Le classement efficace

dictionnaire et méthodes

par Marie-Thérèse Laureilhe

Michèle Curcio

Yvonne Chauvin

Paris : Ed. d'organisation, 1987. - 207 p. ; 24 cm.
ISBN 2-7081-0756-9

Yvonne Chauvin, présidente de l'Association pour le développement de la taxonomie et des pratiques de classement (ATC), et Michèle Curcio, secrétaire générale de la même association nous envoient un précieux outil pour ceux qui doivent faire du travail administratif. Savoir ranger un document, afin de pouvoir le retrouver dans un minimum de temps, est le fondement de toute gestion administrative. Les bibliothécaires, dont la tâche devient de plus en plus administrative, seront donc reconnaissants aux auteurs de cette aide. Toutefois, il convient de préciser la portée de l'ouvrage et, il faut bien le dire, ses limites, car il n'a pas été écrit pour eux.

Dictionnaire

La première partie, la plus importante, est un dictionnaire de 147 termes spécifiques du vocabulaire du classement avec leurs définitions précises, leurs modalités d'emploi. D' « Abréviation » à « Vedette », ils représentent une très large sélection. A la fin de la plupart des articles sont indiqués la traduction anglaise du terme et quelquefois son antonyme. Une première remarque s'impose : les auteurs se réfèrent souvent aux normes de l'Association française de normalisation (AFNOR), or leurs définitions sont souvent sensiblement différentes de celles de ces normes et surtout de celles du Vocabulaire de la documentation, publié avant l'ouvrage et à la rédaction duquel Mme Chauvin a participé.

Examinons de plus près quelques articles parmi ceux qui seront utiles au personnel des bibliothèques, au conservateur qui peut avoir besoin de se remémorer une notion oubliée et surtout à son collaborateur qui n'a encore aucune pratique de l'administration, auquel on demandera souvent « classez-moi cela », comme premier travail, et qui souvent en ignore les modalités.

Le premier article est « Abréviation ». Après une brève définition, nous avons une liste d'abréviations bien utiles à une époque où on les multiplie abusivement : elle diffère peu de celle du Larousse mais l'ouvrage est plus commode à manier.

« Alphabétique » donne lieu à des réserves ; l'ordre est le même en français, en anglais, en allemand, en italien, mais il varie ailleurs. Les auteurs donnent un exemple en serbo-croate, les bibliothécaires de langue française auraient préféré qu'on donne en exemple Ch, LI, et N espagnols, difficiles à trouver dans les dictionnaires de cette langue, la 2e du monde. D'autre part, la concordance des alphabets grecs et cyrilliques n'est pas celle en usage dans les bibliothèques. Enfin, pour les expressions composées, l'ouvrage préconise un classement par « mot-directeur », selon la norme Afnor Z 44 001, or cette norme n'est pas en usage dans les bibliothèques pour intercaler les vedettes des collectivités, ni celles du catalogue alphabétique de matières. Par contre, nous pourrons recommander la liste, aux pages 33-35, des particules et préfixes rejetés ou non selon les langues. Elle est tout à fait exacte.

Les articles « Archives » et « Archivation » représentent deux notions différentes, selon les auteurs, la première étant le résultat de la seconde. Nos collègues conservateurs d'archives diront s'ils sont de cet avis, nous y voyons plutôt une redondance. Nous ferons la même remarque pour « Classage » et « Classement », « Classer » et « Classifier ». Les auteurs insistent beaucoup sur les documents périmés que l'on archive en un lieu plus lointain en attendant leur destruction. C'est impensable pour les bibliothèques, un livre dépassé, dans le domaine des sciences par exemple, appartient à l'historien des sciences et le roman « démodé » fera la joie d'un spécialiste d'histoire littéraire. Nous apprécierons par contre le tableau des archives familiales ou des personnes morales qu'il faut garder à vie, 30 ans, 10 ans, 6 ans, 1 an. Si on nous confie des fonctions administratives dans une association professionnelle ou une société savante, nous éviterons de perdre par ignorance des archives précieuses.

L'article « Catalogue » appellera aussi quelques réserves: on nous recommande de classer les fiches du catalogue selon des principes bien établis, mais on affirme que, sur les rayons, « les volumes seront rangés de façon agréable à la vue », sans tenir compte du format ! Imagine-t-on la place perdue en mettant côte à côte in-16 et in-folio ?

L'article « Décimal » (classement) est trop abrégé, il semble ignorer que Classification décimale de Dewey et Classification décimale universelle sont d'usage obligatoire dans toute nouvelle bibliothèque publique ou universitaire, qu'elles ne sont pas rigoureusement semblables (voir classes 4 et 8), et que bibliothèques privées et centres de documentation les emploient de préférence.

L'article « Descripteur » est trop bref ; à l'article « Mot-clé » on précise, avec justesse, que le « mot ou ensemble de mots » ont été choisis et prélevés dans le document à classer, 40 lignes plus bas, on écrit que « le mot-clé ne figure pas in extenso dans le document, il y est exprimé implicitement et il résulte du sens général du texte ». C'est contradictoire et cela conviendrait mieux au descripteur qui est certes codifié par un thésaurus, mais qui, à l'état de candidat-descripteur, résulte du sens général du document. Les auteurs ne s'avisent qu'à l'article « Fichier » qu'il ne faut pas oublier que, de plus en plus, ils aboutiront à un système informatisé.

La notion de « Mot-directeur » résulte de la norme Afnor Z 44 001 ; les bibliothèques ne la suivent pas et les exemples donnés p. 109 ne nous feront pas changer d'avis : classer « Bureaux réunis des assureurs de Paris » à « Paris » amènera à avoir une tranche impossible à manier ; plus efficace aurait été « Assureurs de Paris (Bureaux réunis) ». C'est ce que fera le catalogue alphabétique de matières.

Les articles exprimant des vérités évidentes même à des débutants sont nombreux. Pourquoi avoir consacré 50 lignes à « Sortie d'un document », d'un dossier. Pour éviter les erreurs de reclassement, le bibliothécaire met un « fantôme », expression inconnue des auteurs qui décrivent longuement la chose, sans employer le mot ; définir le fantôme et son usage eût pris quelques lignes...

Le thésaurus eût mérité un article plus précis et une meilleure définition : celle de la norme Afnor, au lieu de dire : « c'est un mot de bibliothécaire et un outil de documentaliste ». Pourquoi cette distinction ? Le thésaurus est un outil plus souple que les systèmes de classification difficiles à réviser ou à tenir à jour, il suit davantage l'actualité et est plus pratique puisque souvent il comprend une liste alphabétique et une systématique, les auteurs diraient « conceptuelle ».

Pour le classement des « titres » de personnes, il ne faudra pas suivre l'ouvrage, qui recommande de placer les titres de dignité toujours entre parenthèses à la suite du nom et avant le prénom. On classe ainsi les grades, les titres universitaires (Dr), nobiliaires (Cte) ou ecclésiastiques (abbé), mais la dignité quant à elle, se rejette après la parenthèse : Juin (Alphonse), maréchal de France, Lustiger (Jean-Marie), cardinal. On ne met jamais Excellence, Altesse, Eminence.

Méthodes

La deuxième partie « Principes et méthodes » n'occupe que le quart du livre. Cette partie a été rédigée très clairement et, cette fois, le catalogueur ne la critiquera pas. On devra l'indiquer sans arrière-pensée aux collaborateurs débutants pour classer leurs dossiers administratifs. Mme Curcio se dit navrée d'avoir vu chez un notaire parisien des piles de dossiers en attente au pied des murs, sur les chaises et même sur les radiateurs... Formons le voeu que, grâce à elle, on n'en voit pas dans les bibliothèques dont certaines manquent par trop de place. Mme Curcio traite successivement du classement alphabétique, du classement numérique, y compris le classement décimal, du classement chronologique qui n'est pas un classement de livres, mais de courrier et de dossiers administratifs ; quant au chapitre sur le « classement conceptuel analytique », on devra le lire, mais il apportera beaucoup moins ; comme le dit fort justement Mme Curcio : « plus un type de classement est compliqué, moins il est logique et moins il est utilisable ». Peut-être n'utiliserons-nous pas beaucoup le dernier chapitre : « Ce qu'il faut savoir pour bien classer», l'auteur précise : « Savoir lire, écrire, compter, connaître l'orthographe, et la grammaire... ». Cela va de soi et ne mérite pas un chapitre. Reconnaissons à cette 2e partie l'attrait de la clarté. Le « Dictionnaire » n'est pas exempt d'abstraction, alors que les « Principes et méthodes » sont bien plus concrets.

Une bibliographie de 10 entrées termine l'ouvrage. Les auteurs ne cachent pas que certains de ces ouvrages ne sont pas aptes à faire aimer le classement, nous ne les indiquerons donc pas à des débutants, l'ouvrage de Mmes Chauvin et Curcio leur sera plus utile, avec quelques réserves, mais si nous avons un cours à faire sur le classement. nous l'apprécierons.

En conclusion, il nous semble peu facile de porter un jugement équitable sur cet ouvrage. Il y a des articles utiles et excellents dans le « Dictionnaire », nous les avons signalés, il y en a beaucoup qui ne conviennent pas aux bibliothécaires et qui sont inapplicables au traitement des livres d'une bibliothèque, affaire plus compliquée que ne le pensent les auteurs. Enfin, il y a des articles inutiles et des redondances. Cependant, lorsque l'on a fait le nécessaire tri, on apprend beaucoup à la lecture du livre qui a l'avantage de nous rappeler des notions apprises, certes, mais bien souvent oubliées.