Éditorial

Novembre 1989. La chute du mur de Berlin est le prélude à une longue suite de révolutions plus ou moins tranquilles qui voient la fin d'un système communiste ayant régné sans partage sur les pays d'Europe de l'Est.

Les bibliothèques ne sont pas épargnées par les remises en cause qui suivent ces événements. Après des décennies de domination étatique sur l'ensemble du système de bibliothèques, chacun doit peu à peu réapprendre à penser et travailler autrement.

On sait à quel point, et à des degrés divers selon les pays, les pouvoirs politiques avaient influé sur l'organisation et le fonctionnement des bibliothèques ; le contrôle était partout, sur l'organisation des réseaux, le mode ou le contenu des acquisitions, la formation ou l'expression des bibliothécaires. Bref, on peut penser, avec l'un des auteurs, que le rôle des bibliothèques était de « servir d'agent de l'éducation socialiste », et ce quel que soit le type de bibliothèque.

La Liberté toute neuve rend plus aiguë encore les conséquences de cette mainmise : lacunes considérables dans l'édition et les acquisitions, notamment étrangères, retard important sur le plan informatique, sous-équipement en matériel de reproduction, problèmes de gestion du travail et du personnel, lacunes dans la formation. Or les modifications structurelles sont et seront parfois considérables, rendant absolument indispensables les évolutions des pratiques professionnelles.

Ce sont tout à la fois des mentalités, des pratiques et des structures qui doivent changer, dans des pays qui sont bien souvent confrontés à des difficultés économiques redoublées.

Mais grande et riche est la tradition de bibliothèques et de lecture en Europe orientale. Les collections anciennes des plus importantes bibliothèques en sont un signe, l'appétit presque frénétique de lecture aujourd'hui en est un autre. Qui dit censure et négligence culturelle, dit aussi, de la part de ceux qui les subissent, curiosité insatiable. On peut donc penser que, si les bibliothèques réussissent à ne pas être, comme cela arrive trop souvent là-bas et ailleurs, les oubliées d'une renaissance, les réseaux denses déjà existants rencontreront des lecteurs attentifs, exigeants et fidèles.

Dans ce contexte et compte tenu des liens culturels forts qui unissent ces pays à la France, il serait bon que les bibliothèques françaises suivent encore plus massivement l'exemple de celles qui ont su, dès les premières heures, donner une existence digne et efficace au mot coopération.