Art moderne et bibliographie

le dépouillement des périodiques et l'histoire de l'art du XXe siècle dans les répertoires bibliographiques : rapport de synthèse

par Monique Sevin

Harry Bellet

Paris : Centre Georges Pompidou/BPI, 1990. - 60 p. ; 30 cm (BPI Pratique n° 5, ISSN 0246-1595).
ISBN 2-902706-34-0 : 135 F

La collection BPI Pratique née en 1989, rappelons-le, est destinée à apporter une aide aux chercheurs, autant avec les moyens qu'offre la BPI (Bibliothèque publique d'information), qu'avec d'autres ressources fournies par des organismes extérieurs. Dans cette perspective les bibliographies sont particulièrement étudiées.

Ainsi le n° 5 de la collection fait le point sur la question des bibliographies spécialisées en histoire de l'art du XXe siècle et du dépouillement des périodiques. Le projet de ce rapport est dû à l'initiative de la sous-section des bibliothèques d'art de l'ABF (Association des bibliothécaires français) qui s'intéresse, en particulier, au dépouillement des revues concernant l'art du XXe siècle. Le concours de différents organismes (ABF, Centre Georges Pompidou : MNAM (Musée national d'art moderne) et BPI, Association des amis et anciens élèves de Médiadix) permit ensuite la publication de l'étude d'H. Bellet.

Dès la préface, Catherine Schmitt et Nicole Picot annoncent le problème qui sera souligné à plusieurs reprises par l'auteur : bibliographie et coopération ne semblent guère s'accorder pour assurer une couverture plus large du dépouillement. Avant d'aboutir à ce constat, H. Bellet mena une étude établie sur la comparaison entre un corpus de revues dressé dans ce but (à l'exclusion de celles d'architecture) et les listes de périodiques dépouillés actuellement par les bibliographies spécialisées ainsi que les fichiers de certains centres de documentation pratiquant un dépouillement interne.

Outils bibliographiques

Parmi les outils bibliographiques décrits par l'auteur, on distingue :
- six bibliographies internationales spécialisées : RAA (Répertoire d'art et d'archéologie), Art index, ABM (Art bibliographies modern), RILA (Répertoire international de la littérature de l'art), BHA (Bibliographie d'histoire de l'art), AAHCI (Art and humanities citation index) ;
- une bibliographie nationale : Bibliographie zur schweizer kunst/Bibliographie zur denkmalpflege ;
- un bulletin signalétique présenté sous forme de fiches : Bulletin signalétique arts plastiques ;
- des exemples de dépouillement interne pratiqué par des centres de documentation.

Chaque bibliographie fait l'objet, en plus de son historique, d'une présentation minutieuse précisant la périodicité, les caractéristiques techniques (analytique ou signalétique, type de classement, quantité de références annuelles), la liste et le nombre de revues dépouillées, la présence ou l'absence d'index, le prix, l'accès éventuel en bases de données. Notons également la présence de la reproduction exacte d'une notice choisie comme exemple.

A la lecture de ces différentes présentations, deux points se dégagent :
- l'intérêt de certaines caractéristiques :
. si on compare Art index et le RAA, bien que ce dernier ne traite plus d'art contemporain, on constate qu'Art Index réunit davantage de références annuelles dans un moins grand nombre de revues, mais on note qu'il ne publie pas de résumés analytiques. Relevons aussi la particularité très appréciée d'Art index de mentionner les titres des oeuvres reproduites dans les articles cités.
. ABM se présente actuellement comme la seule bibliographie internationale spécialisée dans l'art du XXe siècle.
. AAHCI en raison de « son système basé sur le principe de la citation d'articles traitant d'un même sujet permet de faire un point très rapide sur un thème donné ».
. l'exemple de Bibliographie zur schweizer kunt prouve qu'une bibliographie nationale peut apporter des compléments utiles à une bibliographie internationale spécialisée.
- les limites et les avantages de certains outils :
. le RAA abandonne à partir de 1972 le domaine de l'art du XXe siècle ; cependant avec sa fusion réalisée tout récemment avec le RILA sous la forme de BHA, on assistera à une extension du domaine couvert « jusqu'à nos jours ».
. le Bulletin signalétique arts plastiques, malgré ses limites, en particulier linguistiques (français, anglais, allemand), présente l'intérêt d'une information économique et rapide : déiai de trois mois entre la parution d'un article et son signalement.
. les dépouillements internes pratiqués dans certaines bibliothèques, malgré leur insuffisance et leur manque de coordination, sont appréciés localement pour leur adaptation aux besoins spécifiques et leur accès facile.

Dans l'exposé de ces différents outils, on peut signaler, à propos du RAA, deux oublis mineurs : l'un, d'ordre historique, puisque la Société des amis de la bibliothèque d'Art et d'archéologie qui a publié les volumes des années 1927 à 1954, sous des auspices divers et avec des concours extérieurs, n'a pas été mentionnée ; l'autre, d'ordre pratique : la possibilité des chercheurs d'obtenir, à titre payant, des « profils » sur un thème déterminé, la recherche en ligne étant, dans ces conditions, pratiquée par un rédacteur expérimenté du RAA, le résultat s'avérant plus satisfaisant.

Valeur quantitative et qualitative

L'étude comparative d'une bibliographie à l'autre a permis à l'auteur de dégager des notions pertinentes dans l'ordre quantitatif. Point capital mis en évidence à l'aide d'un graphique, un tiers seulement des revues figurant sur la liste dressée à titre de test coïncide avec celle de la bibliographie la plus performante, ABM. Quant à la couverture linguistique, elle révèle une forte majorité de titres anglo-saxons avant les français, les périodiques italiens et japonais étant négligés. Intéressant également est le tableau des recoupements : 25 revues retrouvent leur analyse d'une bibliographie à l'autre (ex. Burlington magazine, L'Oeil, Master drawings...), mais les mêmes articles ne sont pas toujours retenus.

Il a été plus difficile d'évaluer la qualité des outils décrits. Par des sondages, l'auteur révèle des omissions flagrantes (ABM, vol. XX/1 ne mentionne pas une série d'articles sur Le Corbusier, parus dans le n° 191 de Cimaise, qu'il dépouille pour d'autres artistes), des variantes d'un répertoire à l'autre pour une même revue dépouillée, des irrégularités dans les dépouillements (RILA analyse un numéro par tranches dans plusieurs livraisons), absence d'uniformité des index de certains répertoires, réserve étant faite pour le sérieux de l'indexation du RILA et du RAA. Après ces aspects négatifs, il est reconnu, dans l'ensemble, la qualité des résumés des bibliographies signalétiques (ABM, RAA, RILA). Quant à l'indexation, elle pose bien des problèmes dans ce domaine de l'art contemporain ! Faut-il adopter de suite les termes nouveaux de mouvements artistiques, de concepts ? Et qu'en est-il du contrôle de ce vocabulaire ? Une indexation correcte devrait rendre très performante l'interrogation en ligne. Or il n'en est rien, en raison des problèmes de l'indexation qui se répercutent autant en ligne que dans la version imprimée.

L'auteur conclut son rapport en reconnaissant la difficulté d'établir une bibliographie paraissant rapidement et visant à l'exhaustivité, devant le nombre toujours croissant des publications en art contemporain. Il souhaite une meilleure utilisation des bibliographies par les historiens d'art, en incitant d'ailleurs les universités à un rôle de formation des étudiants aux méthodes documentaires.

Ayant noté des qualités spécifiques à chacune de ces six « grandes » bibliographies, il émet le vœu de les voir coopérer en vue de combiner ces avantages, éviter les recoupements entre elles et assurer une meilleure couverture.

Les chercheurs eux-mêmes pourraient être intégrés dans ce travail, se consacrant à l'analyse des revues qu'H. Bellet qualifie plaisamment « d'indépouillables », les revues d'artistes, en particulier.

Annexes

Les données présentées dans les annexes ont permis à l'auteur d'établir les points forts de son rapport de synthèse :
- proportion des revues dépouillées dans les bibliographies par rapport à celles reçues dans les bibliothèques françaises (340 titres) ;
- pointage rigoureux, sur la liste des 340 revues, des bibliographies qui ont traité ces titres (158 sur 340) ;
- liste des revues « indépouillables » (15) ;
- proposition d'un choix de 31 revues non traitées, « noyau indispensable », dont le dépouillement s'impose ;
- liste des 25 revues dépouillées par au moins 5 bibliographies, faisant apparaître les recoupements ;
- liste des bibliothèques abonnées.

Ce rapport sera bien accueilli par tous les praticiens de la documentation en art contemporain : bibliothécaires, documentalistes et également conservateurs de musées et organisateurs d'exposition, experts, chercheurs, étudiants... Nous pensons qu'il aura également une portée internationale auprès de nos collègues anglo-saxons, intéressés qu'ils sont par ces problèmes d'information. La traduction en anglais de la préface du rapport et la clarté des annexes en facilitera l'accès aux lecteurs étrangers.

Peut être peut-on faire une réserve sur le titre : « Art moderne et bibliographie » ? Devant l'ambiguïté des termes : art moderne et art contemporain sur laquelle l'auteur s'est expliqué, sans doute le choix s'est-il porté sur le premier, le sous-titre apportant la précision chronologique. Avec l'espoir d'une véritable collaboration entre les différentes bibliographies, l'aide des nouvelles technologies et des outils informatiques, en particulier le CCN (Catalogue collectif national des publications en série) qui localise les revues conservées dans les bibliothèques françaises, l'accès à la documentation sur l'art du XXe siècle est appelé à connaître un développement certain.

Le succès que mérite l'étude d'H. Bellet pourrait susciter des enquêtes parallèles dans des domaines voisins : autres époques, autres techniques, comme l'architecture, autres disciplines, comme l'archéologie.