Pour en finir avec le transfert des BCP

Michel Delafosse

Le transfert des BCP de l'Etat aux départements a été réalisé dans de bonnes conditions. La BCP doit maintenant s'intégrer pleinement au sein des services départementaux. Mais l'Etat a conservé d'importantes prérogatives en ce qui concerne l'informatique, le contrôle technique et les personnels qui constituent des obstacles au développement de la lecture publique. C'est désormais à un rôle de conseil que l'Etat devrait se consacrer.

The transfer of responsabilities for the central lending libraries (BCP) from the State to the departments (districts or administrative constituencies) has been satisfactorily operated. Now the BCP must totally become part of departmental services. However the State has retained important prerogatives in the field of information science, technical control and staff, which impede the development of public librarianship. But, in future, it should play the part of a consultant only.

Les bibliothèques centrales de prêt (BCP) transférées aux Départements: l'Etat a parfaitement assuré ses obligations, et même au-delà ! Et cela mérite d'être souligné, car tous les transferts de compétence précédents ont pu donner lieu, souvent à juste titre, à d'âpres débats sur leur contenu et les modalités, notamment financières, de mise en œuvre.

Pour les BCP, pas de problèmes ! Les crédits transférés ont bien été calculés. En décidant de mettre à niveau les constructions et en assurant le financement des équipements qui faisaient défaut, le ministère de la Culture a montré l'exemple (s'il avait pu en être de même pour les Collèges...).

C'est donc d'un bon héritage que les Départements ont bénéficié, et ils étaient pour la plupart bien préparés à le recevoir. Des moyens propres avaient déjà été mobilisés pour contribuer au développement de la lecture publique : création d'associations des amis de la BCP, mises à disposition de personnel, budgets complémentaires d'acquisition de livres...

Créer des synergies

Il s'agit maintenant de faire en sorte que la BCP ne demeure pas un service isolé au sein des services départementaux. Des relations sont à établir et à développer avec les autres équipements culturels des Conseils généraux. Des actions communes peuvent être mises en oeuvre. Et surtout, la BCP qui, par nature, innerve tout le milieu rural, doit s'impliquer dans toutes les structures et les outils de développement intercommunal : on se trouve là dans la justification première de la décentralisation : créer des synergies entre tous ceux qui peuvent décider au plus près des besoins qui s'expriment ou qu'il faut faire émerger.

L'Etat peut donc être rassuré : les Départements ont pris à bras le corps cette nouvelle compétence et ils ont à la fois le souci et les moyens de développer la lecture publique.

Alors il ne faut plus hésiter à aller maintenant au bout de la démarche ! « Donner et retenir ne vaut ». Et n'est-ce pas ce qui s'est passé depuis trois ans ?

L'Etat a transféré les BCP, mais il a souhaité garder dans son giron des attributions importantes. On ne peut pas ne pas évoquer les questions relatives à l'informatique, au contrôle technique et aux personnels. Eviter aux BCP décentralisées le souci de réinventer chacune pour son compte un système informatique est sûrement une bonne intention. Mais on pouvait prévoir dès le début que la bonne réponse ne réside pas dans la mise en place d'un système centralisé !

Le décret sur le contrôle scientifique et technique des musées et des bibliothèques constitue l'exemple type d'une tendance générale visant à limiter par décret la portée décentralisatrice de la loi. L'Etat a certainement une responsabilité particulière à exercer sur la conservation des fonds anciens car c'est la protection du patrimoine national qui est en jeu.

Mais peut-on raisonnablement étendre la portée du contrôle à la mise en valeur des fonds, l'évolution des budgets d'acquisition, l'accessibilité des locaux... ?

Informer, aider, conseiller

Un observateur de la décentralisation ne manquera pas de relever à ce sujet que des textes écrits par des structures nationales ont souvent pour objet de conforter ces mêmes structures, alors que leur consistance et leur mission auraient dû faire l'objet d'une profonde évolution en application de la loi. On doit à cet égard rendre hommage au ministère de l'Education nationale qui, jusqu'à présent, a été le seul à tirer les conséquences de la décentralisation en supprimant la Direction des constructions scolaires.

Terminons avec la question des personnels. Peut-on envisager durablement que les conservateurs de BCP demeurent des fonctionnaires de l'Etat ? Aujourd'hui, un Département ayant des ambitions pour le développement de la lecture publique et voulant disposer d'un conservateur supplémentaire ne peut le faire sans l'accord de l'Etat, dont les moyens et les calendriers sont de nature à décourager les initiatives locales. Il faut mettre un terme à cette anomalie, de même qu'il faut au plus vite « sortir » de l'article 30 de la loi du 2 mars 1982, de façon que toutes les données relatives aux personnels et aux budgets soient parfaitement clarifiées.

Il faut donc lever tous les obstacles qui peuvent encore freiner le développement de la lecture publique. Et dans ce nouveau cadre, l'Etat conserve un rôle important : assurer une mission de contrôle dans le cadre d'une redéfinition plus précise, et surtout informer, aider, conseiller les Collectivités territoriales qui ont besoin de dépasser leur isolement en faisant appel à des ressources nationales capitalisant toutes les données locales.

Janvier 1990