les bibliothèques énumérées à l'article 1er du décret du 8 septembre 1932 dont le bibliothécaire remplit les conditions de diplôme indiquées à l'article 3 du décret du 29 avril 1933 sont exceptées du contrôle et soumises à la seule inspection générale.
Art. 4. Les bibliothèques qui ne sont ni classées ni contrôlées rentrent dans la 3e catégorie, celles des bibliothèques que les archivistes départementaux visiteront au cours de leurs tournées d'inspection des archives communales. D'accord avec la Direction des archives, les inspecteurs généraux établissent au début de chaque année la liste des bibliothèques que les archivistes départementaux visiteront une fois dans l'année dans la limite des crédits disponibles. Les archivistes adresseront au ministère de l'Education nationale, par l'intermédiaire de la Direction des archives, un rapport sur leurs inspections de l'année.
Art. 5. Les bibliothèques de la 3e catégorie dont le bibliothécaire remplit les conditions de diplôme indiquées à l'article 3 du décret du 29 avril 1933 sont exceptées du contrôle et soumises à la seule inspection générale. Art. 6. Les bibliothécaires et les archivistes chargés du contrôle des bibliothèques des 2e et 3e catégories seront remboursés de leurs frais de séjour et de route, conformément aux taux fixés pour les tournées des archivistes départementaux par le décret du 11 décembre 1934.
Art. 7. Les bibliothèques visées au présent décret restent toutes soumises au contrôle permanent de l'inspection générale des bibliothèques (...). Fait (...) par le Président de la République, Albert Lebrun, [et] le ministre de l'Education nationale, Jean Zay.

Remarques

a) On trouve la même exemption de contrôle pour les BM de la 3e catégorie ayant un bibliothécaire compétent que pour celles de la 2e.

b) L'art. 4 précise que « les bibliothèques qui ne sont ni classées ni contrôlées rentrent dans la 3e catégorie ». Cette fâcheuse expression qualifie naturellement les BM qui ne sont ni en 1re ni en 2e catégorie. Autrement dit, à partir de ce décret, il paraît justifié aux administrations d'appeler « bibliothèques contrôlées » les seules BM de 2e catégorie et « bibliothèques surveillées » toutes celles qui sont en 3e, alors que toutes sont soumises au contrôle technique de l'Etat. Ces expressions ne seront jamais utilisées, jusqu'en 1991, dans les textes officiels émanant de l'Education nationale ou de la Culture (une note du recueil de 1954 cité plus haut indique seulement qu'elles sont appelées de cette façon), mais l'expression « bibliothèques contrôlées » sera par contre abusivement employée par le ministère de l'Intérieur dans différents textes sur le statut des personnels. Dans la foulée du recueil de 1954, le livre d'Henri Comte indique (entre parenthèses) que les BM de 2e catégorie sont dites « contrôlées », ce qui est vrai, mais dans celui de Marie-Thérèse Jarrige, le dérapage est manifeste. Il y est écrit en effet que les bibliothèques de 2e catégorie sont contrôlées, c'est-à-dire « soumises à un contrôle régulier et permanent ». Cependant, H. Comte commet une erreur en indiquant que c'est le décret du 25 décembre 1936 qui a « unifié le régime d'inspection » des BM de 2e et 3e catégories, alors qu'il s'agit du décret du 1er juillet 1947.

4. L'arrêté du 16 janvier 1937 (JO du 17, p. 710).

Arrêté du 16 janvier 1937 fixant la liste des fonctionnaires chargés du contrôle des bibliothèques municipales de 2e catégorie (ministère de l'Education nationale).

Le ministre de l'Education nationale,

Vu le décret du 8 septembre 1932 ;

Vu le décret du 25 décembre 1936 ;

Vu la délibération de la section permanente de la commission supérieure des bibliothèques,

Arrête :
Article unique. Le contrôle des bibliothèques municipales énumérées à l'article 1er du décret du 8 septembre 1932 sera, pour une période de trois années, exercé par les fonctionnaires dont la liste suit : Abbeville : par le bibliothécaire de la bibliothèque municipale d'Amiens (etc., voir tableau).

Remarques

a) On comprend mal pourquoi quatre BM sont contrôlées par un délégué de la Nationale. La raison ne semble pas purement géographique, Chartres et Saint-Germain-en-Laye pouvant être facilement contrôlées par le bibliothécaire de Versailles, Sens par celui de Troyes et Meaux par celui de Châlons-sur-Mame ou de Reims.

b) La période de trois années s'arrêtait au 16 janvier 1940. A cette date, on comprend que l'administration ait oublié ou n'ait pas jugé utile de prendre un 2e arrêté pour les trois années suivantes. Il ne sera pris rétroactivement que le 2 mai 1944 pour 1940-1943 (JO du 21, p. 1 401, si l'on en croit une photocopie difficile à lire), mais curieusement pas pour 1944-1946. Pour cette dernière période, on n'a pas retrouvé de texte ultérieur. L'administration attendait-elle la fin de la guerre et une réforme de la réglementation, voire de la législation ?

c) Il serait sans doute intéressant de vérifier aux Archives nationales ou dans les bibliothèques et services d'archives chargés du contrôle si les rapports annuels d'inspection prévus par le décret de 1932 (à l'art. 1er pour les BM de 2e catégorie et à l'art. 4 pour celle de 3e) ont été rédigés et, en définitive, si le système a réellement fonctionné.

1945

Ordonnance du 17 mai 1945 relative aux services publics des départements et communes. Dans l'arrêté du 19 novembre 1948 sur le classement indiciaire des fonctionnaires et agents communaux qui fait suite à cette ordonnance (JO, 24 novembre 1948, p. 11.402), le terme de « bibliothécaire » n'est suivi d'aucune mention relative à la catégorie de la bibliothèque d'affectation, BM « contrôlée » ou autre, ce qui sera modifié en 1952 (voir ci-dessous).

Par décret du 18 août, création de la Direction des bibliothèques de France et de la lecture publique au ministère de l'Education nationale, « princesse lointaine de l'Avant-guerre et de l'Occupation, fille de la Libération », selon la jolie formule de Thérèse Kleindienst (« Les Rayons et les ombres », dans les Etudes sur la Bibliothèque nationale publiées en son honneur, 1985, p. 313). « L'inspection générale des bibliothèques est dissociée de celle des archives » (Caillet, p. 605). « L'effectif du cadre des inspecteurs généraux des bibliothèques et de la lecture publique est fixé à trois emplois » (décret du 13 septembre). Cet effectif passera à 4 en 1969 et à 8 en 1988, mais, à partir de cette date, les postes vacants ne seront plus pourvus et le nombre d'inspecteurs sera réduit à 6 à partir d'avril 1990. En 1992, il sera réglementairement mis fin à leur recrutement (statut des conservateurs d'Etat des bibliothèques, ci-dessous).

1947

Fin du contrôle technique en réseau. Le décret du 1" juillet est publié au JO du 4 juillet, p. 6237, comme « relatif au contrôle des bibliothèques municipales de 2e et 3' catégories », mais il concerne, en fait, les trois catégories.

Décret n° 47-1222 du 1er juillet 1947 relatif au contrôle des bibliothèques municipales (extraits).
Art. 1er. Les bibliothèques municipales de 1re, 2e et 3e catégories sont soumises à l'inspection générale des bibliothèques et de la lecture publique.
Art. 2. Des missions d'inspections permanentes ou temporaires peuvent être confiées par décision du ministre de l'Education nationale à des fonctionnaires d'Etat du cadre scientifique des bibliothèques.
Art. 3. Des missions d'inspections permanentes ou temporaires pourront également être confiées à des fonctionnaires d'Etat du cadre scientifique des archives, sur la proposition du directeur des bibliothèques de France et après avis favorable du directeur des archives de France.
Art. 5. Toutes dispositions contraires au présent décret et notamment celles prévues par les décrets du 8 septembre 1932 et du 25 décembre 1936 sont abrogées.

Remarques

a) Le contrôle technique permanent des BM est assuré de façon uniforme, quelle que soit la catégorie à laquelle elles appartiennent. Il est assuré par les inspecteurs généraux, mais peut l'être par des bibliothécaires et même des archivistes d'Etat. Pourquoi ces derniers, désormais ?

Question sans réponse.

b) Les trois catégories sont naturellement maintenues puisque la loi de 1931 n'est pas modifiée.

c) Il n'y a plus de différence qu'entre les BM classées et les autres, cette différence étant limitée au statut du personnel.

d) Le décret de 1897 n'est pas modifié et les dispositions de ses articles 2 (envoi au ministère d'un rapport annuel) et 3 (le ministre s'assure, par des inspections, de la situation et de la tenue des bibliothèques) restent donc en vigueur.

1948

A la suite de la loi du 9 mars 1946 érigeant en départements la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion, le décret du 30 mars 1948 (JO du 8 avril) dispose que la législation et la réglementation métropolitaines applicables aux BCP et aux BM sont étendues à ces départements et que, s'agissant des « bibliothèques précédemment à la charge des colonies et qui auront été mises à la charge des départements » (c'est le cas, notamment, de l'importante bibliothèque Schoelcher à Fort-de-France), la législation et la réglementation relatives aux BM leur sont applicables à titre transitoire. Il ne semble pas qu'un texte ultérieur ait mis fin au caractère transitoire de cette mesure.

1952

La loi du 28 avril 1952 institue, pour la première fois en France, des dispositions statutaires générales applicables à l'ensemble des personnels des communes et des établissements publics communaux. Dans l'arrêté du ministre de l'Intérieur du 5 novembre 1959 fixant le classement indiciaire des emplois communaux (JO, 15 novembre 1959, p. 10824), l'expression « bibliothécaire d'établissements contrôlés » apparaît, nonobstant le décret de 1947. Pourquoi cette contestable adjonction par rapport à l'arrêté équivalent du 19 novembre 1948 évoqué ci-dessus à la date de 1945 ? Le ministère de l'Intérieur a-t-il voulu resserrer les boulons après le statut de 1952, naturellement coûteux pour les villes ? A-t-il voulu marquer la différence entre les BM classées et les autres et souligner ainsi que le recrutement de bibliothécaires communaux dans les premières était interdit (interprétation constante et néanmoins contestable de la loi de 1931 par le ministère de l'Intérieur) ? Ou bien encore a-t-il voulu aligner les bibliothèques sur les musées (l'expression « conservateur des musées contrôlés » étant utilisée dans les deux textes) ? La deuxième hypothèse paraît la plus vraisemblable.

1968-1969

Application, le 1er janvier 1968, de la loi de 1964 sur la Région parisienne. Le contrôle technique des BM de l'ex-Seine est désormais assuré par l'inspection générale (nationale) des bibliothèques, à l'exception - en fait sinon en droit - des BM de Paris.

En 1969, il n'y a pas de réforme réglementaire, mais une modification importante du formulaire de rapport annuel à remplir par les communes en application du décret de 1897.

Jusqu'alors, ces formulaires n'étaient guère envoyés qu'aux BM conservant des fonds patrimoniaux et n'étaient pas exploités statistiquement. Le nouveau questionnaire a un triple objectif : l'établissement de statistiques nationales, le calcul des subventions de fonctionnement décidées l'année précédente et la préparation des missions de contrôle in situ par les inspecteurs.

1977 : Le Code des communes

La codification des lois et décrets est une obligation pour le pouvoir exécutif. Elle vise à rassembler, sous forme pratique, tous les textes en vigueur classés par livre, titre, chapitre ou article. S'agissant du Code des communes, les dispositions concernant les BM sont ainsi regroupées au livre III (administration et services communaux), titre IV (bibliothèques et musées), chapitre 1er (bibliothèques), articles 341-1 et suivants.

En application de six décrets dits de codification, le Code des communes remplace le Code d'administration communale de 1957 (qui était succinct quant aux dispositions relatives aux BM) et les décrets en vigueur. Le nouveau code comprend, pour chacun de ses cinq livres, deux parties :

La partie législative

On y trouve les lois ou parties de lois relatives aux communes sous une forme codifiée. Cette partie du code a-t-elle force de loi ? Non, lorsque les dispositions sont issues d'une loi antérieure à 1977. Elles ne sont alors que codifiées sans être pour autant abrogées, c'est-à-dire qu'en cas de contentieux c'est le texte d'origine qui prévaut et non le code. Pour avoir force de loi, cette partie doit être validée par le Parlement, ce qui était prévu mais a finalement été abandonné, comme on le verra ci-dessous (1977-1980). Néanmoins, lorsqu'une nouvelle loi fait référence à des dispositions législatives sous leur forme codifiée, cette version acquiert, de ce fait, force de loi. En outre, lorqu'une nouvelle loi modifie la législation antérieure, elle modifie la version codifiée et non la version d'origine. Ce fut notamment le cas pour la loi du 28 novembre 1990, dont l'article 1er (relatif aux BM classées) modifiera l'article L. 341-2 du Code et abrogera son article L. 341-3.

La partie réglementaire

Dans cette partie, les décrets antérieurs à 1977 ont également été codifiés mais, une fois codifiés, ils ont été abrogés (par les décrets de codification), de sorte que la partie réglementaire du Code s'est substituée aux décrets antérieurs (dûment répertoriés dans le décret d'abrogation). Ce fut notamment le cas de tous les décrets relatifs aux BM. A partir de 1977, les dispositions réglementaires relatives aux communes ne peuvent plus être modifiées ou complétées que dans la forme où elles sont codifiées. Pour les BM, ce sera le cas avec le décret de 1988 sur le contrôle technique.

De sorte qu'un décret postérieur à 1977 ne peut viser un décret antérieur. C'est pourtant ce qu'on peut voir dans le décret de 1988 sur le contrôle technique, qui vise le décret de 1897 malgré sa codification et son abrogation. Bévue vénielle, certes, mais néanmoins méconnaissance ou non-respect du droit qui annonce les bévues plus graves de 1990-1992, plus grave parce que pouvant causer un préjudice aux services et aux personnels municipaux.

Une des difficultés de rédaction du code résidait dans le fait que la frontière entre le législatif et le réglementaire avait été sensiblement modifiée par la Constitution de 1958. Il fallait donc faire un toilettage des lois et décrets antérieurs (voir ci-dessous le projet de loi de validation de 1979, remarque e) et soumettre le résultat à la procédure législative envisagée.

Dans la première version du Code ( 1977), les articles 1 et 2 cités plus haut de la loi de 1931 étaient ainsi codifiés :
Art. L.341-1. Les bibliothèques publiques des communes sont rangées en trois catégories :
1re catégorie. Bibliothèques dites classées.
2e catégorie. Bibliothèques soumises à un contrôle technique régulier et permanent.
3e catégorie. Bibliothèques pouvant être soumises à des inspections prescrites par l'autorité supérieure. Art. L.341-2. Un règlement d'administration publique fixe la liste des bibliothèques de 1re catégorie dites classées. Les bibliothécaires de ces bibliothèques sont des fonctionnaires de l'Etat. Art. L. 341-4. Un décret en Conseil d'Etat détermine la répartition des bibliothèques autres que les bibliothèques dites classées entre les 2e et 3e catégories.

Autrement dit, la loi de 1931 a été codifiée sans modification autre que de forme, car il était impossible de faire autrement sans le vote du Parlement.

Ainsi, depuis 1977, la partie législative du Code des communes dispose qu'il y a trois catégories de BM sans préciser qu'il n'y a plus, depuis 1947, aucune différence entre les 2' et 3e et stipule qu'un décret fixe la liste des BM de chacune de ces 2 catégories, alors que personne n'est en mesure de dire où se trouve ce décret ni ce qu'il contient. Par ailleurs, le fait que les BM classées sont soumises au contrôle technique de l'Etat n'y est pas mentionné. Enfin, des dispositions d'ordre législatif sont encore dans la partie réglementaire.

Situation provisoire mais néanmoins regrettable, qui, apparemment, conduit les ministères à des erreurs et qui interdit aux principaux utilisateurs du code - les élus, les administrateurs et les bibliothécaires municipaux - de comprendre les dispositions relatives à leurs propres services.

Concernant les communes de certains départements, le code confirme ou affirme, aux articles L et R. 391 à 395, que les dispositions législatives et réglementaires relatives aux BM ne s'appliquent pas aux communes d'Alsace-Moselle, mais s'appliquent à celles des départements d'outre mer (DOM) et des départements limitrophes de Paris, ainsi qu'à Paris et à Marseille. Cependant, le décret de 1948 sur les DOM n'est pas abrogé. S'agissant des BM, cela ne pose pas de problème, mais le cas des bibliothèques départementales (autres que les BCP) ne semble toujours pas résolu. La législation sur les BM leur est-elle applicable ?

L'article 61 de la loi du 22 juillet 1983 dira que « les règles d'organisation et de fonctionnement régissant les BM » leur sont applicables. Les règles, sans doute, mais la loi ? Il faudra attendre le code des collectivités territoriales pour y voir clair.

Enfin, on notera que le fameux arrêté consulaire du 28 janvier 1803 qui a mis chacune des bibliothèques des écoles centrales « à la disposition et sous la surveillance de la municipalité » n'est pas codifié au Code des communes, ce qui est, pour le moins, une lacune et ce qui interdit de comprendre une grande partie des motifs qui ont présidé aux dispositions législatives actuelles du code. Cet arrêté a-t-il désormais une valeur législative ? Sans doute. Est-ce pour cela qu'il n'est pas « codifiable » sans un vote du Parlement ? Probablement.

1977-1980 : les tentatives de modification de la législation

Les modifications souhaitables de la législation relative aux BM étaient incluses dans le projet de loi de validation préparé dès le printemps 1977.

Projet de loi donnant force de loi à la partie législative du Code des communes, modifiant certaines dispositions de ce code et complétant la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux...(extraits).

Exposé des motifs

(...) La présente loi a pour objet, dans son premier chapitre, de donner force de loi au Code des communes et de prononcer l'abrogation des nombreux textes législatifs qui y sont codifiés. (...) Les dispositions du chapitre II du projet de loi visent à clarifier le droit, à combler des lacunes et à apporter des réponses nettes à des situations juridiques quelque peu incertaines pour l'administration municipale comme pour les administrés.

(...) L'article 30 relatif aux bibliothèques publiques des communes, dans un but de simplification administrative, propose de supprimer leur classement en trois catégories et d'établir une distinction entre « bibliothèques classées » et « bibliothèques non classées ». En outre, afin d'assurer une meilleure protection des collections qui appartiennent aux communes, il est proposé d'interdire leur aliénation sans une autorisation du ministre chargé des bibliothèques accordée sur la demande du maire. Cette autorisation paraît de nature à sauvegarder le maintien dans le patrimoine des collections qui présentent un intérêt culturel ou scientifique. Le régime légal de protection, applicable à ces collections, sera plus libéral que celui résultant de la réglementation en vigueur.

(...) Le chapitre IV propose de rendre applicable aux communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, la législation (...) dans divers secteurs d'activités (mais pas aux BM, voir ci-dessous remarque b).

Projet de loi

Art. 1er. Sont abrogés les textes ci-après auxquels se sont substitués (...) les dispositions du Code des communes (partie législative) :

(...) - loi du 20 juillet 1931 relative au régime des bibliothèques publiques des villes et de leur personnel ;

(...) - loi n° 606 du 3 novembre 1943 relative à la nomination des bibliothécaires dans les bibliothèques municipales classées (voir remarque c) ;

Art. 30. Les art. L 341-1, L. 341-2 et L. 341-4 du Code des communes sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Art. L. 341-1. Les bibliothèques publiques des communes peuvent faire l'objet d'un classement par décret ».

« Art. L. 341-2. Les bibliothécaires des bibliothèques classées sont des fonctionnaires de l'Etat » (voir remarque d).

« Art. L. 341-4. Toute aliénation des livres, manuscrits, chartes, diplômes, médailles, estampes et objets quelconques contenus dans les bibliothèques publiques des communes est interdite sauf autorisation du ministre chargé des bibliothèques accordée sur demande du maire.

« Les échanges entre les bibliothèques de documents ou objets mentionnés au premier alinéa et appartenant aux communes sont soumis à l'autorisation du ministre chargé des bibliothèques.

« Les communications au-dehors des manuscrits et des imprimés sont autorisés par le maire, sous la responsabilité des communes ».

(...) Fait à Paris, le 2 mars 1979. Signé par le Premier ministre, Raymond Barre, et le ministre de l'Intérieur, Christian Bonnet.

Remarques

a) Ce projet de loi ne fut pas adopté et fut finalement rattaché au projet de loi pour le développement des responsabilités locales (dit projet de loi Bonnet), dont il constitua le titre VII. Le projet Bonnet fut adopté en première lecture par le Sénat, en avril 1980, et transmis à l'Assemblée nationale où il s'enlisa jusqu'au changement de majorité de mai 1981. Puis ce fut le chantier du projet de loi Defferre, qui fut adopté définitivement, comme on le sait, le 2 mars 1982 et fut suivi des deux lois de répartition des compétences de 1983 (7 janvier et 22 juillet).

b) Malgré les efforts de Jean-Claude Groshens, Alsacien, agrégé de droit public, ancien professeur à la Faculté de droit de Strasbourg et à l'époque directeur du livre, il fut impossible d'obtenir l'application de la législation aux BM des départements du Rhin et de la Moselle. Il n'y a donc rien dans le chapitre IV qui concerne ces bibliothèques.

c) La présence ici de cette loi s'explique mal, puisqu'elle ne faisait que modifier la loi de 1931.

d) La rédaction proposée par la Direction du livre était naturellement : « Les bibliothécaires des bibliothèques classées sont des bibliothécaires de l'Etat ». C'est par erreur que le mot fonctionnaires fut fâcheusement substitué à celui de bibliothécaires. Il était prévu qu'un amendement gouvernemental corrigerait cette erreur.

e) L'art. L. 341-4 est proposé parce que les dispositions qu'il contient sont considérées comme étant d'ordre législatif, alors que, jusqu'à présent elles étaient d'ordre réglementaire (elles le sont toujours, à tort, semble-t-il).

1983 : les lois de compétence

Elles furent votées, comme on l'a dit, après la loi de décentralisation dite « locomotive » du 2 mars 1982.

Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat. Modifiée par différentes lois et notamment - en ce qui concerne les bibliothèques - les lois n° 86-29 du 9 janvier 1986 et n° 88-12 du 5 janvier 1988. Extraits.

Art. 95. (...) (Loi n° 86-29 du 9 janvier 1986, art. 22). Les crédits précédemment inscrits au budget de l'Etat au titre de la construction, de l'équipement et du fonctionnement des bibliothèques municipales font l'objet d'un concours particulier au sein de la dotation générale de décentralisation. Ils sont répartis, par le représentant de l'Etat, entre les communes et les groupements de communes (ces cinq derniers mots ajoutés par la loi n° 88-12 du 5 janvier 1988, art. 45) dotés de bibliothèques municipales ou réalisant des travaux d'investissement au titre des compétences qui leur sont transférées en vertu de l'art. 61 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent alinéa et les adapte, en tant que de besoin, aux départements d'outre-mer, à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et à la collectivité territoriale de Mayotte (...).

Remarques

a) Cette disposition ne figure pas dans la partie législative du code. La chose semble normale puisqu'elle ne concerne pas à proprement parler l'administration et les services communaux.

b) S'agissant de subsides de l'Etat, les communes d'Alsace et de Moselle considèrent certainement qu'il n'y a aucune difficulté d'interprétation et que ces dispositions leur sont bien applicables.

c) Il va sans dire que parler de compétences transférées aux communes en matière de bibliothèques est un pur abus de langage. Aucune compétence n'a été transférée. Les seules mesures prises en 1983 (loi ci-après) sont l'affirmation du contrôle de l'Etat sur toutes les BM et notamment les classées et la suppression de la part communale au financement des conservateurs d'Etat de ces dernières, mesures qui sont plutôt centralisatrices que décentralisatrices. Pour la seconde, il s'agit en fait d'une mesure de simplification administrative prévue depuis plusieurs années et à laquelle s'était opposée l'administration des bibliothèques, qui la considérait précisément comme ôtant aux communes une part de compétence (ou, plus précisément, de responsabilité, ce qui est à peu près la même chose).

Loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi du 22 juillet 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat. Modifiée par différentes lois et notamment - en ce qui concerne les bibliothèques - les lois n° 86-29 du 9 janvier 1986 et n° 90-1067 du 28 novembre 1990. Extraits.

Art. 61. Les bibliothèques municipales sont organisées et financées par les communes. Leur activité est soumise au contrôle technique de l'Etat. (...) Les dépenses relatives aux personnels scientifiques d'Etat des bibliothèques classées, en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du Code des communes, sont prises intégralement en charge par l'Etat.

Le classement d'une bibliothèque ne peut être modifié sans consultation préalable de la commune intéressée.

Remarques

a) De toute évidence, l'ensemble de ces dispositions devrait figurer au Code des communes, ce qui mettrait fin aux incertitudes concernant les BM qui sont ou non contrôlées. Pourtant, on n'y trouve que le 3e alinéa (introduit par la loi du 28 novembre 1990), mais pas le premier (ni le 2e, mais cela est normal puisqu'il a été abrogé par la même loi).

b) La loi est-elle applicable aux communes d'Alsace et de Moselle ? Certes. Ce qui impliquerait que la législation antérieure concernant les BM a été modifiée et que le Code des communes est faux, depuis 1983. Est-ce bien ce qu'a voulu le législateur ? Pas sûr. Une clarification du droit paraît donc s'imposer. La chose, en fait, est malaisée. Les maires d'Alsace-Moselle peuvent sans doute accepter l'application de la loi telle qu'elle est rédigée. Par contre, le décret de 1988 sur le contrôle leur paraît certainement inacceptable et on ne peut que les approuver.

1990-1992

Trois textes ou séries de textes sont intéressants.

1. La loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 « relative à la fonction publique territoriale et portant modification de certains articles du Code des communes ». Comme on l'a vu, cette loi modifie aussi la loi du 22 juillet 1983 sur les compétences, mais ce détail est omis dans le titre. Si ce n'est pas une loi-fourre-tout, une loi-valise ou une loi-balai telle qu'on en a vu au cours de cette législature et de la précédente, cela y ressemble fort. Rien, en tout cas, ne semblait s'opposer à ce que les ministères de l'Intérieur et de la Culture y incluent des modifications concernant les catégories de BM - celles, par exemple, qui avaient été prévues par eux en 1977-1980 - modifications qui auraient été fort utiles au moment même où étaient préparés les statuts du personnel territorial de la filière culturelle, lesquels impliquaient une clarification dans ce domaine. Toujours est-il que, en ce qui concerne les BM, la loi ne modifie qu'une partie des dispositions législatives (la position et le financement du personnel d'Etat des BM de 1re catégorie) et pas la division des BM en trois catégories.

2. Les décrets du 2 septembre 1991 portant statuts particuliers des fonctionnaires territoriaux de la filière culturelle. Dans la première version -datée du 21 janvier 1991 - de l'un de ces décrets, celui qui concerne les ATQCPB (assistants territoriaux qualifiés de conservation du patrimoine et des bibliothèques, cadre d'emploi concernant les musées, les bibliothèques, les archives et les services de documentation territoriaux), il était spécifié en son article 2 que ces agents pouvaient « être nommés aux emplois de direction des services ou des établissements ni classés ni contrôlés ou occuper des emplois de direction dans les annexes des établissements contrôlés ou classés ». De toute évidence, cette disposition ne concernait que les BM (c'est-à-dire ni les musées, ni les archives, ni la documentation, ni les bibliothèques départementales ou régionales), quelles qu'aient pu être les intentions, difficilement perceptibles, des rédacteurs du projet en utilisant le substantif « établissements » pour désigner des services et même des parties de services en régie directe.

Selon cette rédaction, il existait donc bien, pour les deux ministères maîtres d'œuvre des textes, trois catégories de BM, la 3e regroupant celles qui ne sont « ni classées ni contrôlées ». Et, surtout, les nouveaux statuts ne s'appliquaient pas ou ne s'appliquaient que partiellement au personnel des BM de 3e catégorie, c'est-à-dire les plus nombreuses et de loin.

Certes, le statut antérieur du personnel communal des bibliothèques était ambigu. S'il ne faisait en effet aucune distinction entre les différentes catégories de BM lorsqu'il s'agissait des emplois de sous-bibliothécaire, d'employé, de surveillant et de gardien, en revanche, s'agissant des emplois de bibliothécaires de 1re et de 2e catégories, il ne les prévoyait que dans les « établissements contrôlés », ce qui signifiait, pour un élu ou un administrateur normalement constitué, qu'il existait des BM qui n'étaient pas contrôlées et que la nomination de bibliothécaires n'y était pas possible. La chose était cependant moins grave que dans le projet du 21 janvier 1991 sur les ATQCPB, parce que n'était mentionnée nulle part une 3e catégorie de bibliothèques au personnel desquelles ne s'appliquerait pas le statut. De sorte que l'adjectif « contrôlé » pouvait être interprété par les villes comme signifiant simplement « non classé ».

Volonté délibérée ou erreur des ministères, toujours est-il que, à la demande des représentants syndicaux au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le projet fut corrigé. Désormais, dans aucun des décrets définitifs, il n'est plus fait allusion à une 3e catégorie de BM qui ne seraient ni classées ni contrôlées. Mais l'expression bibliothèques contrôlées a été maintenue dans les statuts des conservateurs et des bibliothécaires (art. 2 dans les deux cas) et la chose a été acceptée par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et avalisée par le Conseil d'Etat. On a montré que cette expression était déjà fâcheuse avant 1947, alors que les modalités de contrôle de l'Etat étaient différentes selon les catégories de BM. Elle l'est encore plus depuis maintenant 45 ans que ces modalités sont les mêmes pour toutes. On peut même dire que l'utilisation de cette expression dans des décrets statutaires est abusive, donc fautive, puisqu'on ne la trouve ni dans la loi de 1931, ni dans aucun des décrets de 1932-1936, ni dans le Code des communes.

Par ailleurs, si on prend les choses au pied de la lettre, le statut des conservateurs et des bibliothécaires n'est pas applicable aux communes d'Alsace-Moselle.

3. Le décret n° 92-26 du 9 janvier 1992 portant statut particulier du corps des conservateurs et du corps des conservateurs généraux des bibliothèques de l'Etat. Ce texte dispose qu'il « n'est plus procédé au recrutement d'inspecteur général des bibliothèques » (art. 48), que les conservateurs du 3e grade (en chef) « peuvent se voir confier par le ministre chargé de l'enseignement supérieur des missions d'inspection générale » (art. 2) et que les conservateurs généraux « peuvent être chargés, par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur, de missions d'inspection générale » (art. 23). Ce texte est d'une interprétation difficile : qu'est-ce que des missions d'inspection générale ? S'agit-il de missions permanentes ou temporaires ? Pourquoi certains fonctionnaires en sont-ils chargés par arrêté ministériel et les autres pas ? etc. Mais il paraît néanmoins clair qu'il ne concerne pas les BM, puisqu'il n'étend pas au ministre chargé de la culture les possibilités désormais offertes à celui qui est chargé de l'enseignement supérieur (le fait que les fonctions aient été jointes ultérieurement n'était naturellement pas prévu lors de l'élaboration du décret et ne change rien à l'affaire). Est-ce parce que, pour les BM, le ministère de la Culture a considéré que la nouvelle disposition qui vise les BU figurait déjà au Code des communes (art. R. 341-7) ? Elle est, en fait, très différente : « Le contrôle technique de l'Etat sur les bibliothèques des communes est exercé de façon permanente sous l'autorité du ministre chargé de la Culture par l'inspection générale des bibliothèques. Le ministre peut également confier des missions spécialisées à des membres du personnel scientifique des bibliothèques ainsi qu'à des fonctionnaires de son ministère choisis en raison de leur compétence scientifique et technique ». Ces dispositions du Code, qui datent de 1988, sont même plus restrictives que les précédentes, qui provenaient du décret de 1947 et qui étaient : « Des missions d'inspection permanentes ou temporaires peuvent être confiées par décision du ministre chargé des bibliothèques à des fonctionnaires d'Etat du corps scientifique des bibliothèques » (ancien art. R. 341-13).

Pour le moment donc, le contrôle technique permanent des BM reste assuré par les seuls inspecteurs généraux des bibliothèques (dont le statut n'a pas été abrogé par le nouveau décret), mais ceux-ci ne seront bientôt plus que deux (en 1995), puis un, puis zéro.

Une autre question se pose aussi depuis la sortie des nouveaux statuts (désormais équivalents pour les personnels territoriaux et nationaux, jusqu'à conservateur en chef inclus). L'expression personnel scientifique des bibliothèques utilisée dans le code est-elle limitée au personnel d'Etat ou concerne-t-elle également le personnel territorial, comme il serait souhaitable ? Et sinon, pourquoi avoir supprimé « d'Etat » dans la version 1988 ? A ce propos, on notera aussi que la possibilité pour un conservateur territorial de devenir inspecteur général - par le tour extérieur - a été supprimée par le décret du 9 janvier 1992.

Dans l'état actuel des textes, on est donc dans une incertitude : le contrôle technique des BM a été affirmé et étendu par la loi de 1983, sensiblement renforcé par le décret de 1988, mais privé des moyens de son exercice permanent trois ans plus tard. A ce même moment, le ministère de la Culture cherchait à l'étendre aux communes d'Alsace-Moselle et son utilité était reconnue par la Charte des bibliothèques. Ce n'est donc plus seulement le droit qui mériterait d'être clarifié, mais aussi la politique menée. De nouveaux textes sont sans doute envisagés. Il faut espérer qu'ils seront plus clairs que les précédents et qu'ils tiendront compte des aspirations et de l'expérience des villes et de leurs personnels.

Mai 1992

Illustration
Liste des fonctionnaires chargés du contrôle des BM de 2e catégorie

  1. (retour)↑  Association des bibliothécaires français. chronique, 1936, p. 63.