SIBlL/REBUS

du système intégré à la solution permanente

par Emmanuel Henriot

Hubert Villard

Lausanne : Réseau des bibliothèques utilisant SIBIL, 1985. - 119 p. ; 21 cm.
ISBN 2-88203-000-2

SIBIL/REBUS a été publié en 1985. Du système intégré à la solution permanente : ces mots forment un sous-titre lapidaire mais significatif du contenu de l'ouvrage. Nous avons néanmoins cru bon d'en faire un résumé plus substantiel de manière à éclairer l'ensemble de la problématique du réseau.

Historique et bilan

La décision d'automatisation de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne, prise au début des années 70, basée sur une analyse volontairement limitée à l'environnement lausannois débouche sur le système SIBIL conçu et contrôlé par l'utilisateur final, en s'appuyant sur une équipe informatique stable intégrée à la bibliothèque. Pour assurer la pérennité des données, SIBIL s'appuie sur des normes de catalogage, et un format structuré suivant le MARC américain, revu et enrichi. Le développement a porté sur les applications de catalogage, d'acquisition et de prêt, en visant à faire un système intégré par le développement ultérieur du bulletinage, de la comptabilité et des statistiques.

Dès 1977, 100000 références sont gérées par SIBIL, qui suscite de l'intérêt en Suisse et à l'étranger. Il s'agit alors de convaincre les acquéreurs du système de ne toucher ni au logiciel ni au format des données afin de garantir la création d'un réseau d'échanges d'informations bibliographiques. La transplantation du logiciel sur d'autres sites permet de mettre en évidence les limitations ou les lacunes du système et de l'enrichir en développant des fonctionnalités alors intégrées au tronc commun. Les propositions sont discutées et avalisées par consultation de l'ensemble des utilisateurs pour éviter des solutions particularistes. L'attention se porte également sur la cohérence interne pour que SIBIL soit aussi indépendant que possible d'un environnement donné.

A partir de 1983 (catalogage en ligne) toutes les fonctionnalités sont désormais interactives, permettant l'émergence d'un véritable réseau de bibliothèques. SIBIL a entre-temps évolué d'un système monobibliothèque vers un système multibibliothèques. L'environnement centralisé pour satisfaire des besoins particuliers amène à adapter et à étendre le format, à adapter le logiciel de base pour garantir l'intégrité et la confidentialité des données. L'objectif des promoteurs de REBUS (réseau des utilisateurs de SIBIL) est l'interconnexion des sites SIBIL pour la mise en commun des données, pour élargir le nombre de notices disponibles, objectif qui se réalise en 1987 avec l'interconnexion Bâle-Lausanne.

SIBIL a pu suivre sans difficulté l'évolution du matériel (actuellement : IBM 3000/VRS CIEV Lausanne ; IBM 3090 modèle 2100/MVS au CNUSC en France). L'extension du format des données n'a pas remis en cause la structure physique des fichiers pas plus que les programmes y accédant. Des procédures en différé du début, on est passé à un mode de travail interactif autorisant la gestion d'un réseau de catalogage partagé. Le logiciel d'application a gagné au fil des ans en cohérence (fichier de contrôle centralisé) et cohésion (les modules redondants étant remplacés par un seul module paramétrable). La multiplication des sites et le contrôle centralisé du logiciel et du format retarde la programmation de fonctions nouvelles par la charge de l'équipe lausannoise : forces de travail attachées à la maintenance et à l'environnement du logiciel existant, prise en compte de certaines entraves, dues au contexte initial et dont l'acuité augmente avec le nombre de bibliothèques, prise en compte de limitations, initialement acceptées, mais qui ne le sont plus avec l'élargissement du réseau.

Les sites locaux se sont chargés de l'adaptation aux machines et logiciels de base locaux, mais n'ont pu empêcher ce paradoxe : ou bien le système est évolué et satisfaisant pour chacun mais s'avère complexe et dépendant de son environnement, ou bien il est universel mais fruste dans ses prestations. Cependant, la diffusion de SIBIL permet l'établissement d'un véritable réseau en évitant la juxtaposition de petits systèmes incompatibles entre eux. L'alimentation d'un fichier unique a forcé l'adoption de règles de travail identiques pour tous, et a débouché sur une base de données homogène dont la valeur est supérieure au logiciel qui l'a générée, et qui peut être sauvegardée même en cas de changement de système.

La souplesse : une solution permanente

SIBIL est-il encore porteur d'avenir pour des bibliothèques qui ne sont pas encore informatisées ? Les facteurs d'obsolescence d'un système se situent aux niveaux conceptuel, organique et opérationnel, la longévité d'un système dépendant de l'interaction de ces facteurs.

Un concept rigoureux, un format logique riche et extensible, une équipe de développement stable, un outil informatique efficace et durable font de SIBIL, non pas un système figé, mais plutôt une solution permanente aux problèmes bibliothéconomiques, ouverte à l'évolution du monde de l'information.

Des efforts de consolidation du système ont été réalisés (centralisation et uniformisation des contrôles, amélioration de la documentation, automatisation des sauvetages et réorganisation de la base de données) pour un meilleur contrôle du logiciel. Aux moyens initiaux d'accès aux fichiers (clés algorithmiques) s'ajoutent des accès en ligne (arbre en 1983, booléen en 1985) et la possibilité de constituer des fichiers temporaires de références. Cette richesse révèle la vitalité de SIBIL mais l'oblige à trouver des solutions aux problèmes que cette diversité entraîne. Devant la limitation des ordinateurs pour gérer à la fois production et accès à l'information bibliographique, SIBIL a choisi des procédures de mise à jour interactives et une mise à jour du fichier de base en différé à intervalles rapprochés (24 h maximum).

La conception souple du logiciel permet de fixer d'autres applications (prêt, acquisition) en temps réel. Faudra-t-il à l'avenir, pour éviter toute difficulté, réserver l'ordinateur du réseau aux seules fonctions communes et prendre les autres en charge sur des machines individualisées ? L'évolution historique apporte une autre difficulté : la volonté d'enrichissement du système pour en faire un système intégré se heurte aux exigences du réseau d'échanges entre partenaires toujours plus nombreux, dues notamment à l'absence de services bibliographiques nationaux efficaces. Dégagés de ce souci, d'autres services prendront en charge des fonctions de gestion !

Les perspectives

L'heure est à l'automatisation des bibliothèques en Suisse : plusieurs systèmes sont utilisés à Zurich, Berne, Lucerne. La Bibliothèque nationale suisse décide de s'automatiser à son tour. Des systèmes commerciaux, bien que limités dans le domaine de la gestion de l'information bibliographique, sont proposés sur le marché. Faut-il alors choisir un système intégré autonome ou jouer la carte réseau, avec des résultats tangibles à plus long terme ? La solution est plutôt une voie moyenne : réseau pour le travail bibliographique et le prêt interbibliothèques, et système local en interaction avec le réseau pour la gestion locale.

Invasion des micro-ordinateurs, généralisation des SGBD, systèmes experts, télécommunications fiables sont autant de faits dont il faut tenir compte . Ces technologies nouvelles favorisent la distribution de l'intelligence à portée de l'utilisateur, l'interconnexion des sytèmes et favorisent la distribution de fonctions à trois niveaux différents.

Un système informatisé gère en effet trois types d'information :
- gestion des objets (exemplaire, lecteur, fournisseur...), qui facilite le travail des bibliothécaires et administrateurs, seul domaine qui justifie l'utilisation d'un SGBD ;
- gestion de l'information bibliographique (description du contenant). Cette fonction facilite le travail des professionnels et s'adresse aussi au public. Le SGBD n'offre pas plus d'avantages que d'inconvénients. Des solutions d'avenir se profilent pour l'accès à cette information, CDROM, vidéodisque, les fichiers inversés donnant accès aux notices ayant une structure de type MARC semblent être la meilleure. Il est indispensable de centraliser cette fonction, pour rendre le catalogage moins redondant et coûteux ;
- gestion de l'information documentaire (description du contenu), pour laquelle les bibliothécaires se sentent encore concernés. L'idéal serait de gérer ces trois niveaux sur le même terminal. La distribution de certaines fonctions locales peut permettre de la gérer même en cas de panne de l'ordinateur, et de mieux assurer la confidentialité, un SGBD permet d'étendre la possibilité d'accès aux fichiers, mais pose le problème de l'interfaçage des systèmes et de la synchronisation des données.

On peut envisager plusieurs scénarios de réseau :
Environnement monosite : le cas d'un système centralisé est une solution de facilité qui concentre les traitements et les données sur un même ordinateur, mais avec des risques de surcharge, et qui facilite le contrôle du logiciel et de la base de données. Dans un deuxième cas, la distribution homogène de fonctions sur des sites IBM garantirait l'homogénéïté matérielle et logicielle ; cette solution oblige à dupliquer partiellement le logiciel et les données, et complique le réseau local de télécommunications, mais équilibre mieux les fonctions gérées localement et à distance. La troisième hypothèse consiste en une distribution sur des matériels et des logiciels hétérogènes, ce qui offre toute une gamme de solutions, avec intégration ou non à tel ou tel niveau. Coûteuse, cette direction risque de bloquer tout échange par la juxtaposition de couches spécifiques, et réclamerait en outre des terminaux différents pour fonctions locales et centrales. Par contre, l'utilisateur aurait un meilleur contrôle de ses données. Il s'agit donc de centraliser les fonctions bibliographiques et de répartir d'autres fonctions. L'éventail des combinaisons est vaste et il faut se garder de trop de dogmatisme.
Environnement multisites : il s'agit ici de faire communiquer les sites existants pour étendre la coopération dans le domaine du catalogage et de la localisation des ouvrages. Consultation directe du catalogue des autres sites, accélération du prêt interbibliothèques pourront être possibles. Au sein de REBUS, cette opération est facilitée par un format logique et physique de données et par un logiciel d'interrogation identiques. Le frein est dû au coût des télécommunications et il ne faut pas sous-estimer les aspects culturels, politiques, juridiques et financiers. De multiples solutions permettent la construction d'un réseau homogène reliant des bibliothèques utilisant SIBIL, réseau qu'il est tout à fait souhaitable de voir se concrétiser pour devenir le réseau des bibliothèques universitaires suisses.
Environnement élargi : les trois grands types de bibliothèques (universitaires, techniques, nationale) ont des fonds et des intérêts qui ne se recoupent pas toujours, mais peuvent se compléter. Des regroupements se sont déjà opérés entre elles (six bibliothèques universitaires dans REBUS, deux bibliothèques polytechniques sur le même environnement machine) mais il est inutile de compter sur un système idéal pour répondre à tous les besoins. L'étude des relations entre ces trois groupes montre qu'il n'est pas urgent d'établir des interfaces coûteux pour le catalogage. En ce qui concerne l'accès à l'information et la localisation des ouvrages, on risque de remettre en cause le catalogage collectif, pour lequel on peut chercher un autre type d'organisation et de fonctionnement.

En conclusion, on peut voir que SIBIL constitue une solution permanente aux problèmes des bibliothèques grâce aux technologies nouvelles et une visée à long terme. Dans le domaine des réseaux on s'est aperçu que la solution tenait moins à une complexification des matériels qu'à un saut qualitatif dans la conception du logiciel.

Cette complexification du logiciel n'est-elle pas qu'une étape intermédiaire ? La solution n'est-elle pas plutôt organisationnelle, voire politique ? Dans ce cas, il faut se pencher sur l'environnement de SIBIL et les contacts avec ses homologues. Nous sommes là dans le domaine des systèmes complexes où l'approche par tâtonnements est souvent la seule voie qui débouche quelque part et pour laquelle REBUS, par ses méthodes de travail coopératives, ses échanges intellectuels, est un terrain favorable. Il convient en effet de se garder d'une approche trop rapide, qui méconnaîtrait l'évolution imprévisible de l'environnement institutionnel.