Documentation en astronomie

Anne-Marie Motais de Narbonne

Le colloque 110 de l'Union astronomique internationale s'intitulait LISA: Library and information services in astronomy. Il s'est tenu à Washington (DC) du 27 juillet au 1er août 1988 et a réuni près de 130 personnes de plus de 30 pays (un tiers d'astronomes, deux tiers de bibliothécaires environ), dont 6 Français et 24 personnes de la CEE. Rapportée à 350, nombre généralement retenu pour l'ensemble des centres de recherche en astronomie, cette participation prouve, à elle seule, l'intérêt que ce colloque a suscité. La publication des actes étant prévue dans les prochains mois, on ne trouvera ici que quelques impressions générales et commentaires personnels.

Il fut d'abord question de l'évolution des publications commerciales et des difficultés relatives à leur acquisition. Le nombre de pages des articles augmentant, le coût de la page étant plus élevé dans les revues spécialisées (tirage plus faible, fascicules plus petits), les raisons économiques sont en faveur des concentrations. Les éditions sur CD-ROM, l'édition électronique à la demande à partir de base d'articles ont été évoquées comme des possibilités relativement proches. Ces nouveautés seront-elles de nature à surmonter les différences organisationnelles qui font obstacle aux acquisitions, par les pays occidentaux et les pays plus étatiques, de leurs publications réciproques ? Les systèmes actuels d'acquisitions par échanges semblent trop globaux pour satisfaire les besoins des bibliothèques spécialisées. Les différences organisationnelles pourraient être, en effet, un facteur de plus en plus important en regard des différences de ressources. Dans des proportions certes très diverses, celles-ci deviennent partout insuffisantes pour satisfaire des besoins documentaires croissants par les seuls moyens locaux. Chacun devra donc, à des degrés très divers mais de plus en plus, avoir recours aux autres.

Les questions relatives aux classifications, au vocabulaire, aux thésaurus ne suscitent qu'un intérêt théorique en raison des différences culturelles et linguistiques qui s'opposent à leur uniformisation. On peut le regretter en ce qui concerne un projet assez avancé d'un thésaurus d'astronomie élaboré par 8 bibliothécaires anglophones, dans des perspectives d'utilisation très pratiques tant pour l'indexation locale que pour former une interface commune aux bases de données documentaires commerciales, dont l'accès direct est rendu difficile par leurs disparités de vocabulaire et de syntaxe.

Première nécessité : les échanges

Les bibliothèques d'astronomie sont pour la plupart des petites unités, souvent éloignées d'autres ressources documentaires, car historiquement situées près des sites d'observations. Elles ont développé depuis longtemps des échanges de listes et de documents édités par elles ou par les établissements de recherche qu'elles desservent. Elles entendent maintenir et développer ces échanges, tant de publications que d'information, en s'appuyant notamment sur les réseaux de télécommunications dont elles attendent beaucoup. Il est vrai que les facilités des messageries électroniques, par exemple, peuvent changer profondément nos façons de faire, puisqu'elles permettent vraiment de communiquer à des distances considérables aussi simplement qu'avec son voisin de bureau. Encore faut-il connaître assez son voisin de bureau pour s'adresser à lui, dans une démarche spontanée, sans formalisme. La pleine efficacité de ces moyens suppose donc aussi des rencontres et des informations régulières sur qui fait quoi, en d'autres termes, l'existence de réseaux sectoriels dynamiques.

Le développement de ces échanges et de ces techniques facilite et vivifie aussi les outils traditionnels comme les catalogues collectifs de périodiques, puisque deux sont en cours d'élaboration : le premier par 9 bibliothèques des États-Unis qui font appel à d'autres participations, un second, produit par la bibliothèque de l'Observatoire d'Edimbourg, commun actuellement à 5 bibliothèques, mais devant s'étendre aux collections spécialisées du BLDSC (British library document supply center) et d'une autre bibliothèque écossaise.

Parmi toutes les publications spécifiques des centres de recherche en astronomie, photographies, newsletters, mode d'emploi des instruments, données d'observations sur bandes magnétiques, grands atlas sur verre et sur films, une mention spéciale doit être faite sur les preprints, même si, comme les autres documents, aucune règle générale de traitement ne s'est dégagée.

Initialement destiné à compenser les délais de parution des articles dans les revues, le système de diffusion des prépublications a tout d'abord été organisé entre les chercheurs d'une même spécialité. Il est devenu beaucoup plus institutionnel avec des échanges de prépublications (ou, à défaut, de listes de prépublications) par les établissements eux-mêmes. Les bibliothèques les plus organisées et les plus impliquées dans le système (appelées parfois même « bibliothèques de preprints ») élaborent et diffusent des listes des prépublications reçues, qui font le bonheur et l'envie des autres établissements. Ce système d'édition papier dont la durée de vie est inférieure à deux ans apparaît très coûteux: mais au-delà des objectifs de diffusion rapide des connaissances, il s'agit également d'un moyen promotionnel des établissements, tant de leur image de marque que de leur capacité de coopération, comme l'étaient en partie autrefois les revues régulières que chaque observatoire ou presque a éditées jusque vers les années 50.

L'astronomie au présent, au passé et au futur

Comme un contrepoint aux perspectives modernistes, une session fut consacrée à la conservation du patrimoine, imprimés, manuscrits, instruments - dont l'intérêt scientifique se révèle de plus en plus important pour la recherche d'aujourd'hui, mais qui se situe également dans le courant actuel d'intérêt renouvelé pour l'histoire des sciences. Il fut aussi question du rôle des bibliothécaires et des astronomes dans l'organisation des services documentaires et un consensus se dégagea facilement en faveur de la présence indispensable de bibliothécaires professionnels assistés de comités d'astronomes.

Que seront-ils les bibliothécaires et les astronomes de l'année 2030, si le scénario du film vidéo qui fut présenté à la dernière session devient réalité ? Il suffira de parler avec son ordinateur pour obtenir les informations souhaitées, personnelles et professionnelles, pour établir tous les contacts désirés avec ses collègues, ses amis, sa famille. Toutes ces techniques existent, nous a-t-on dit, seule leur utilisation conjointe est encore futuriste. Il suffira de parler, mais quel langage ?

Deux visites de bibliothèques au programme : la Library of Congress, dont le fonctionnement ne put être appréhendé dans les 2 heures prévues, mais dont les kilomètres de couloirs donnèrent une vision très concrète de l'ampleur. Une visite de la bibliothèque du Goddard space flight Center (NASA), trop rapide elle aussi pour en tirer des conclusions détaillées, mais d'où ressort l'idée d'un vrai professionnalisme. Je ne mets pas au compte des visites de bibliothèque la réception de bienvenue, organisée de façon si chaleureuse par la bibliothèque de l'US naval Observatory qu'elle donna le ton à tous les travaux.

C'était la première réunion de ce type et on peut être sûr qu'elle ne restera pas sans lendemain, tant les nécessités accrues d'une coopération régulière sont ressenties par tous et tant est grande la volonté de chacun d'y participer. En dépit de quelques difficultés dues à la langue - le pseudo anglais international n'est simple pour personne -, le sentiment commun de partager un même métier, d'avoir les mêmes objectifs, de rencontrer les mêmes difficultés, l'emporta de loin sur les différences. Cette réunion fut en particulier l'occasion, pour les bibliothécaires européens d'astronomie, d'envisager la création d'un groupe permanent de travail en commun. Ce projet a déjà un nom EGAL (pour European group of astronomy librarians). C'est, nous l'espérons, un gage de son avenir.