Éditorial

De ligne en lignes

Les bibliothèques sont en pleine mutation. La nouvelle a même franchi les limites de la profession pour envahir la place publique et ces établissements respectables suscitent, à défaut d'admiration, tout au moins intérêt et attention de la part du public, voire des grands de ce monde.

L'époque paraît déjà lointaine, où les bibliothèques étaient perçues comme les gardiennes poussiéreuses d'un passé révolu : espace vivant, où l'écrit côtoie l'image, le son, et les données informatisées, la « médiathèque du futur » aiguise désormais l'imagination des architectes et l'envie des hommes politiques, et fait son entrée dans l'univers de la science fiction. Signe des temps ? Les bibliothèques, et pas seulement les plus grandes, tendent en effet de plus en plus à revêtir l'apparence austère et efficace d'un véritable laboratoire de la documentation ; les parcs de terminaux se multiplient, qui permettent de dialoguer avec les catalogues locaux et de se connecter aux grands centres serveurs internationaux, et les documents eux-mêmes, marqués de signes barbares - chiffres ou codes à barres traduisant, entre autres, le titre et l'auteur -, pourront bientôt être transmis à distance, en texte intégral, depuis n'importe quel point du globe !

Est-ce ouvrir la voie à une désertification et une déshumanisation des bibliothèques, comme se plaisent à le prédire certains ? Il ne semble pas que ce soit l'avis des lecteurs, ni en particulier des chercheurs, pourtant directement concernés. La qualité des informations sélectionnées dans les bases de données peut certes être augmentée ; l'interrogation de ces mêmes bases peut de même être notablement améliorée jusqu'à devenir le fait d'experts ; il n'en demeure pas moins vrai que le contact du document, d'une richesse et d'une complexité encore souvent insoupçonnées, reste et restera sans doute irremplaçable. La bibliothèque est plus que jamais appelée à être un lieu privilégié de rencontres ; l'arrivée en masse de salles d'actualité, salles multi-médias, ateliers d'écriture, laboratoires de langues, etc. dans les nouvelles médiathèques, de même que le rôle central que celles-ci sont de plus en plus amenées à jouer dans l'aménagement du tissu urbain en est une preuve indéniable.