D'AGAPE en ARCHIPEL

25 ans d'informatique à la bibliothèque de l'université de Nice Sophia-Antipolis

Muriel Toulotte

Michel Meinardi

L'informatisation de la bibliothèque de l'université de Nice commence, en 1968, par un projet précurseur de « télécatalogage ». Elle se concrétise, à partir de 1970, par la création du « Système AGAPE », qui permet la gestion et la publication de catalogues collectifs de périodiques. Le développement des réseaux de communication, d'abord expérimental avec CYCLADE, remplacé en juin 1978 par TRANSPAC, permet la mise au point, en 1977, d'AGAPE conversationnel qui, installé à l'Isle-d'Abeau, permettra l'interrogation de l'ensemble des seize groupes régionaux ou thématiques créés. En même temps, la recherche documentaire informatisée se met en place dans les sections Sciences et Médecine. A partir de 1983, la bibliothèque participe à la création de banques de données factuelles ou bibliographiques en collaboration avec des laboratoires universitaires. Le minitel entre à la bibliothèque en 1986 sous la forme d'un guide du lecteur et, en 1987, d'une enquête sur les activités des étudiants à la section Sciences. L'adhésion au réseau OCLC en septembre 1987 permet la constitution d'une réserve de notices reversées, en 1991, dans le système GEAC-ADVANCE choisi pour gérer les fonds de la bibliothèque.

The computerization of the Academic library (Nice) begins in 1968 by a project of « on-line cataloguing ». It took shape in 1970 with « AGAPE », a system wich allows to manage and publish collective catalogues of reviews. The development of the communication networks, in a first time experimental with CYCLADE, then substituted on june 1978 by TRANSPAC, allows to put AGAPE into service in 1977 in its interrogative form. Set up in L'Isle d'Abeau, this one will allow to interrogate all the sixteen regional or thematic groups. At the same time, computerized documentary investigation is setting up in the Scientific and Medical departments. From 1983, the library is taking part in the constitution of databanks in collaboration with Academic laboratories. The library uses the « minitel » from 1986, for the User's guide and, in 1987, for an inquiry about students' activities in the Scientific and Medicine departments. The adhesion to OCLC networks, on september 1987, allows, in 1991, the constitution of a stock of bibliographic records loaded into the system GEAC ADVANCE selected to manage the collection of the library.

On a souvent tendance, en France, à se faire une image poussiéreuse et refermée sur elle-même des bibliothèques. Pourtant, depuis une vingtaine d'années, les nouvelles technologies ont profondément transformé les services rendus aux lecteurs et le travail des bibliothécaires. Créée en 1965, la bibliothèque de l'université de Nice Sophia-Antipolis a réfléchi dès son plus jeune âge (depuis 1968 exactement) aux avantages que pourrait lui apporter l'instauration d'une politique d'informatisation construite et coordonnée. Depuis la mise en place d'AGAPE, une expérience originale et novatrice de catalogage collectif informatisé des périodiques datant des années 1970, jusqu'à l'actuelle mise en réseau des différentes bibliothèques de l'université, la bibliothèque n'a cessé d'œuvrer dans cette direction.

Chercher à retracer 25 ans d'informatique à la bibliothèque de l'université de Nice permet de se pencher sur un « passé informatique », certes récent, mais pourtant oublié, ou ignoré, des étudiants et des enseignants - les balbutiements de l'informatique représentent souvent, même pour ceux qui la pratiquent quotidiennement, un univers totalement inconnu. Cela offre également des perspectives bien plus étendues. A travers l'informatisation de la bibliothèque, c'est aussi, étroitement liées à cette évolution, la politique de gestion, la politique documentaire, la politique d'aide au lecteur et, pour ainsi dire, la stratégie et la tactique d'une bibliothèque que nous voyons se dessiner. Creuset où sont venus se fondre la plupart des réflexions, des errements et des réussites qui forment la « geste » informatique des bibliothèques universitaires, la bibliothèque de l'université de Nice est un excellent témoignage de 25 ans d'informatisation dans les bibliothèques universitaires.

Historique de l'informatisation

La bibliothèque comprend quatre sections implantées sur les quatre campus de l'université : une section Sciences, une section Lettres, Arts et Sciences humaines, une section Droit, Sciences économiques et Gestion et, dernière créée, une section Médecine-Odontologie.

En 1991, la plupart des missions qu'elle conduit sont largement informatisées, que ce soit celles d'ordre technique (OCLC, CCN, PEB) 1 ou celles plus directement orientées vers le public comme le guide du lecteur sur Minitel, la recherche documentaire informatisée, le prêt entre bibliothèques. De plus, l'université de Nice Sophia-Antipolis est en train de fédérer l'ensemble de ses bibliothèques et certaines bibliothèques partenaires (laboratoires du CNRS ou de l'INRIA) 2 dans un système intégré de gestion informatisée (GEAC-ADVANCE) qui proposera un CIEL (Catalogue interrogeable en ligne), accessible à partir des laboratoires ou des bureaux des chercheurs grâce à des terminaux ou des micro-ordinateurs, mais aussi par vidéotex.

L'informatisation est largement tributaire du matériel et des techniques sur lesquelles elle s'appuie. Toute transformation des technologies (développement de la télématique, apparition des micro-ordinateurs, des réseaux locaux) implique une évolution des processus bibliothéconomiques qui utilisent de plus en plus ces nouvelles technologies.

On peut subdiviser l'informatisation des bibliothèques en quatre grandes périodes : elle se caractérise d'abord par l'utilisation de l'ordinateur en différé pour le catalogage et la constitution de catalogues collectifs ; se développent ensuite la télématique et la mise à disposition du public de banques d'information au travers des réseaux de communication nationaux et internationaux ; puis apparaît la micro-informatique et, enfin, se mettent en place des réseaux locaux.

Le catalogage et les catalogues collectifs

On a toujours été conscient à Nice que l'informatisation n'était pas une fin en soi, mais qu'elle rendait deux types de services : soulager le personnel des tâches répétitives et pouvant être partagées (catalogage par exemple) ; faciliter l'accès à l'information en réduisant le temps entre le départ de la recherche et l'obtention du document primaire.

Un projet précurseur de « télécatalogage »

En juin 1968, portée par le flot des souhaits de réforme qui balaye le monde universitaire, la bibliothèque de l'université de Nice produit un document dactylographié de douze pages intitulé Projet de réorganisation des bibliothèques universitaires : document provisoire et signé « Un groupe de travail de la bibliothèque de l'université de Nice ». Ce document tout à fait original et d'un intérêt historique certain propose une restructuration en profondeur des bibliothèques universitaires qui n'est pas sans refléter les idées généreuses mais parfois utopiques de l'époque. Il redéfinit l'organisation de la Direction des bibliothèques ; il s'attaque aux problèmes techniques (locaux, mobilier et appareils), aux questions bibliothéconomiques (conservation, communication), à la gestion administrative et financière des BU, au recrutement et à la formation du personnel. Il préconise un « éclatement » des bibliothèques universitaires avec un bâtiment réservé au premier cycle et plusieurs bibliothèques spécialisées situées près des locaux d'enseignement du second cycle et de recherche.

Mais surtout, conscient des inconvénients que peut entraîner l'éclatement de la bibliothèque de l'université (dispersion des locaux, des collections et du personnel), le groupe de travail insiste vivement sur la nécessité d'utiliser des ordinateurs pour les services de prêt, le catalogage et la documentation. Il propose la création d'un « fichier collectif régional des ouvrages français et étrangers » regroupant les BU, les bibliothèques de laboratoires, d'instituts et d'organismes privés.

Il imagine enfin, bien avant que celui-ci ne soit effectivement mis sur pied, une sorte de système de catalogage partagé grâce à l'informatique, qu'il appelle le « télécatalogage ». Le document insiste tout particulièrement sur l'intérêt de ce « télécatalogage » pour les périodiques. En effet, les catalogues de périodiques publiés par les bibliothèques et les centres de documentation paraissent avec un certain retard ; l'utilisation d'un tel système pourrait donc réduire sensiblement les temps de catalogage. Si toutes les BU dépouillaient « les périodiques de la spécialité la plus représentative de l'université, ainsi qu'un certain nombre de périodiques généraux choisis d'après un plan national de coordination » (p. 10 du document) et envoyaient leurs notices par télex au CCOP 3 pour être stockées sur ordinateur, la mise à jour de l'information serait beaucoup plus rapide et plus exhaustive, affirme le groupe de travail.

C'est déjà le projet AGAPE qui est contenu en germe dans une telle proposition ! En effet, la bibliothèque de l'université de Nice ne s'est pas contentée d'émettre de vagues propositions de réforme : deux ans après la rédaction de ce projet, en 1970, elle se lance dans l'informatisation du catalogue des périodiques sur le campus sciences, expérience au départ assez modeste mais appelée à connaître un développement national. A cette époque, les efforts en matière d'automatisation dans les bibliothèques portaient surtout sur le catalogage. En effet, l'informatique fonctionnait presque totalement en différé. C'est pourquoi la finalité de l'informatisation des bibliothèques consistait, à partir d'un catalogage partagé, à mettre à la disposition des utilisateurs des catalogues collectifs ou non sous forme papier.

Les machines à bandes perforées

La mise au point du système AGAPE (Application de la gestion automatisée aux périodiques) n'est cependant pas la première application informatique utilisée par la bibliothèque de l'université de Nice. En 1969, une tentative avait été effectuée en vue de la réalisation d'un catalogue matières des nouvelles acquisitions (notamment à la section Lettres). Une machine à écrire à commande électronique utilisant des bandes perforées réalisait en effet automatiquement la frappe dactylographique des listes des nouvelles acquisitions et la sélection des principales matières. En lisant ces bandes perforées, la machine établissait l'inventaire, le catalogage alphabétique auteurs, le catalogage matières et une liste systématique des acquisitions. Ces catalogues étaient cumulés pour former une édition annuelle. Multigraphiés, ils ont été remis aux enseignants de la section Lettres qui ont beaucoup apprécié cette initiative.

AGAPE

Les faibles possibilités de l'ordinateur IBM 1130 qui se trouvait au Laboratoire d'informatique de l'université de Nice (16 Koctets de mémoire centrale avec un disque amovible de 1 Moctets) ne permettaient pas de tenter le catalogage de toutes les collections de la biblio-thèque. Des choix devaient se faire. Après discussion, il apparut que la gestion des périodiques n'avait pas encore été étudiée en France. C'est ce créneau que, dès 1970, sous l'impulsion de son directeur, Alban Daumas, la bibliothèque de l'université de Nice décide d'explorer. La faisabilité d'un catalogue automatisé de périodiques est donc décidée. A la suite de cette étude préalable est publié un catalogue commun des périodiques associant trente-sept laboratoires du campus à la section Sciences de la bibliothèque de l'université. Le logiciel permettant de gérer cette application est baptisé AGAPE.

Ce catalogue de la faculté des Sciences publié en 1971 a ainsi, en quelque sorte, servi de maquette à la réalisation d'un catalogue collectif. Son succès ayant prouvé la faisabilité du projet, l'extension aux quatre sections a été jugée possible, après modification du bordereau de catalogage et création d'une nouvelle version de la chaîne de programmes. Le système permet, dès 1973, une gestion automatisée des réabonnements, l'obtention de statistiques détaillées, ainsi que la constitution de bordereaux destinés à l'IPPEC 4.

En 1974, le logiciel AGAPE est perfectionné : la bibliothèque de l'université utilise désormais la version 2. Les programmes sont transférés de l'ordinateur IBM 1130 sur le nouvel ordinateur du Centre de calcul (un IRIS 50). L'utilisation d'un disque DIMAS (25 Moctets) permet l'augmentation de la taille des fichiers : on peut traiter 25 000 titres au maximum et 96 000 collections de périodiques conservés dans trente bibliothèques ou groupes de bibliothèques. Les fichiers peuvent également être multipliés, et ce, dans des proportions très importantes, par l'utilisation de deux ou plusieurs disques au lieu d'un seul.

Dès 1975, le système AGAPE connaît une extension nationale : outre l'IRIS 50 du CICNT 5, le logiciel est implanté sur deux autres sites : l'IRIS 55 du CETIB 6 de L'Isle-d'Abeau et l'IRIS 80 du CICB 7 de Bretagne. Sous l'impulsion de la DICA 8, un certain nombre de bibliothèques ou centres de documentation s'unissent pour former des groupes régionaux ou thématiques et gérer leurs collections sur l'ordinateur du CETIB.

Certes, la bibliothèque de l'université de Nice n'est pas la seule à avoir développé, dès le début des années 1970, un programme informatique ambitieux. Il convient donc de replacer l'expérience niçoise dans son contexte. Aux Etats-Unis, dès 1966, la Bibliothèque du Congrès met au point le format MARC (Machine readable cataloging) qui permet de réaliser des descriptions bibliographiques sous une forme normalisée, lisibles par une machine et pouvant être restructurées par les différentes bibliothèques qui les reçoivent.

En France, sous l'impulsion du BAB (Bureau de l'automatisation des bibliothèques), quelques bibliothèques et centres de documentation se sont groupés, en 1970, et ont mis en commun les études qu'ils avaient entreprises pour leur automatisation, ainsi que leurs moyens dans ce domaine. Ils ont pris le nom de GIBUS (Groupe informatiste de bibliothèques universitaires et spécialisées). Le groupe GIBUS s'était fixé comme premier objectif de faire une démonstration de bibliothèque informatisée dans toutes ses fonctions : gestion (commande de documents, réception du livre, vérifications et réclamations, gestion des périodiques, communication des ouvrages), catalogage en mode conversationnel, édition des notices, indexation des ouvrages en CDU 9, indexation matières.

C'est à la même époque que naît, à la bibliothèque de l'université de Grenoble, le projet MONOCLE de mise sur ordinateur d'une notice catalographique de livre. Quant aux périodiques, ils seront également traités, à partir de 1971, dans un autre catalogue collectif informatisé, le CPI (Catalogue collectif de périodiques informatisé), qui regroupera, en 1980, les collections des académies de Grenoble, Lyon, Clermont-Ferrand et les BU de Strasbourg, Montpellier et Bordeaux. Ce catalogue informatisé est basé sur une philosophie différente d'AGAPE, puisqu'il est fortement centralisé et qu'il est construit en zones de longueur variable.

De même, en mai 1970, la section Sciences Luminy de la bibliothèque de l'université d'Aix-Marseille publie un catalogue alphabétique auteurs et anonymes et un catalogue matières de ses ouvrages, réalisés tous deux par ordinateur. La bibliothèque de l'université de Nice a suivi avec intérêt ces opérations dans l'intention d'y participer, mais l'expérience de Luminy s'est arrêtée prématurément en raison d'un changement de matériel informatique.

L'utilisation de la télématique

Le développement de la télématique et surtout la mise à disposition du public du réseau de communication expérimental CYCLADE, suivi de TRANSPAC 10 ont permis d'accéder à distance à de puissants ordinateurs et de développer ainsi des applications conversationnelles qui ont pour but de raccourcir le processus documentaire.

Le passage d'AGAPE du mode différé au mode conversationnel constitue un événement important. En effet, AGAPE a été le premier catalogue collectif conversationnel en France. En mars 1977, des sous-programmes permettant la mise au point d'une procédure télématique sont développés par le CICNT. Ils rendent possible la réalisation de programmes d'interrogation en conversationnel du catalogue des périodiques et de correction des notices existant déjà dans le fichier. Seize groupes régionaux ou thématiques (soit plus de huit cents établissements dont vingt-deux bibliothèques universitaires ou interuniversitaires) participent à la saisie et à l'édition des catalogues, et plus de 150 000 collections sont répertoriées.

Cependant, avec ce logiciel, il n'est pas possible d'accéder à plus d'un seul groupe à la fois. Or, pour localiser une revue, il faut pouvoir interroger tous les groupes successivement. Une nouvelle extension d'AGAPE permettant la consultation de l'ensemble des groupes est donc développée. En juillet 1979, un logiciel en conversationnel est installé à L'Isle-d'Abeau. Chaque bibliothèque peut alors interroger, non plus le seul catalogue régional auquel elle a participé, mais n'importe lequel des seize groupes successivement. Baptisé SUPERCATI, ce logiciel a pour but la constitution d'un fichier unique (CATISUP) regroupant l'ensemble des titres collectés au niveau de chaque groupe : chaque notice comporte le numéro et l'identification du groupe possédant le périodique afin de permettre sa localisation. L'ensemble des seize groupes est donc fédéré dans CATISUP.

Cependant, pour que le conversationnel en continu ait une efficacité maximum du point de vue de la fourniture de documents, la bibliothèque de l'université de Nice souhaite mettre au point un logiciel donnant, à partir du sigle de localisation, le nom et l'adresse de chacune des bibliothèques participantes. Ce logiciel, qui n'a pas été complètement réalisé, aurait permis d'éditer un répertoire des bibliothèques et centres de documentation participant à AGAPE et aurait pu aussi être interrogé directement en conversationnel.

La Direction des bibliothèques désirait regrouper l'ensemble des participants aux deux systèmes (AGAPE et CPI) en un seul catalogue national informatisé : le CCN (Catalogue collectif national des publications en série). Un groupe d'études a donc été constitué pour essayer de conserver les particularités les plus réussies de chaque projet. Le mode centralisé et le format de type MARC du CPI sont maintenus. Le CCN s'est cependant inspiré de certaines des caractéristiques d'AGAPE : l'idée d'interrogation en ligne, la saisie régionale des données et la constitution de groupes régionaux, l'édition d'un répertoire des bibliothèques participantes.

A partir de 1981, les fichiers d'AGAPE sont gelés jusqu'à ce que le CCN soit opérationnel. AGAPE-Nice poursuit cependant ses mises à jour jusqu'à l'été 1983. Le CCN entre en service dans la région niçoise, en décembre 1984, sonnant ainsi définitivement la fin du système AGAPE.

Il n'en reste pas moins que celui-ci a été un système pionnier. Par étapes successives, la bibliothèque universitaire de Nice a su instaurer un réseau national souple organisé en groupes fédérés : AGAPE a, en effet, permis la mise en place d'une gestion régionale forte (ce sont les catalogues régionaux qui ont grandement contribué à fidéliser les bibliothèques participantes), tout en offrant l'accès aux données de l'ensemble du réseau grâce au logiciel SUPERCATI et au mode conversationnel.

La recherche documentaire informatisée

L'objectif de localisation des documents constitue l'une des phases du processus de recherche documentaire. L'obtention des références bibliographiques en est une autre, et l'accession au document lui-même, réel ou reproduit, en représente une troisième.

Dès la création de la bibliothèque universitaire de Nice, le prêt entre bibliothèques - troisième volet du processus de la recherche documentaire - a fait partie des prestations fournies aux étudiants. A partir de 1982, le PEB s'effectue en utilisant une messagerie électronique standard consultable à partir d'un terminal SOMELEC. AGAPE, PEB et recherche documentaire informatisée (RDI) sont donc fortement liés.

Comme pour la gestion des périodiques, la bibliothèque de l'Université de Nice a compris très tôt l'intérêt de l'automatisation dans le domaine de l'aide à la recherche. Dès 1977, les sections Médecine et Sciences de la bibliothèque sont parmi les premières en France à offrir un service de recherche documentaire informatisée à leurs lecteurs.

La section Médecine

La section Médecine est la section la plus précoce de la bibliothèque de l'université dans le domaine de la RDI. En 1976, date à laquelle elle commence à étudier la possibilité d'interroger les banques de données médicales en ligne, il n'y a que deux bibliothèques en France (toutes deux parisiennes) qui proposent un service de recherche documentaire automatisée.

Des problèmes de matériel occasionnent de multiples retards. Ce n'est qu'un an plus tard (mai 1977) que le service RDI voit effectivement le jour à la section Médecine.

Pour simplifier les procédures administratives et comptables de la gestion de cette recherche, le personnel de la bibliothèque a décidé de créer une association de type « loi 1901 » : l'AGEDAB (Association pour la gestion et l'exploitation de la documentation automatisée biomédicale), regroupant des membres du personnel de la bibliothèque et des professeurs de la faculté de Médecine.

La faculté de Médecine fournit à l'association le micro-ordinateur et la ligne téléphonique nécessaires aux interrogations. Elle assure, de plus, l'abonnement INSERM 11 au réseau Medline, ainsi que le paiement des frais de téléphone. La bibliothèque de l'université met, quant à elle, à la disposition de l'AGEDAB, les services d'une documentaliste chargée des interrogations et de la trésorerie de l'association.

L'AGEDAB gère la recherche documentaire informatisée jusqu'en 1980. L'association est alors dissoute : c'est la bibliothèque de l'université qui prend totalement en charge, à partir de cette date, la recherche documentaire informatisée, y compris sur le plan financier.

La section Sciences

La recherche informatisée a été opérationnelle à la section Sciences quelques semaines plus tôt qu'à la section Médecine : en février 1977. Dès son lancement, les tâches ont été réparties en trois grands volets : l'interrogation proprement dite, l'information et la sensibilisation des utilisateurs, la formation continue des interrogateurs.

Pour accéder aux bases de données, la bibliothèque de l'université a utilisé le réseau informatique expérimental CYCLADE permettant l'interconnexion d'un vaste ensemble de ressources hétérogènes (ordinateurs, terminaux et fichiers), jusqu'en juin 1978, où CYCLADE est remplacé par l'actuel réseau public de transmission des données, TRANSPAC. En juin 1977, les bases de données proposées aux utilisateurs sont au nombre de treize.

Le personnel de la bibliothèque se consacrant à la RDI a été peu satisfait des stages de formation qui lui ont été proposés en 1977. La plupart des serveurs utilisés étant américains, l'anglais était souvent la seule langue utilisée lors des stages, ce qui pouvait parfois poser de sérieux problèmes de compréhension ! Aussi, dès la mise en place du service, les interrogateurs ont-ils accordé d'autant plus d'importance à l'information et à la formation des utilisateurs qu'ils ont eux-mêmes souffert d'avoir été mal formés.

En même temps, un effort de promotion du service est fourni. Pendant quatre ans, divers moyens ont été mis en oeuvre : articles dans la presse locale, notices dans le bulletin de l'université, mailing, heures d'interrogation gratuites, stand au festival du livre. A partir de 1981, grâce à cette action dynamique et volontaire, le taux d'utilisation est considéré comme assez satisfaisant et les efforts de promotion sont ralentis.

Etant donné le nombre de plus en plus important de nouveaux produits mis sur le marché dans ce domaine, la formation continue du personnel qui assure l'interrogation est incontoumable et occupe une part de plus en plus importante de son temps de travail.

Ainsi, dans un même domaine - la recherche documentaire informatisée -, et en débutant quasiment à la même date, février et mai 1977, deux équipes différentes, celle de la section Médecine et celle de la section Sciences, peuvent mener des politiques totalement dissemblables... et arriver toutes deux à des résultats satisfaisants. C'est bien la preuve que, même dans le domaine de l'informatique, le facteur humain est primordial.

En 1982, les sections Droit et Lettres de la bibliothèque de l'université proposent à leur tour la RDI à leurs lecteurs.

Le rôle de la bibliothèque de l'université est non seulement d'aider les universitaires dans l'interrogation des banques de données, mais aussi de collaborer avec eux lorsqu'ils désirent en créer eux-mêmes. Parce qu'ils connaissent les réseaux et que, dans certains cas, ils savent structurer les banques de données et mettre en place des logiciels conversationnels, les bibliothécaires peuvent être des interlocuteurs valables des universitaires pour la création et la mise en place de nouvelles banques de données.

Création d'une banque de données

En 1983, une convention est passée entre la bibliothèque et le Laboratoire d'Océanographie biologique de l'université pour assurer le développement et la mise en place d'une banque de données factuelles sur la faune marine méditerranéenne, MEDIFAUNE. Cette banque regroupe, pour chaque espèce, la nomenclature (Phylum, Classe, Ordre, Famille, Genre, Espèce), la date de première récolte en Méditerranée (de 1758 à nos jours), la répartition géographique mondiale et méditerranéenne, la répartition bathymétrique, des renseignements sur la nutrition, la reproduction... 5 158 espèces (sur 7 000 prévues) y sont d'ores et déjà rentrées.

Un logiciel spécial, Biobank, pouvant être adapté à d'autres ensembles animaux ou végétaux, a été créé pour MEDIFAUNE. Il permet la saisie automatique, la vérification et la correction des données à partir d'une fiche type établie pour la faune méditerranéenne. Il offre la possibilité d'interroger la banque en ligne, ainsi que de créer des fichiers centraux, des thesauri et des lexiques.

En 1983, MEDIFAUNE n'est pas née ex nihilo. En effet, conscient de l'apport de l'informatique dans le stockage et l'exploitation des données en écologie marine, le professeur Gaston Fredj avait commencé, dès 1970, à rassembler des informations sur les espèces marines méditerranéennes. En fait, l'ancêtre de MEDIFAUNE et AGAPE ont évolué d'une façon parallèle : ils ont utilisé le même matériel (ordinateur IBM 1130, puis IRIS 50 du CICNT) et les mêmes sous-programmes. Ils ont donc acquis le mode conversationnel à la même époque.

Ainsi, MEDIFAUNE est une banque de données vivante et évolutive qui, en tentant de réaliser l'inventaire exhaustif des espèces méditerranéennes, permet le suivi permanent de l'état des connaissances sur la faune en Méditerranée. Les perfectionnements successifs de la base laissent même envisager l'extension de son utilisation aux étudiants (enseignement assisté par ordinateur), aux centres de documentation (fabrication d'un CD-ROM 12), aux musées d'histoire naturelle, en créant des banques d'images consultables sur des bornes implantées dans les musées.

La micro-informatique et le minitel

Si la participation de la bibliothèque à la réalisation de MEDIFAUNE a surtout consisté à mettre en conversationnel une base déjà existante, sa participation à la création de la banque de données du CRAI (Centre de recherches anti-incendie) mar-que les débuts de l'utilisation de la micro-informatique.

Collaboration bibliothèque-CRAI

Ce centre de l'université de Nice a été créé en 1982 par une association d'universitaires, d'industriels, de professionnels de la lutte anti-incendie et de représentants de la sécurité civile et des services incendie.

En 1983, le CRAI et le service informatique de la bibliothèque s'associent pour mettre au point une base de données regroupant des bibliographies concernant les incendies. En raison de la pluridisciplinarité du domaine, les bibliographies existant sur le sujet étaient jusque-là très dispersées. Un logiciel spécifique permettant la gestion de la base a été développé sur le micro-ordinateur du Centre.

En 1985, le CRAI et la bibliothèque développent une autre banque de données « sécurité » dont le but est de recenser les produits dangereux en mentionnant, pour chacun d'eux, les dégâts qu'ils risquent d'occasionner et les moyens de lutte. Cette banque de données a été implantée sur l'ordinateur du Conseil général des Alpes-Maritimes.

Le guide du lecteur sur minitel

Accessible à tous les foyers depuis 1984, le minitel commence, en 1986, à faire partie, au même titre que le téléphone ou la télévision, des objets familiers des Français. En janvier 1986, en collaboration avec le Centre de calcul, et en utilisant un logiciel qui permet la composition de pages en mode vidéotex, la bibliothèque se dote d'un guide du lecteur consultable sur minitel. L'application vidéotex mise au point se scinde en plusieurs grands ensembles :
- une présentation des différents services de la bibliothèque (adresses, horaires, conditions d'accès, conditions de prêt à domicile, description du PEB, de la RDI, noms des responsables des services...) ;
- un guide du lecteur (présentation des catalogues, présentation d'une fiche, de la classification CDU et de la Bibliothèque du Congrès, définition des termes « auteur », « anonyme », « matière », « mot-clef », etc.).

Testé à la rentrée universitaire 1986-87, ce nouveau mode d'information a été bien perçu par les étudiants auxquels il offre une nouvelle image de la bibliothèque. Il permet, qui plus est, de libérer le personnel des tâches d'information de routine. Celui-ci peut ainsi mieux se consacrer à des questions plus spécifiques.

A peu près à la même époque, toujours en utilisant le minitel pour la saisie des informations, une enquête sur les activités des étudiants à la section Sciences de la bibliothèque de l'université de Nice est lancée. Le dépouillement de cette enquête est réalisé par un logiciel spécialement développé à cet effet.

Mise en œuvre du catalogage partagé

La bibliothèque a d'abord tenté de mettre au point un procédé « maison » pour le traitement des monographies par l'informatique. En 1986, la section Droit crée un fichier informatisé des livres sortis. En 1987, elle crée un nouveau fichier informatisé pour la gestion des acquisitions. Mais des idées de regroupement des notices dans un réservoir commun existaient déjà : sous l'impulsion de la Direction des bibliothèques, la participation à deux réseaux alimentés par des bases bibliographiques (SIBIL et OCLC) a été préconisée.

La bibliothèque de l'université de Nice a d'abord participé, en 1985, à l'expérience de catalogage partagé sur micro-ordinateur (MOBICAT) lancée par la DBMIST 13 ; puis elle a adhéré, en novembre 1987, au réseau OCLC. Elle est la deuxième biblio-thèque universitaire française à s'être connectée à OCLC, après Paris IX-Dauphine qui utilise le réservoir de notices américain depuis septembre 1987. Nice est également la deuxième bibliothèque, après la Biblio-thèque de l'université de Metz, à avoir passé un contrat de conversion rétrospective avec OCLC. Après une période de formation, elle a commencé à cataloguer effectivement sur OCLC à partir de mars 1988. Depuis mai 1990, l'utilisation d'un nouveau logiciel fondé sur l'emploi d'un CD-ROM permet de créer ou de modifier des notices en local, puis de les transférer pendant la nuit dans OCLC. Depuis mai 1991, la bibliothèque utilise la fonction « export » du logiciel CATCD450 d'OCLC pour basculer les notices dans le système GEAC. Seront, d'autre part, catalogués directement dans GEAC, des types de documents qui ne sont pas traités sur OCLC. Il s'agit des thèses, des brochures, des manuscrits, des diapositives, des disques, etc.

Le problème de la création des notices bibliographiques étant plus ou moins réglé, se pose alors la question de la mise à disposition du public des catalogues informatisés ainsi constitués.

Les réseaux locaux

La mise en réseau des systèmes informatiques et l'existence de systèmes intégrés permettant de gérer sur un seul ensemble toutes les fonctions d'une bibliothèque constituent l'avenir de l'informatisation des bibliothèques.

A la fin de l'année 1988, des contacts sont pris dans ce but avec le Conseil général des Alpes-Maritimes qui accepte de débloquer un crédit pour informatiser la bibliothèque de l'université de Nice. En mars 1989, la bibliothèque rédige un cahier des charges pour un système de gestion informatisée intégré. Le Conseil général des Alpes-Maritimes, ayant débloqué un crédit de 1 000 000 F, en 1989, et de 50 000 F, en 1990, pour fmancer l'informatisation de la bibliothèque, lance un avis d'appel d'offre paru dans le journal Nice-Matin du 17 août 1989. C'est le système GEAC-ADVANCE qui a été choisi. Il est en cours d'installation sur les différents sites de la biblio-thèque.

Plusieurs modules sont disponibles sur GEAC-ADVANCE : un module de catalogage ; un module OPAC qui met à la disposition des lecteurs le catalogue informatisé en ligne des bibliothèques participantes ; un module de circulation qui gère le prêt aux usagers ; un module d'acquisitions ; un module de contrôle des périodiques ; un module d'accès vidéotex qui permettra à tout possesseur d'un minitel d'accéder au catalogue.

Après s'être demandé s'il ne serait pas préférable de faire de GEAC-ADVANCE un système décentralisé (un ordinateur dans chaque section), la bibliothèque de l'université a finalement opté pour une organisation centralisée. Un mini-ordinateur MOTOROLA a été installé au Centre de calcul en mars 1991. Les deux premiers modules, catalogage et OPAC, sont en cours d'installation, et l'OPAC devrait être ouvert au public très prochainement.

L'installation de GEAC-ADVANCE à la bibliothèque de l'université ne va pas sans l'intégration du mini-ordinateur MOTOROLA, sur lequel fonctionne GEAC, aux réseaux universitaires existants ou en cours de réalisation. Cela permettra de satisfaire le plus grand nombre d'utilisateurs possible, universitaires ou non.

Deux types de réseaux cohabitent à l'université. Existant depuis 1986, le réseau SYRACUSE relie entre eux les différents campus grâce à des lignes spécialisées à 9 600 bauds. Actuellement, seule la section Médecine de la bibliothèque de l'université est reliée à ce réseau, mais les sections Droit et Lettres ont également des possibilités de connexion. Le réseau ARCHIPEL, de type ETHERNET, fonctionne à l'université, ainsi qu'à Sophia-Antipolis, depuis 1988. La section Sciences de la bibliothèque y est connectée depuis février 1991.

Dans les quatre années à venir, le réseau haut débit ARCHIPEL devra relier tous les campus de l'université de Nice Sophia-Antipolis pour desservir tous les laboratoires, unités de formation et services. La desserte de GEAC se fera alors totalement au travers de ce réseau.

Ainsi, d'AGAPE hier en ARCHIPEL aujourd'hui et demain, la biblio-thèque de l'université de Nice Sophia-Antipolis a toujours été très fortement consciente de l'intérêt que pouvait représenter l'informatisation pour l'accomplissement de toutes les tâches d'une bibliothèque : catalogage partagé, localisation des documents, accès à l'information.

Certes, aujourd'hui, l'ensemble des bibliothèques ont intégré l'informatique dans leur politique de gestion mais, avec le recul, il est frappant de constater la qualité de la prospective de la bibliothèque de l'université de Nice en ce domaine. Chaque fois qu'une nouvelle technologie est apparue, la bibliothèque a essayé d'utiliser, avec plus ou moins de succès, les nouvelles possibilités qui lui étaient offertes.

L'informatique a aussi été un instrument d'ouverture sur l'université : par ce biais, se sont établis de solides liens de collaboration avec certains laboratoires et avec le Centre de calcul.

C'est tout ce passé informatique, qui fait la richesse et l'originalité de la bibliothèque de l'université de Nice, qui amène le personnel de l'établissement à réfléchir sur le travail qu'il a effectué depuis 25 ans et cimente la culture d'entreprise de la biblio-thèque. Voilà bien la preuve que passé et avenir peuvent s'épauler et concourir ensemble à la bonne marche et même, si l'on peut dire, à l'épanouissement d'un établissement.

De plus, l'informatisation de la bibliothèque a un but principal : améliorer le service au lecteur. On se plaint souvent que les étudiants ne fréquentent pas assez la bibliothèque. Désormais, avec les nouvelles perspectives qu'ouvrent les réseaux, si les lecteurs ne viennent pas à la biblio-thèque, c'est la bibliothèque qui ira à eux !

Janvier 1992

Illustration
Petite chronologie pour l'histoire de la BUNSA

  1. (retour)↑  Online computer library centre ; Catalogue collectif des périodiques ; Prêt entre bibliothèques.
  2. (retour)↑  Centre national de la recherche scientifique ; Institut national de la recherche en informatique et en automatique.
  3. (retour)↑  Catalogue collectif des ouvrages et des périodiques.
  4. (retour)↑  Inventaire permanent des périodiques étrangers en cours.
  5. (retour)↑  Centre interuniversitaire de calcul de Nice-Toulon.
  6. (retour)↑  Centre d'études et de traitement informatique des bibliothèques.
  7. (retour)↑  Centre interuniversitaire de calcul de Bretagne.
  8. (retour)↑  Division de la coopération et de l'automatisation.
  9. (retour)↑  Classification décimale universelle.
  10. (retour)↑  Réseau maillé de transmission de données par paquets.
  11. (retour)↑  Institut national de la santé et de la recherche médicale.
  12. (retour)↑  Compact Disc-Read Only Memory.
  13. (retour)↑  Direction des bibliothèques, des musées et de l'information scientifique et technique.