1940-1990. Livres, enfants, bibliothèques
Toulouse à l'Heure joyeuse
Toulouse : Bibliothèque municipale, 1991. - 133 p. : ill. ; 25 cm.
ISBN 2-85322-044-3
L'exposition qui a eu lieu à la bibliothèque municipale de Toulouse en octobre et novembre 1991 a été l'occasion de réaliser ce catalogue qui varie les approches avec bonheur. Si l'histoire de l'Heure joyeuse de Paris a été relatée à diverses reprises, il est tout à fait important aujourd'hui de se pencher sur les réalisations provinciales, moins connues, mais qui ont préfiguré la généralisation des bibliothèques pour enfants en France.
Un cercle de lecture
Les auteurs montrent combien le parcours de l'Heure joyeuse à Toulouse est étroitement lié à tout ce qui a fait son environnement. Les hasards de l'histoire font coïncider son ouverture avec la défaite de 1940 : « C'est un bonheur rare et inattendu pour un vieux poète de se trouver dans ce douloureux juillet 1940, au milieu du charme juvénile de l'Heure joyeuse si heureusement suscité par la vaillante Mademoiselle Dobelmann », témoigne au moment de l'inauguration M. Rozes de Brousse, de l'Académie des Jeux floraux ; et Anne Marinet conclut : « Nous pouvons supposer qu'entre 1940 et 1945 l'Heure joyeuse fut réellement, pour les enfants qui eurent la chance de la fréquenter, un lieu privilégié, ce petit espace de liberté observé et décrit par les témoins de l'époque. » Les restrictions dues à l'occupation amèneront à fermer la bibliothèque durant les hivers rigoureux de 1942 et 1943.
Bien que très étroitement inspirée des excellents principes de son modèle parisien que connaît bien Suzanne Dobelmann, l'Heure Joyeuse de Toulouse démarre avec de petits moyens : un local mal adapté, un premier fonds composé de 700 ouvrages qui va s'accroître lentement. Les activités de prêt, qui ne commencent qu'en 1942, sont donc forcément très limitées : « Un seul livre pour huit jours, et seulement pour les lecteurs inscrits depuis au moins quatre mois, et venus quinze fois à la bibliothèque » ! En effet, il ne s'agit pas de consommer passivement. La bibliothèque enfantine est conçue comme un cercle de lecture. L'engagement que prennent les enfants en s'y inscrivant est solennel : « En écrivant mon nom dans ce cahier, je deviens membre de l'Heure joyeuse et promets de prendre soin des livres et d'aider les bibliothécaires à rendre notre bibliothèque agréable et utile à tous ». Dans la mesure du possible, on organise représentations théâtrales, expositions et rencontres avec divers spécialistes.
Le livre pour enfants essaime
Après 1945, c'est le développement général de la bibliothèque municipale de Toulouse qui entraînera celui des services pour enfants. Cette histoire est évoquée par les conservateurs qui ont succédé à Suzanne Dobelmann à la tête de l'établissement : Maurice Caillet, Marie-Renée Morin, Jean Goasguen.
Ce qui frappe dans ces témoignages, c'est l'intérêt affirmé par les responsables successifs pour la lecture enfantine (ils savent évoquer leurs souvenirs avec humour et émotion), et sa constante mise en relation avec le reste du fonctionnement de la bibliothèque. Il faudra pourtant attendre 1961 pour que la biblio-thèque soit transférée dans des locaux plus vastes. Le livre pour enfants essaime dans la ville grâce à la création d'annexes et la mise en place d'un service de bibliobus. Entre 1976 et 1984, les annexes passent de dix à dix-neuf, entraînant un accroissement de 126 % du nombre d'enfants inscrits !
La dernière partie du catalogue est l'occasion de présenter de façon très détaillée le fonds de départ, quantitativement peu important, mais choisi avec un soin minutieux et enrichi d'un don américain de 70 titres en 1941. Le registre d'inventaire de l'Heure joyeuse de Toulouse est un précieux témoignage de ce qui constituait à l'époque un fonds équilibré pour une bibliothèque enfantine. On y trouve des best-sellers du XIXe siècle comme Mes prisons de Silvio Pellico, L'histoire d'une bouchée de pain de Jean Macé ou i'œuvre de Zénaïde Fleuriot, à côté des chefs d'œuvre de l'illustration des années 30 : Brunhoff, Hellé, le Père Castor... et des classiques indémodables : Grimm, Andersen, Ségur, Verne...
Le catalogue se termine par une série d'articles plus généraux dûs à Claude-Anne Parmegiani, Claudie Guérin, Isabelle Jan et Geneviève Patte, qui situent ce fonds dans l'histoire de la littérature enfantine. L'ensemble constitue un outil de travail complet et fort utile, rend hommage à ceux et celles qui ont fait l'histoire de l'Heure joyeuse, et présente une iconographie variée et souvent émouvante. Il est souhaitable que d'autres bibliothèques suivent l'exemple de Toulouse et fournissent ainsi les matériaux nécessaires à la réalisation d'une histoire des bibliothèques pour enfants en France.