La croisade de l'Albigeois

Formation de la Bibliothèque d'Albi, 1790-1815

Nicole Le Pottier

De 1790 à 1815, un homme, Jean-François Massol, ancien syndic du Chapitre de la cathédrale Sainte-Cécile d'Albi, rassemble et organise les collections de ce qui constituera la bibliothèque publique de la ville. Du dépôt littéraire à la bibliothèque municipale en passant par la bibliothèque de l'Ecole centrale, l'auteur retrace les origines de la bibliothèque, ainsi que les principes qui ont présidé à son administration. Pris entre les intérêts locaux et les directives pas toujours réalistes du Bureau parisien de la bibliographie, J.-F. Massol fit des choix décisifs, parfois lourds de conséquence, et dut faire preuve d'une grande ténacité pour résoudre les importants problèmes matériels, mais également politiques qui se posaient à lui. A travers l'histoire de la bibliothèque d'Albi, c'est l'histoire des bibliothèques françaises en général qui est évoquée ici. Ce sont également quelques aspects de la condition de bibliothécaire à l'époque révolutionnaire qui sont présentés au travers de la vie de ce professionnel albigeois.

Between 1790 and 1815, a man, Jean-François Massol, the former syndic of the Chapter of Sainte-Cécile cathedral in Albi, collects and organizes the collections of the future public library. The author recounts the origins of the library and the guidelines of its management, from the deposit to the library of the Ecole centrale and the municipal libraries. Caught between the local interests and the often unrealistic instructions of the bibliography department in Paris, J.-F. Massol made decisive choices, sometimes fraught with consequences, and had to solve serious problems, material as well as political. The library of Albi is the representative example of the French libraries history. This article also reveals the living conditions of the librarians at the time of the Revolution.

« Il y a déjà quelque temps que, me voyant presque octogénaire, j'ai cru devoir quitter le monde avant qu'il ne me quittât : aujourd'hui, les premières rigueurs de l'hiver m'avertissent impérieusement qu'il faut renoncer à tout ce qui m'a le plus attaché à cette vie, pour ne m'occuper que de cette vie future. Telle est surtout la Bibliothèque qui m'est confiée et que je ne puis avoir formée avec des matériaux insignifiants, que par des soins et des sacrifices que j'ai peine à concevoir moi-même. [...]

Quoiqu'il en soit je la dépose aujourd'hui en vos mains, Monsieur le Préfet. [...] Mon seul regret, je vous l'avoue, Monsieur le Préfet, serait de voir cette Bibliothèque vraiment précieuse exposée aux dangers de la dilapidation. »

Testament professionnel d'un bibliothécaire. Jean-François Massol, l'auteur de ces lignes, est très âgé, mais les « premières rigueurs de l'hiver » ne sont pas la vraie raison de son retrait. Nous sommes en décembre 1815. L'administration de Louis XVIII règle ses comptes avec les hommes de la Révolution, et particulièrement avec ceux que les Cent-Jours viennent de remettre en avant. Massol est de ceux-là : il faisait partie de ce conseil municipal d'Albi éphémère et le nouveau maire, Louis-Raymond de Rosières, vient de le mettre, poliment mais fermement, dehors. Dans cette lettre au Préfet, Massol tente de sauver l'oeuvre de sa vie, la Bibliothèque, et celui qui l'a aidé, M. Toulze. L'une et l'autre seront « sauvés ».

Vingt-cinq ans plus tôt, le 27 août 1790, M. Féral, officier municipal d'Albi, et son greffier parcourent les salles du Chapitre de la cathédrale Sainte-Cécile pour faire l'inventaire des biens mobiliers. Dans leur rapport, ils notent l'observation suivante : « La Bibliothèque, provenant de la libéralité de quelques membres du Chapitre, n'est encore qu'une collection de livres trop peu considérable pour la rendre publique. Cependant les sommes que le Chapitre y a employées depuis neuf ou dix ans et les intentions généreuses de quelques particuliers, soit de l'Eglise, soit de la ville, faisoient espérer que dans peu le public pourroit partager l'utilité de cette bibliothèque pour laquelle le Chapitre avoit déjà disposé un bâtiment. [...] Ajoutons que les autres bibliothèques de cette ville, et notamment celle de l'Archevêché, pourroient servir, par échange ou autrement, à former une bibliothèque publique et considérable dans Alby. » De tous les rapports, celui qui concerne la bibliothèque du Chapitre est le plus riche en informations quantitatives et qualitatives. On a montré au commissaire une bibliothèque bien classée, on lui a présenté longuement, et sans doute avec fierté, ses richesses. Le guide de M. Féral est le syndic du Chapitre : en 1790, cette charge est assurée par le chanoine Jean-François Massol.

Le temps des dépôts littéraires : 1790-1795

Les commissaires envoyés dans les établissements ecclésiastiques albigeois de mai à août 1790 relèvent la présence de 9 500 volumes. Une nouvelle tournée en 1791 fait monter le nombre à 10 853 volumes imprimés et 128 manuscrits. Ils proviennent de quatre établissements monastiques (Cordeliers, Dominicains, Carmes et Capucins), du Chapitre métropolitain, de l'Archevêché et du Séminaire. Manquent à l'appel les ordres féminins et le Chapitre de Saint-Salvi.

« Divitias miseras »

Il est malaisé de cerner la physionomie de chacune des bibliothèques, car les sources sont lacunaires, contradictoires, voire absentes. Les données chiffrées sont soumises à des variations qu'on peut difficilement maîtriser faute de savoir à qui ou à quoi les attribuer. Le compte rendu de la visite du couvent des Carmes en mai 1790 relève l'existence d'une bibliothèque « composée de plusieurs vieux livres en plusieurs formats, sçavoir l'Ecriture Sainte, les Sts Pères et les théologiens ; ces ouvrages sont tronqués. Elle consiste en trois cents deux volumes, sans qu'il y ait aucun manuscrit. » Un tableau récapitulatif dressé après les mises sous scellés de janvier 1791 tempère cette vision misérable en annonçant 1 112 volumes. Ce deuxième ordre de grandeur est le plus vraisemblable, puisqu'en l'an III, on attribue 1 330 volumes à cette provenance. Que s'est-il passé ? Les commissaires de 1790 ont-ils mal compté ? Ont-ils noté sans vérification un chiffre erroné qu'on leur donnait ? Ou bien leur a-t-on dissimulé une partie de la collection ? Le chiffre global, lui, varie dans des proportions moindres : la baisse qu'on peut constater entre le total de 1791, 10 853, et le nombre avancé en 1795, 8 726, témoigne sans doute de l'avancement des travaux de triage et donc de mise au rebut des exemplaires inutilisables comptabilisés auparavant.

Le contenu de ces collections de livres est encore plus difficile à caractériser. Si les bibliothèques du Chapitre et de l'Archevêché présentent une organisation « évoluée » (classement méthodique) et donnent lieu à des inventaires chiffrés des matières représentées et de leur poids respectif, les commissaires ne rapportent que des informations vagues des autres établissements. Ils rendent compte d'ensembles en vrac ou grossièrement classés selon des catégories purement matérielles : formats ou même types de reliures (basanes, parchemins). « Nous étant ensuite transportés avec lesdits religieux [Dominicains] dans leur bibliothèque, nous avons vérifié qu'il y a deux mille cinq cent quatorze volumes de différents formats et sur toutes sortes de matières, lesquels livres sont confondus en sorte qu'il n'a pas été possible d'en faire un état détaillé, lesdits religieux nous ayant déclaré qu'ils n'ont point de catalogue desdits livres... ». Faute d'avoir conservé les catalogues par provenances dressés par les commissaires bibliographes entre 1790 et 1795, il est nécessaire d'avoir recours à d'autres moyens pour connaître les livres possédés par chacune de ces bibliothèques. Ce ne sont que de très imparfaits palliatifs, qui ne permettent que des aperçus impressionnistes. L'étude des ex-libris fournit des indications intéressantes, mais très partielles. Ils ne concernent que 8 à 20 % (suivant les bibliothèques) des fonds comptabilisés en 1795. L'image des collections qui se dégage ainsi nous est transmise à travers plusieurs filtres déformants : d'une part, tous les livres d'un établissement ne portent pas son ex-libris, d'autre part l'ensemble des livres conservés de nos jours ont survécu à des tris successifs. On peut néanmoins, par le biais des ex-libris, recueillir quelques impressions sur ce qui pouvait constituer l'originalité et l'intérêt de chaque bibliothèque.

Comme on s'en doute, les situations des bibliothèques, à l'image des communautés dont elles relevaient, étaient contrastées. Les établissements monastiques, en crise depuis de longues années, s'étaient dépeuplés et la physionomie de leur bibliothèque, témoignage d'une ancienne splendeur, contraste avec celle d'institutions plus vivantes, comme le Chapitre métropolitain ou l'Archevêché. Les premières ont des collections riches en nombre, mais le poids des livres anciens y est plus fort. Dans les secondes, on trouve une proportion de livres récents plus importante. La bibliothèque des Dominicains est l'une de ces bibliothèques qui, en 1790, ont leur avenir derrière elles. Elle est surtout riche en livres du XVIe siècle. Ses points forts sont assez logiquement la théologie et l'exégèse médiévale de la philosophie aristotélicienne, mais elle contient également des éditions humanistiques de la littérature gréco-latine et des ouvrages d'histoire.

Les ex-libris dénotent également le mode de constitution de ces collections. La bibliothèque des Dominicains est une véritable bibliothèque collective, instrument au service d'une communauté et constitué par elle, semble-t-il. A l'opposé, la bibliothèque de l'Archevêché est composée de la juxtaposition des bibliothèques privées laissées à leurs successeurs par plusieurs évêques. Cette pratique a été en quelque sorte institutionnalisée dans la deuxième moitié du XVIIe siècle par le testament de Gaspard Daillon du Lude : « Je donne et lègue ma bibliothèque à mes successeurs évesques pour demeurer à perpétuité dans l'evesché, à la charge qu'il y metra un eclésiastique qui sera teneu de l'ouvrir ladite bibliothèque, laquelle sera plassé dans un lieu propre pour cella ou tous les lundis, mecredis et vandredis de chaque sepmaine depuis midi jusques à quatre heures, affin que les religieux, prêtres et autres de la Vile ayent la liberté d'y entrer et di estudier sans que pour quelque ocasion que ce soict, il soict permis dan transporter auqun livre à paine de révocation et nullité dudit legs, et à la charge aussy que mes successeurs y metront tous les ans de livres pour cent esqus affin de la randre complète ».

Après celle de Daillon du Lude, la bibliothèque d'un autre archevêque, Hyacinthe Serroni, est venue enrichir les collections. Ces deux composantes de la bibliothèque de l'Archevêché sont les seules connues d'après les ex-libris. Conjointes, elles représentent plus d'un cinquième des livres saisis à cet endroit en 1790 ; on peut donc estimer qu'elles ont eu une influence importante dans l'orientation de cette bibliothèque. Une bibliothèque privée comporte deux sortes de livres : les livres professionnels et ceux qui relèvent des intérêts personnels de chaque individu. Ici le premier cadre est bien sûr religieux : les deux collections renferment une très forte proportion de livres de cette matière, avec une orientation plus marquée vers l'éloquence, la spiritualité et l'histoire sainte que vers la théologie. Les traits relevant du second ordre sont par essence variés : historiens grecs et latins, astronomie et sciences annexes, histoire récente chez Daillon du Lude, tandis que Serroni marque un intérêt certain pour l'histoire, les descriptions de pays lointains et dans une moindre mesure pour les domaines scientifiques, astronomie et médecine.

La bibliothèque du Chapitre cathédral est sans doute la plus intéressante : elle possède une collection de livres témoignant de l'activité intellectuelle, surtout religieuse bien entendu, des dix siècles écoulés.

L'action des commissaires bibliographes

Les quelques indications, fournies par l'étude des marques de provenance des livres légués à la bibliothèque actuelle par l'époque révolutionnaire, ne suffisent sûrement pas à rendre compte des dix mille volumes face auxquels se trouvèrent les premiers commissaires bibliographes au début de 1791. Mais comme, à cette époque-là, ils n'avaient pas le souci de l'utilisation possible de ces volumes, du moins au plan local, ces derniers ne semblent pas s'être préoccupés d'avoir une vision globale des fonds qui leur étaient confiés.

En février 1791, sur les conseils de Massol, un de ses collègues, le chanoine Jérôme Artaud, est chargé des livres confisqués. Pendant quinze mois, il va s'employer à mener à bien la tâche définie au plan national : répertorier tous les livres, bibliothèque par bibliothèque, afin d'alimenter le catalogue national. C'est l'époque des cartes à jouer 1. Artaud et son aide travaillent beaucoup. En octobre 1792, ils ont fait parvenir à Paris les fiches de 12 037 volumes. Suivant les instructions, Artaud a également constitué le catalogue de chacun des fonds sur des cahiers séparés. Quand, à la fin de 1792, il met fin à ses fonctions de commissaire bibliographe pour se consacrer à ses affaires personnelles, il a « ficheté » l'ensemble des bibliothèques ecclésiastiques, ou peu s'en faut. Du point de vue matériel, il s'est efforcé de mettre les livres à l'abri, c'est-à-dire de les regrouper dans un local convenable. La question était délicate, à une époque où les nouvelles administrations se disputent l'espace sans trêve. Pendant un moment, il a pu disposer de salles à l'Archevêché. Mis à la porte, il a fait transporter les livres dans les cellules de l'ancien couvent des Carmes, où il les a entassés du plancher au plafond et sur plusieurs rangs d'épaisseur, classés selon l'ordre dans lequel il les traite, c'est-à-dire par provenance.

Après le départ d'Artaud, la suite du travail est assurée par divers prêtres constitutionnels appartenant à l'entourage de l'évêque. Il s'agit d'inventorier les livres saisis chez les prêtres insermentés ou chez les émigrés. Une orientation nouvelle est suivie : on ne se contente pas de ficheter, on commence à trier les livres pour mettre de côté les livres abîmés ou par trop incomplets. C'est une période où les bonnes volontés ne manquent pas, mais trop de gens se succèdent pour être efficaces. La stabilité revient en mars 1795, quand Jean-François Massol se voit confier le dépôt littéraire.

Guère autre chose qu'un amas indigeste...

A son arrivée, Massol hérite d'une situation compliquée par les initiatives un peu désordonnées de ses prédécesseurs. Les fonds ont été mélangés par les opérations de triage et se trouvent matériellement à deux endroits différents. Les livres en bon état ont été transportés à l'ancien Archevêché et placés dans la galerie où se trouvait la bibliothèque des archevêques. Là, on a commencé un nouveau tri pour retirer les exemplaires multiples, qui ont été entreposés à proximité. Dans les cellules des Carmes se trouvent les livres mis au rebut, ainsi que la grande masse des fonds non encore examinés. Pour s'y retrouver, Massol ne dispose que des cahiers par provenance. Sa première tâche est de faire le point sur le contenu du dépôt littéraire et d'évaluer le poids de chacune des matières représentées, première étape pour atteindre le but fixé : faire du dépôt littéraire une bibliothèque. Il a souvent évoqué par la suite, et avec une sévérité accrue par le recul du temps, l'impression générale que donnait le dépôt littéraire, « guère autre chose qu'un amas indigeste de Théologie, de Droit canon, en un mot, de science ecclésiastique... ». Dans une lettre au procureur du district, il dresse un tableau plus circonstancié : « Dans tout cela, beaucoup de bouquins, beaucoup de livres mal tenus et frippés, pièces de rapport venues de divers dépôts et pourtant trop semblables, surtout en ce qui concerne la théologie et la science dite ecclésiastique, de laquelle nous aurions beaucoup à regorger: " divitias miserias " d'Horace. L'Histoire a d'assez bons fondemens plus dans le genre ancien que dans le moderne. Le Droit ne manque que dans la partie aujourd'hui la plus intéressante, celle du droit des gens, du droit public. Et quant aux sciences, aux arts et à la littérature, il faut convenir, qu'ayant plusieurs antiquailles, nous seront fort pauvres quand une fois Solages 2 aura retiré ses livres presque tous excellents et pour le fond et pour la forme ».

Naissance d'une bibliothèque publique

En 1795, le projet de mettre une bibliothèque publique à la disposition des Albigeois n'est pas une idée neuve. A la fin du XVIIe siècle, l'évêque Daillon du Lude y songeait déjà, on l'a vu. Les suites n'ont pas dû être à la mesure de ses dispositions testamentaires, puisque cette préoccupation est reprise à la veille de 1789 par le Chapitre, comme le rappelle Massol aux commissaires en 1790. Cette suggestion trouve un écho auprès du Conseil de district d'Albi qui, le 24 septembre de la même année, émet le voeu qu'« il soit formé dans la ville d'Alby une bibliothèque publique et générale par la réunion de toutes les bibliothèques particulières devenues nationales ». On prévoit qu'il faudra créer une place de bibliothécaire « avec des appointements modérés mais suffisants » et trouver une salle commode pour installer la bibliothèque. Ce voeu remonte à l'Assemblée, mais rien ne se passe à l'époque.

Lorsque Massol prend en charge les dépôts littéraires cinq ans plus tard, c'est toujours dans la perspective d'organiser une bibliothèque publique. Dans son travail, c'est à cet objectif local qu'il accorde tout son temps, malgré les sollicitations du Comité national d'instruction publique, qui réclame maintenant un catalogue général de chaque dépôt de district. Avec son aide Dufay, Massol remue inlassablement livres et poussière. Il a jeté son dévolu sur la belle salle voûtée installée autrefois par Daillon du Lude pour sa bibliothèque. Là, sur une grande table, il examine et sélectionne, puis il commence à disposer sur des rayonnages les premiers éléments d'une bibliothèque choisie.

L'impulsion décisive vient pourtant d'ailleurs. Albi obtient l'Ecole centrale du Département du Tarn. C'est une revanche importante sur la ville rivale de Castres qui, en 1790, lui avait soufflé le chef-lieu de département. Cette création accélère la formation de la bibliothèque publique. Massol, qui fait déjà partie du Jury départemental d'instruction, est chargé de la mettre à la disposition des professeurs et des élèves de l'Ecole centrale d'abord, puis de la population albigeoise dans un deuxième temps.

Trier et aménager

Transformer les « immenses et poudreux matériaux » du dépôt littéraire du district d'Albi en Bibliothèque centrale du département du Tarn supposait d'abord de venir à bout du long travail de tri. Les critères étaient de trois ordres. Le plus évident était l'état matériel des livres. Les livres abîmés ou tronqués « juste bons à faire du carton » sont impitoyablement mis au rebut. Ensuite, on extrait les doublures pour les disposer dans une salle attenant à la bibliothèque. Cette collection de doubles est classée avec soin et Massol attend avec impatience de pouvoir les échanger. Le tri ultime est d'ordre intellectuel : il consiste à sélectionner la meilleure édition d'une œuvre.

Les locaux jouent ici un rôle important. Les derniers livres restés aux Carmes ont été apportés à l'Archevêché en 1795. Massol dispose de deux galeries, le « grand vaisseau » pour la bibliothèque, une deuxième galerie pour les doubles et le rebut, ainsi que d'une salle polygonale pour accueillir le public. Il obtient des fonds du département pour remettre en état ce qui doit l'être et fait notamment remplacer tous les carreaux de la galerie des doubles, endommagés par « la fameuse grêle de l'an III ». Il adresse des notes circonstanciées à l'administration départementale sur ses besoins en papier et plumes ; il réclame également quelques améliorations dans le confort des lieux, une provision de bois et du charbon par exemple, car « ce n'est pas tout que d'avoir des vitres dans l'hiver, quand on manie des livres: il faut aussi de tems en tems, se réchauffer les doigts... ». Plus tard, il demande qu'on lui remplace les cheneaux, réquisitionnés pour faire des gargousses, parce que « le beau vaisseau exposé à tous les vents n'est plus garanti des eaux pluviales quand elles sont poussées avec quelque violence contre les ouvertures... ».

Penser/Classer

La mise en place de l'Ecole centrale dans le courant de 1796 a contraint Massol à brûler les étapes. Il a dû ouvrir la bibliothèque aux professeurs et aux élèves avant qu'elle ne soit parfaitement en ordre. Sentant « combien il étoit avantageux que les professeurs de l'Ecole centrale connussent, par un simple coup d'œil, tous les ouvrages relatifs à leur enseignement », il organisa d'abord les Sciences et Arts, puis les Belles-Lettres, menant de front classement des livres sur les rayons et confection d'un premier catalogue. Enseignants et enseignés purent d'ores et déjà utiliser la bibliothèque, mais ce n'est qu'en 1797 que Massol la jugea prête à accueillir les Albigeois.

Les instructions préconisaient une classification se calquant sur l'organisation des enseignements de l'Ecole centrale. Massol mit sur pieds sa propre classification. Les systèmes bibliographiques - pour reprendre la terminologie de l'époque - furent abondamment débattus durant ces années-là. Le système traditionnel du régime ancien, qui mettait la théologie avant toutes les autres disciplines, devait être remplacé par une classification reproduisant l'ordre naturel. Restait à s'entendre sur le « naturel ». Des annotations de la main de Massol, sur un exemplaire du Cours élémentaire de bibliographie du bibliothécaire de Marseille C.-F. Achard, apportent quelques indications sur ses conceptions du rôle des classifications et de l'ordre naturel des connaissances ; elles viennent compléter les commentaires qu'il a faits lui-même de sa propre classification 3.

Le premier rôle et la première qualité d'une classification est d'exister, c'est-à-dire de permettre de retrouver des livres dans une bibliothèque. Massol note ainsi à propos du système de Peignot, qui s'appuie sur l'arbre des connaissances de Bacon repris par Diderot et d'Alembert : « Ce système encyclopédique figure fort bien dans un tableau des connaissances humaines, mais il est impraticable sur un catalogue de livres et plus encore dans l'organisation d'une bibliothèque... ». Avec Armand Camus 4, il pense qu'on ne peut prétendre « influencer les hommes par un moyen tel que l'arrangement des livres ». Il estime donc fonder sa classification non sur une idéologie particulière, mais sur une double articulation : les enseignements que l'on vient chercher dans une bibliothèque et l'enchaînement des connaissances humaines. Cette dialectique entre bibliothéconomie et théorie de la connaissance, qui fait de la fréquentation d'une bibliothèque un parcours initiatique, se retrouve dans les systèmes bibliographiques proposés à cette époque. La bibliothèque de Lyon propose une classification reposant sur les différents âges de la vie : les Belles-Lettres pour la jeunesse, l'Histoire pour l'adolescence, les Sciences et Arts pour l'âge mûr, etc. « je laisse à décider si ces gradations appuyées sur l'échelle des âges divers sont des distinctions solidement fondées et surtout si l'Histoire n'est pas la leçon de tous les âges?... », commente-t-il en marge. La classification de la bibliothèque d'Albi est en quelque sorte une reconstitution de l'histoire intellectuelle du monde. Elle suit les étapes de la formation de la conscience humaine et de l'émergence des différentes connaissances ou activités, plaçant en tête les langues, puis les religions, le droit, les sciences et arts et enfin l'histoire. Le classement interne de cette dernière division l'oblige à sacrifier la théorie au bénéfice de la finalité pratique, à savoir « la facilité de trouver promptement la série des matériaux de même espèce ». Il n'est plus question de mettre, comme auparavant, l'histoire ecclésiastique avant l'histoire profane, car « toute Eglise est dans l'Etat qui l'a reçue et non l'Etat dans l'Eglise ». La logique aurait voulu que l'on classât l'histoire religieuse à la suite de l'histoire civile de chaque Etat, puisqu'il est « impossible de connoftre parfaitement l'histoire d'un pays sans en examiner en même tems les mœurs, les loix, les coutumes et par conséquent les opinions religieuses ». Mais comme cette classification doit servir au classement matériel des livres, Massol préfère une solution plus commode : il regroupe toute l'histoire religieuse à la suite de l'histoire civile.

La place de la bibliographie est l'objet de discussions particulières. Par un réflexe d'auto-révérence assez naturel, beaucoup de bibliothécaires l'ont placée en tête des systèmes bibliographiques, en invoquant quelquefois le parcours naturel dans les collections d'une bibliothèque, dont elle serait comme une table des matières. C'est également au nom de la progression de cette initiation que Massol se demande si « ceux qui entrent dans une bibliothèque sans rien savoir commenceront leur étude par la bibliographie qui suppose des connaissances acquises que négligent toute leur vie plusieurs écrivains, d'ailleurs très estimables ». Aussi place-t-il cette discipline à la fin de son système parmi les paralipomènes - nous dirions les sciences auxiliaires - historiques.

Développement des collections

Tandis qu'il organise le fonds de livres existant, Massol songe à l'enrichir et à le compléter. Encouragé par les consignes officielles, il dresse à plusieurs reprises la liste des livres qu'il souhaiterait voir figurer sur les rayons. Les instructions concernant la mise en place des bibliothèques d'Ecoles centrales conseillent de mettre à contribution les dépôts littéraires des autres villes du département. Massol n'a pas souhaité recourir à ce procédé. « Malgré cela, je persiste à croire qu'il faut agir avec beaucoup de discrétion, de réserve et de fraternité envers les communes qui possèdent des dépôts ou des bibliothèques de quelque importance », écrit-il pour justifier ses réticences. En revanche, il tient beaucoup à deux autres moyens d'enrichir les collections : récupérer la bibliothèque du Cardinal de Bernis 5 d'une part, être d'autre part autorisé à utiliser les doubles ainsi que les exemplaires incomplets ou inintéressants comme monnaie d'échange. Il obtiendra l'un et l'autre, mais il lui aura fallu beaucoup de persévérance.

Priorité aux Arts et Métiers

Le préambule à un Catalogue des livres qui conviennent à une bibliothèque publique et qui manquent à celle du district d'Albi, envoyé au Ministère en 1794 ou 1795, trace les grandes lignes d'une politique d'acquisition. Il s'agit de faire correspondre le contenu d'un fonds, au départ inadéquat, - « une grande abondance, ou plutôt une vraye redondance de livres propres à cet état [ecclésiastique], [...] une véritable disette de ceux qui sont nécessaires aux autres états ou professions » - aux objectifs de la bibliothèque. Ceux-ci sont universels : « Comme le but qu'on se propose dans une bibliothèque publique est de perfectionner la raison humaine en augmentant les masses des Lumières et les faisant circuler dans toutes les classes des citoyens, il est indispensable que toutes puissent trouver des secours, et qu'elle fournisse à chaqun des moyens pour agrandir ses connaissances individuelles ». Un effort particulier sera fait en direction de « ceux qui ont le plus droit aux secours que peuvent procurer les dépôts publics dinstruction » : « la classe nombreuse et infiniment utile des arts et métiers ». Le premier domaine à enrichir sera donc celui des livres techniques pour les artisans et les agriculteurs. Les autres domaines qu'il juge nécessaire de renforcer sont essentiellement le droit, qui vient de se renouveler considérablement, la médecine, la littérature grecque et latine (l'Ecole centrale a besoin d'éditions commentées et de traductions), les sciences exactes, l'histoire récente.

La mise en application de ces principes de base peut s'observer à travers le compte précis des échanges et achats de livres entre 1797 et 1803, qui figure à la suite d'un exemplaire du catalogue méthodique de la bibliothèque. A cette époque où l'on ignorait les crédits d'achat, le développement des collections mêlait étroitement éliminations et acquisitions. Massol a donc puisé suivant les cas dans les doublures ou dans le « fatras théologique et canonique dont les trois quarts ne serviront qu'à l'épicier ». Ses partenaires furent des particuliers lettrés de la ville, des imprimeurs et des libraires d'Albi ou de Toulouse. Il a ainsi suivi une partie de son programme au gré des disponibilités et des occasions rencontrées. La classe des sciences et arts a le plus bénéficié de cet accroissement (50 % des titres acquis). Massol s'est efforcé, comme il le projetait, de fournir des livres techniques à la population active d'une région « agricole et manufacturière ». Il n'a eu de cesse d'obtenir la Collection des arts et métiers publiée par l'Académie des Sciences et, en 1813, il persuadait le Conseil général de financer cet achat. Pendant le Blocus continental, on a essayé de relancer la culture des plantes tinctoriales dans l'Albigeois et la bibliothèque a apporté sa pierre à l'édifice en acquérant des livres sur le sujet. Mathématiques, physique et chimie ont été renforcées par des livres destinés à l'enseignement de l'Ecole centrale.

Un regard contemporain

Un autre secteur appartenant également aux sciences et arts, la philosophie, comportait des lacunes ; Massol l'a enrichi en faisant entrer les oeuvres des philosophes des Lumières, trop négligés par les bibliothèques conventuelles albigeoises. Le dépôt littéraire possédait les oeuvres des auteurs grecs et latins, mais dans des éditions mal adaptées aux besoins des élèves de l'Ecole centrale. Plutôt que les éditions humanistes du XVIe siècle, il leur fallait des textes accompagnés de la traduction, ainsi que des commentaires renouvelés. Massol a donc fait activement rechercher les éditions modernes.

Ce même souci d'offrir un regard contemporain est manifeste dans les acquisitions en histoire et géographie. Dans une liste de 1811, il note « Il paraît en janvier deux volumes de la Géographie de Malte-Brun qui vraisemblablement vaudra mieux que tout ce qui existe jusqu'ici en ce genre et pour l'acquérir à la bibliothèque, on pourrait sacrifier une foule de géographies élémentaires qui n'y font rien et encombrent la bibliothèque... ». Moderniser le rayon d'histoire, c'est proposer des livres qui apportent un éclairage neuf sur l'histoire d'un pays, mais c'est aussi acquérir les livres qui font le point sur les événements récents. Ainsi Massol fait-il figurer sur sa liste les Essais historiques sur les causes et les effets de la Révolution de Claude-François Beaulieu, ouvrage qui « passe pour aussi impartial qu'il soit possible dans des tems si voisins de ladite Révolution ; en outre il est moral et bien écrit ».

Des choix discutés

« Je ne m'en serais jamais défait, mais je voulais fonder à Albi une bibliothèque utile et je ne devais pas comme un bibliomane m'enthousiasmer pour des antiquités, et croyez bien que, si j'eusse continué d'entasser des doublures théologiques, canoniques et liturgiques, avec une douzaine de bouqins insignifiants, dont je tirai un si bon parti, aujourd'hui, au lieu de recevoir le beau et précieux ouvrage d'Egypte, il y a grande apparence que ma bibliothèque ne serait plus qu'un dépôt dans l'oubli ».

Massol dut, alors même qu'il n'était plus bibliothécaire, justifier son administration. On lui a notamment reproché pendant de longues années d'avoir échangé des manuscrits médiévaux contre des livres modernes. Le fait est indéniable : une dizaine de manuscrits, dont certains avaient été acquis par Massol sur ses propres deniers tandis que les autres provenaient du dépôt littéraire, sont allés rejoindre la collection de l'amateur toulousain M. de Mac-Carty. Massol obtint en contrepartie des livres modernes, dont notamment une collection importante de classiques variorum et l'Histoire naturelle de Buffon. Ses détracteurs laissaient entendre que, par incompétence, il avait laissé dépouiller sa bibliothèque de ses plus beaux fleurons. Cette réputation de naïveté l'a longtemps suivi.

Cette affaire, que l'on peut actuellement examiner avec la sérénité du recul, mérite qu'on s'y attarde, car elle permet de bien cerner les priorités d'un bibliothécaire de cette époque. Méconnaissance de la valeur des manuscrits ? On peut en douter. Massol évalue à 5 733 F la valeur des livres qu'il a acquis par cet échange ; or, quelques années plus tard, lors de la vente de la collection MacCarty, les manuscrits d'Albi sont adjugés pour un total de 1 875 F. Il a par ailleurs très bien su défendre la bibliothèque contre le peu scrupuleux citoyen Prunelle, qui faisait le tour des bibliothèques pour enrichir les collections de l'Ecole de médecine de Montpellier. La plupart des manuscrits dont Massol s'est séparé sont de la fin du Moyen Age ; trois comportaient de nombreuses enluminures. Presque tous sont ce que Massol appelle des « doublures théologiques, canoniques et liturgiques » - doublures, parce que la bibliothèque en possédait des éditions meilleures et plus utilisables, puisqu'imprimées. Massol se défend d'être un collectionneur de livres curieux ; il constitue une bibliothèque pour ses concitoyens : élèves et professeurs de l'Ecole centrale, Albigeois cultivés, mais aussi pour la classe très utile des arts et métiers. Il amasse donc des textes et non des objets, c'est un bibliothécaire et non un bibliomane (cf. encadré). Sa quête de livres utiles l'amène donc à sacrifier ce qu'il juge le moins intéressant. Il y est contraint par le défaut de moyens d'acquisition autres que la vente et l'échange. Parmi les antiquités, ce qui l'intéresse le moins, ce sont les manuscrits qui ne valent que par leur illustration. En revanche, son catalogue le montre plus déférent envers les manuscrits très anciens, ou ayant une origine albigeoise ou un lien avec ce pays.

De quelques aspects de la condition de bibliothécaire

Plusieurs lettres adressées par Jean-François Massol aux administrateurs du Tarn en 1797 abordent l'épineux problème de son traitement 7. Malgré les promesses, il a travaillé gratuitement au temps du dépôt littéraire. Lorsqu'il est nommé bibliothécaire, il revient à la charge avec insistance. Le bénévolat n'a qu'un temps : « Et certes, écrit-il, il serait trop singulier, même à vos propres ieux, qu'un particulier [...] consumât non seulement ses forces, mais son plus absolu nécessaire à organiser une Bibliothèque publique, pour le seul plaisir d'en devenir responsable ». Il insiste d'autant plus fermement qu'il fait partie d'une institution, l'Ecole centrale, dont les autres membres touchent, avec retard mais plus facilement que lui, des émoluments. A chacune de ses demandes, il rappelle les engagements qui avaient été pris : « Je vous remercie de la justice que vous m'avez rendue pour celui [le traitement] de nivôse, mais j'ose croire que je ne serai pas importun, en vous faisant observer ici que vous n'avez pas rétabli encore, autant qu'il est en vous, l'égalité de traitement qui doit exister entre les professeurs et le Bibliothécaire ». Massol ne comptait pas sur cela pour vivre, cela n'était pour lui sûrement qu'un revenu d'appoint. L'enjeu principal était ailleurs : recevoir un traitement, c'est d'abord voir son travail reconnu. Son insistance à être traité à égalité avec les enseignants peut sans doute se comprendre comme le souci de marquer son professionnalisme. Encore fait-il remarquer que ses « services remontent à une date plus reculée que [ceux des professeurs] et sont, de leur propre aveu, plus considérables ». D'autre part, il a besoin de cet apport régulier pour payer les personnes qui l'aident dans son travail. Il a gardé avec lui Dufay, qui l'a aidé à trier le dépôt littéraire, puis, après le départ de celui-ci, il « recrute » Toulze, un ancien prêtre devenu instituteur.

Son autre sujet de contrariété vient des demandes émanant de l'administration centrale et qui lui occasionnent des travaux supplémentaires, dont il ne reconnaît pas toujours le bien-fondé, ni l'opportunité. Il entend mener son travail à sa manière et à son rythme. Il accepte mal les critiques ou les relances qui arrivent de Paris, retransmises par des autorités locales soucieuses de ne pas paraître manquer de zèle. Ainsi, en 1795, au moment où il prend en main le dépôt littéraire, il réplique assez sèchement au Bureau des bibliothèques, qui trouve à redire de la façon dont il a effectué son dernier envoi de fiches. Il commente assez longuement le manque de précision et de continuité dans les directives adressées en Province. Dans l'historique de la bibliothèque, qu'il fait figurer à la fin des diverses éditions de son catalogue méthodique et que ses premiers successeurs recopieront pieusement à la fin des leurs, il distribue les mauvais points. « Cependant j'avoue ici que ces inconvénients [l'absence de rétributions jusqu'en 1797] ne pouvaient entrer en comparaison avec les inquiétudes toujours renaissantes que suscitait à l'Administration du district, le Comité de l'instruction publique, alors résidant à Paris. Ce n'est pas qu'il n'y eut, dans ce Comité, des hommes de lettres, des savans aussi bien intentionnés que profonds; mais tout dut me faire reconnaître qu'on avait mis sous leurs ordres une foule d'apprentis-bibliographes, qui, se croyant de grands maîtres, brouillaient, confondaient toutes les parties de leur ressort, au point que le Comité finit par s'y perdre lui-même... ». Le pire est atteint lorsque, Lakanal réclamant « par l'arrêté le plus impérieux » le catalogue de tous les dépôts littéraires, l'agent national du district d'Albi, malgré les protestations de Massol, envoya le seul exemplaire existant. Les choses s'arrangèrent quelques années plus tard, quand commencèrent à arriver les premiers envois de l'Etat. Massol obtint ainsi la concession de la première édition du Journal de voyage de La Pérouse, enfant du pays.

Le 3 messidor an XII, la municipalité d'Albi, qui vient de se voir confier la garde de la bibliothèque de la ci-devant Ecole centrale, confirme Massol dans son poste de Bibliothécaire. Le rapport des deux inspecteurs généraux de l'Instruction publique, venus préalablement vérifier que ces fonds pouvaient être mis à la disposition de la ville d'Albi, consacre le travail accompli par Massol :

« Considérant

1. que la Bibliothèque de l'Ecole centrale est confiée à un savant qui s'occupe de sa conservation et de son accroissement avec un zèle peu commun;

2. qu'elle est ouverte au Public au moins quatre jours de la semaine et qu'elle est très fréquentée [...] ;

Nous sommes d'avis que le Gouvernement fera une chose très favorable à l'instruction de tous les particuliers d'Albi : et principalement à celle des jeunes gens en concédant ladite Bibliothèque à ladite Commune. »

La triste fin de carrière de Jean-François Massol, évoquée en introduction, est aussi, paradoxalement, sa dernière victoire. En effet, la bibliothèque qu'il a formée (il préférait le mot de formateur à celui de créateur) lui survit, car son utilité est reconnue et son organisation assez solide. Toulze, qui lui succède peu après, s'est formé à son école, en mettant les catalogues au net sous sa dictée.

avril 1989

Sources

sur les dépôts littéraires

Les fiches envoyées à Paris ayant été perdues depuis, le contenu des bibliothèques « mises à la disposition de la Nation » ne nous est connu que par deux sources:
- Archives départementales du Tarn (Q 412), Inventaires des biens mobiliers des établissements religieux d'Albi (1790-1791), données globales, souvent approximatives ;
- Bibliothèque municipale d'Albi, Catalogue sur fiches des provenances (ex-libris, dédicaces), données partielles.

sur l'activité des bibliothécaires

Au sujet de l'activité des commissaires bibliographes, puis du bibliothécaire, et de leurs rapports avec les administrations de tutelle, on pourra consulter la série L des Archives départementales du Tarn, passim, pour la période 1790-1799, et la série 4T Bibliothèques, pour la période 1800-1815.

sur l'histoire de la bibliothèque

L'étude la plus détaillée concernant l'histoire de la bibliothèque à cette époque est à rechercher dans : Jolibois, Emile, « Les bibliothèques publiques dans le département du Tarn », Revue du Tarn, 1877-1878.

Les archives de la bibliothèque

La bibliothèque municipale d'Albi a également conservé de cette époque :
- les « éditions » successives du Catalogue Méthodique dressé par Massol, chacune d'elles contenant un Aperçu historique ;
- le Cours de bibliographie ou d'Histoire littéraire professé par Massol à l'Ecole centrale (Ms 135) ; ...et un fonds d'environ 10 000 livres et 130 manuscrits.

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Jean-François Massol, avant et après la bibliothèque

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Introduction au Plan bibliographique de la bibliothèque centrale du département du Tarn

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Les tribulations de la bibliothèque du Cardinal

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Publics

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Quelques définitions

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Annexe - Tout travail mérite salaire

  1. (retour)↑  Pour plus de renseignements, voir l'article d'Hélène RICHARD « Catalogue collectif et échange de documents : une utopie révolutionnaire ? », publié dans ce même dossier.
  2. (retour)↑  Le chevalier de Solages et son fils furent les premiers à exploiter les gisements de charbon de Carmaux à une échelle industrielle. Leur qualité de gentilshommes leur valut quelques ennuis sous la Terreur, ils furent emprisonnés et leurs biens confisqués. Le dépôt littéraire d'Albi reçut donc leur bibliothèque, dont le contenu essentiellement scientifique et technique venait combler des lacunes criantes. Massol dut, à son grand regret, restituer ces livres à leurs premiers propriétaires quelques années plus tard.
  3. (retour)↑  Cf. l'Introduction au Plan bibliographique de Jean-François MASSOL par lui-même, présentée en encadré.
  4. (retour)↑  Jurisconsulte et érudit français, archiviste de la Constituante, Armand CAMUS (1740-1804) constitua le dépôt des Archives nationales, dont il fut le conservateur jusqu'à sa mort.
  5. (retour)↑  Cf. « Les tribulations de la bibliothèque du Cardinal », présentées en encadré.
  6. (retour)↑  L'extrait d'une de ces lettres est présenté en annexe.