Mariage forcé

la poste et le prêt inter

Francis Deguilly

Dans la longue série des pratiques héritées du passé qui ont la vie dure, il en est une qui doit être reconsidérée de fond en comble, en particulier par les bibliothèques publiques, municipales et centrales de prêt, et les bibliothèques universitaires qui croient pouvoir profiter de la franchise postale.

Il apparaît que des droits, qui semblaient bien établis, ne sont souvent que des pratiques courantes mais abusives que l'administration postale s'active depuis quelques années à circonvenir le plus possible.

La réglementation postale française est un labyrinthe, où le personnel des Postes lui-même s'égare facilement lorsqu'il ose s'y aventurer. Longtemps, cette situation profita aux bibliothèques : le laxisme quant au respect de la réglementation trouvait sa justification dans l'esprit de service public : pourquoi se faire payer des services entre administrations puisque, en fin de compte, c'est l'Etat qui paye ? De plus, le faible volume d'échanges entre bibliothèques n'incitait pas l'administration postale à faire respecter à la lettre un article inconnu de la plupart des receveurs des Postes. Ainsi s'était établi une sorte de droit coutumier qui ignorait les textes officiels en fait très restrictifs.

Tout a changé en 1983 lorsque, sur l'injonction du ministre des Postes et Télécommunications de mieux gérer les Postes, traditionnellement déficitaires, l'administration postale obtint que le gouvernement donne l'ordre à chaque administration de supporter les frais postaux qu'elle occasionne, et entreprit de faire respecter strictement la réglementation et de faire cesser les pratiques abusives des administrations.

D'où l'abondance des rappels à l'ordre adressés à plus ou moins bon escient aux bibliothèques de toutes catégories, y compris à la Bibliothèque nationale. Cet abandon progressif mais résolu de tout laxisme ne vise pas spécialement les bibliothèques mais les touche particulièrement à une époque où leurs frais de fonctionnement croissent souvent plus vite que leurs ressources.

La réglementation

Il convient de rappeler tout d'abord les principes de la réglementation postale en matière de franchise postale et la recommandation, avant d'étudier ses effets sur le prêt entre bibliothèques.

le courrier affranchi

En France, la Poste détient le monopole des transports de lettres et paquets d'un poids égal ou inférieur à 1 kg. Elle se charge également des paquets jusqu'à 5 kg et, sous certaines conditions, des sacs postaux jusqu'à 25 kg. Elle n'assume aucune responsabilité en ce qui concerne les retards de distribution, même dans le cas de « plis urgents » (envois « exprès »), ni dans le cas de perte ou de détérioration d'envois non recommandés.

En dehors du service courant, elle propose divers services spéciaux dont certains peuvent intéresser les bibliothèques :
- les coupons-réponse : les deux modèles (« Europe » et « internationaux » (achetés dans les bureaux de poste peuvent être envoyés à l'étranger pour payer des frais de port : ils sont en effet échangeables dans le monde entier contre des timbres représentant une valeur équivalente dans la monnaie du pays. Pour cette raison le paiement par coupons est apprécié dans les pays à monnaie faible. Il est, en France, très onéreux, car les coupons sont vendus 50 % (Europe) à 100 % (internationaux) plus chers que leur valeur d'échange. Le montant de paiements en coupons-réponse provenant d'autres bibliothèques ne peut être récupéré en numéraire. Les coupons peuvent être uniquement échangés contre des timbres ou, bien sûr, servir à payer d'autres transactions de prêt/photocopie : ils jouent alors le rôle d'unité de compte internationale, ce qui a son utilité dans le carcan administratif que connaissent la plupart des bibliothèques.
- les envois exprès ne sont pas « express ». Ils ne circulent pas plus vite que les autres envois, mais sont portés par porteur spécial dès leur arrivée.
- en France, le tarif « paquets-poste intra-départementaux » devient intéressant au-delà de 1 kg.
- pour l'étranger, le tarif « livres-brochures » est moitié-prix du tarif « imprimés »

la franchise postale

La franchise postale concerne uniquement la « correspondance exclusivement relative au service de l'Etat, échangée entre fonctionnaires chefs d'un service d'une administration de l'Etat », ainsi que la correspondance de même nature adressée par ces fonctionnaires aux chefs de service des établissements publics à caractère administratif dotés de l'autonomie financière (Instruction générale PTT, art. 393, p. 263).

Le terme « correspondance » désigne le produit de l'activité d'une administration et exclut donc toutes les photocopies d'articles de périodiques ou les imprimés non administratifs.

Pour que la correspondance administrative puisse circuler en franchise, il faut non seulement que l'émetteur ait le droit d'expédier de la correspondance en franchise, mais encore que le destinataire ait lui aussi la position administrative prévue par l'Instruction générale pour en recevoir. Le nombre de bénéficiaires de cette franchise est donc très réduit. Les fonctionnaires, même d'Etat, employés dans une administration régionale, départementale ou locale disposant d'un budget propre ne peuvent prétendre à envoyer ou recevoir de la correspondance en franchise. Les fonctionnaires des établissements publics à caractère administratif ne sont autorisés à recevoir en franchise que de la correspondance officielle émanant d'une administration centrale de l'Etat.

Ainsi la Bibliothèque nationale, à l'exception de la Régie du dépôt légal et du Centre de prêt pour les livres seulement, ne peut rien envoyer en franchise et ne peut recevoir de la correspondance en franchise que de l'administration centrale (ministères) et pas d'autres administrations telles que les bibliothèques, musées, etc.

Pour que la correspondance administrative puisse circuler en franchise, elle doit pouvoir être ouverte par l'administration postale à fin de vérification (« envois non clos »). Les envois « clos par nécessité » ne doivent concerner que de la correspondance administrative nécessitant la confidentialité.

Application pratique

Depuis le 1er septembre 1983, la correspondance officielle circulant en franchise est traitée par la Poste avec les « plis non urgents » (PNU). Cela entraîne plusieurs conséquences désagréables pour les administrations : des délais de remise variables en fonction de la distance et de l'urgence de la distribution, et pas de distribution le samedi.

la recommandation

La recommandation répond à trois besoins :
- attestation d'envoi pour l'expéditeur;
- attestation de distribution pour le destinataire ;
- garantie contre les risques de perte, détérioration ou spoliation totale, dans la limite de l'indemnité fixée par la réglementation.

Il existe quatre taux de recommandation (R1 à R4) en régime intérieur (c'est-à-dire l'ensemble des départements métropolitains et des DOM-TOM) et un taux unique pour l'étranger (R Et). La recommandation en « valeur déclarée » est un service haut de gamme, sorte d'assurance au montant fixé proportionnellement à la valeur de l'envoi : son coût et les contraintes de conditionnement devraient la faire réserver en France à l'envoi de documents d'une valeur supérieure à 1 220 F (montant maximum de l'indemnité prévue pour la recommandation R4). Comme la recommandation proportionnelle à la valeur du contenu des envois n'existe pas dans le régime international, il vaut mieux pour tout document précieux envoyer un substitut ou bien recourir aux services d'une entreprise spécialisée.

La réglementation postale et les bibliothèques

L'instruction générale des PTT (art. 396, p. 265; ou BO PTT, 1979, document 135 Po 17) est le document de référence pour toutes les dispositions concernant la franchise postale et le prêt entre bibliothèques. Il y a donc lieu de la rappeler sur les paquets expédiés en franchise postale, en lieu et place de l'affranchissement : FRANCHISE POSTALE PRÊT ENTRE BIBLIOTHÈQUES (Instr. gén. PTT art. 396)

Les autres mentions, du genre « Correspondance entre fonctionnaires publics » sont nulles et non avenues.

De ce texte il ressort sans ambiguïté que :
- les bibliothèques municipales, classées ou non, n'ont aucun droit à la franchise postale directement entre elles, que ce soit pour la correspondance ou pour les ouvrages de librairie. Elles n'y ont pas plus droit avec les autres types de bibliothèques. Elles ont droit uniquement à la franchise avec les bibliothèques publiques (c'est-à-dire les BM ou les BCP, mais pas les BU) pour les seuls ouvrages de librairie par l'entremise exclusive du Centre de prêt de la BN à Versailles.
- les bibliothèques centrales de prêt, ou plutôt leurs directeurs bénéficient de la franchise postale - pour la correspondance officielle avec les ministères mais pas pour l'envoi de formulaires de prêt ! - en tant que chefs de service d'une administration de l'Etat. La mise en oeuvre des lois sur la décentralisation
- art. 60 de la loi 83-663 du 22.7.83 - transférant les BCP aux départements doit remettre d'ailleurs ce droit en question. Les BCP peuvent par contre, comme les bibliothèques municipales, échanger, entre elles ou avec les BM, des ouvrages de librairie en franchise par l'entremise exclusive du Centre de prêt de la BN.
- les bibliothèques universitaires : en tant que responsables d'établissements publics à caractère administratif, les directeurs de BU ne bénéficient d'aucun droit à franchise comme expéditeurs. L'expédition par les bibliothèques universitaires, sous le couvert des recteurs d'académie, de diverses correspondances (formulaires de prêt, photocopies) destinées en fait à d'autres bibliothèques universitaires, avec lesquelles elles n'ont aucun droit à la franchise, constitue, selon l'administration postale, un subterfuge destiné à tourner la législation en vigueur. Mais, par dérogation à l'article 396 de l'Instruction générale des PTT, l'échange d'ouvrages en franchise a été autorisé entre BU sous couvert des recteurs d'académie. Donc les bibliothèques universitaires doivent affranchir les lettres qu'elles échangent et celles qu'elles adressent aux autres types de bibliothèques, mais les livres peuvent circuler en franchise d'une BU à une autre. Aucun droit à la franchise pour les livres échangés avec les autres types de bibliothèques; le Centre de prêt peut encore, jusqu'à nouvel ordre, servir d'intermédiaire.
- Le Centre de prêt de la Bibliothèque nationale est encore désigné sous son ancienne dénomination de « Service central des prêts » dans l'Instruction générale des PTT, qui ne date pourtant que de 1982. L'administration postale doit diffuser en 1987 un rectificatif auprès de tous les receveurs. Le Centre de prêt de la BN est autorisé, par dérogation à l'article 396 de l'Instruction générale PTT, à envoyer et recevoir des ouvrages de librairie en franchise : il joue ainsi le rôle d'intermédiaire obligé, mais involontaire, entre bibliothèques publiques.

La situation par rapport aux bibliothèques universitaires, du fait des changements fréquents de tutelle ministérielle des bibliothèques, n'est pas claire dans les textes de référence (Instr. gén., fasc. III, art. 396, p. 432 et B O PTT, 1979, doc. 135 Po 17, p. 64) : en effet, parmi les « fonctionnaires bénéficiant de la franchise de droit commun », sont regroupés sous le chapeau « Conservateurs du service du prêt », le « prêt universitaire » et le « prêt par l'intermédiaire du service central des prêts », ce qui laisse supposer que les échanges de l'un à l'autre sont possibles. L'administration postale, qui est favorable à une interprétation restrictive des textes sur la franchise, a pris conscience de l'ambiguïté de cette formulation, mais n'a pas encore, en mars 1987, apporté les modifications nécessaires à ce texte pour interdire les échanges entre les bibliothèques universitaires et le Centre de prêt de la BN en franchise postale. Les ouvrages - et eux seuls - peuvent donc encore circuler en franchise entre le Centre de prêt de la BN et les bibliothèques universitaires.

Le Centre de prêt bénéficie en outre de la franchise postale pour les ouvrages échangés avec les « fonctionnaires responsables d'un service central ou extérieur d'une administration de l'Etat » (cf. annexe 30 de l'Instr. gén. PTT) et pour les ouvrages envoyés aux « établissements publics à caractère administratif dotés de l'autonomie financière » (mais ceux-ci, ne bénéficiant pas de la franchise, doivent retourner les ouvrages prêtés en courrier affranchi).

le courrier affranchi

La possibililté d'envois directs de documents en franchise se révélant en fait très limitée, on peut chercher des solutions pour éviter d'avoir à payer les envois, mais il faut plutôt veiller à assurer la meilleure adéquation entre la valeur du document, la protection qu'on veut lui apporter et le coût de cette protection.

Eviter les envois payants. Pour les bibliothèques publiques et les bibliothèques universitaires, la solution est, soit de s'adresser au Centre de prêt pour obtenir de lui le prêt du document directement, soit de faire s'adresser à lui pour qu'il joue son rôle d'intermédiaire.

Le Centre de prêt accepte le transit des ouvrages, quoiqu'il éprouve souvent la lourdeur et le manque de sécurité de ce système. Il recommande, pour faciliter sa tâche, l'usage du double emballage. Le document est emballé normalement dans un paquet portant l'adresse de la bibliothèque destinaire et le paquet ainsi préparé est emballé dans un simple papier kraft (ou une pochette) à l'adresse du Centre de prêt. A son arrivée au Centre de prêt, il n'y a plus qu'à retirer le papier pour que le paquet soit prêt à repartir vers son destinataire final.

L'autre solution, la plus fréquente, est de faire prendre en charge les frais de port par son administration de tutelle (mairie, université, etc.). L'inconvénient de ce système réside dans l'intermédiaire supplémentaire que cela suppose (vaguemestre), source fréquente et incontrôlable de problèmes, parce que non sensibilisée aux problèmes spécifiques de l'expédition des ouvrages.

Limiter la charge du courrier payant. Le barême des tarifs postaux permet de découvrir certains tarifs préférentiels qu'il est toujours bon de connaître.

Le tarif « paquets-poste du régime intérieur » est le même que celui des lettres en courrier lent. Il existe un tarif réduit « courrier intra-départemental » pour les paquets. Pour les envois à l'étranger, penser au tarif spécial « livres » d'un coût nettement plus intéressant que le tarif « lettres » sans qu'il y ait de différence sensible dans les délais d'acheminement.

Le Canada et les pays francophones d'Afrique noire du « régime particulier » du barême PTT bénéficient de tarifs privilégiés méconnus.

La recommandation

le recommandé administratif

La lettre du Premier ministre du 19.3.1983 a permis à l'administration postale de traiter le courrier administratif (correspondance et paquets) comme des « plis non urgents » de deuxième catégorie.

Une vigoureuse campagne des administrations permit d'éviter la suppression pure et simple du service de « recommandation en exemption de taxe » (cf. note de service 83.332 du 9.9.1983: Acheminement du courrier administratif, BOEN, n° 32 du 15.9.1983, p. 2801). La Direction générale des Postes mit alors en service un système de « recommandé administratif », n° 512 F, beaucoup plus contraignant à l'usage que le précédent.

Pour envoyer des documents en « recommandé administratif » (donc en franchise), il faut:
- avoir le droit d'envoyer du courrier (correspondance ou paquets) en franchise postale;
- envoyer le courrier à un destinataire habilité à le recevoir en franchise;
- envoyer le courrier en France uniquement;
- demander au bureau de poste de dépôt un carnet de recommandé administratif 512 F (bordereaux jaunes);
- enregistrer les références du destinataire sur le carnet et sur la fiche de distribution. Ajouter les lettres distinctives attribuées par le bureau de poste;
- coller la fiche de distribution sur le paquet à côté de l'adresse;
- porter et faire viser par la poste paquet(s) et carnet.

Le recommandé administratif permet de prouver qu'un ouvrage a été expédié, mais ne prouve rien quant au contenu du paquet.

Il est économique et permet de se donner bonne conscience à bon compte sur la sécurité des prêts pendant le transport. Mais il a pour inconvénients la lenteur de circulation, la lourdeur de mise en oeuvre, et l'absence de responsabilité de l'administration postale en cas de perte, vol, etc. (art. D.72 du code des PTT).

la recommandation payante

La recommandation ne devrait pas être la règle mais se justifier seulement lorsqu'un envoi nécessite pour l'émetteur la certitude de la remise au destinataire ou pour obtenir un dédommagement permettant de remplacer l'ouvrage en cas de perte ou de détérioration.

Il existe en France pour le régime intérieur (c'est-à-dire la France et les DOM-TOM) quatre taux de recommandation (tarif paquets mars 1987) : R1 = 6,30 F, R2 = 7,90 F, R3 = 9,50 F, R4 = 11,20 F donnant droit respectivement à une indemnité maximale de 100, 430, 860 ou 1 220 F.

L'envoi en recommandé avec accusé de réception est un luxe (taxe supplémentaire de 5,10 F) inutile si l'on archive le coupon fourni au moment de l'envoi ou si l'on utilise un carnet d'enregistrement. Le régime international prévoit un seul taux de recommandation à 15,10 F (régime général) pour une indemnité maximale de 180 F.

La procédure est la suivante :
- choisir le taux de recommandation en fonction de la valeur présumée du (ou des) document(s) envoyé(s);
- remplir le formulaire approprié, ou le carnet de recommandation n° 512 pour les établissements ayant un trafic important (plus d'un envoi par jour), en cochant la case du taux choisi;
- coller le cartouche de recommandation à côté de l'adresse du destinataire;
- affranchir selon le poids et la destination du document et ajouter le montant du taux de recommandation choisi;
- porter le(s) formulaire(s) ou le carnet avec le(s) paquet(s) à la poste pour enregistrement.

L'envoi en recommandé est rapide, puisqu'il circule avec le courrier « urgent », et sûr : les cas de perte sont très rares.

Mais l'indemnité est trop modique pour les recommandés R1 et R Et (international) : le moindre livre d'art ou scientifique coûtant désormais 150 F, et le plus souvent plus de 200 F, la recommandation R2 au moins s'impose ;

Si les pertes sont rares et leur indemnisation prévue, les atteintes à l'intégrité physique des paquets sont rarement prises en compte par la Poste : il faudrait prouver qu'une partie d'un paquet a été spoliée ou que les dommages subis par un document à l'intérieur d'un paquet ont été occasionnés pendant le transport.

Contentieux

Les problèmes de contentieux avec la Poste sont ardus à résoudre pour trois raisons :
- la Poste admet en fait très mal les réclamations : elle cherche systématiquement à minimiser sa responsabilité. En outre, le plaignant n'a aucun moyen de contrôler le déroulement de l'enquête et il a bien du mal à suivre simplement le dossier;
- la valeur d'un ouvrage épuisé dans le commerce est très difficile à estimer et surtout à justifier auprès de la Poste. Sans justification, celle-ci n'accorde généralement qu'une partie de l'indemnité prévue;
- les contentieux entre services postaux de différents pays sont interminables et hors contrôle du plaignant.

Les dossiers de contentieux évoluent différemment selon deux critères : la nature du préjudice et celle de l'envoi.

La nature du préjudice

Trois cas ouvrent droit éventuel (dans le cas d'envoi en recommandé payant uniquement, rappelons-le) à une indemnité : perte (disparition de tout le paquet), spoliation (vol ou perte du contenu du paquet, le contenant ou une partie du paquet arrivant à bon port), détérioration.

Si la Poste doit bien reconnaître sa responsabilité dans le premier cas, elle conteste la bonne foi du plaignant dans les deux autres cas et n'accepte les réclamations que lorsque l'accident (spoliation ou détérioration) a été constaté et consigné sur le carnet de recommandation du préposé au moment de l'arrivée du paquet. Comme, pour les bibliothèques ayant un trafic important ou pour celles qui dépendent d'un service courrier extérieur, il est impossible de vérifier le contenu de chaque paquet immédiatement sous les yeux du préposé (à titre d'exemple, le Centre de prêt reçoit plus de 50 paquets par jour...), la possibilité de réclamation est très faible.

La nature de l'envoi

S'il est possible de déposer une réclamation pour tous les accidents survenus à un paquet, quel que soit son mode d'acheminement, seuls les envois payants en recommandé laissent une trace de leur passage à la poste et seront vraiment recherchés. La diligence des recherches est proportionnelle au taux de recommandation et au montant de l'indemnité que devra verser la Poste si le paquet reste introuvable.

Les chances de retrouver un ouvrage perdu ou spolié sont très faibles si celui-ci ne porte pas d'indication claire de propriété (importance de l'estampillage des documents prêtés).

Dans le régime international, même si la responsabilité d'un pays précis est établie dans un préjudice quelconque, l'indemnisation par la Poste française ne se fait qu'après versement de l'indemnité par le pays en cause et selon le taux de change en vigueur : ainsi une indemnité versée par un pays à monnaie faible ne rapporte que quelques francs.

La spoliation ou la détérioration d'un paquet doivent être signalées le plus tôt possible, le mieux étant de refuser d'accepter un envoi suspect (sauf dans le cas de paquets non recommandés où la réclamation ne peut se faire que pour la forme).

La perte d'un paquet se détecte lorsqu'une bibliothèque demande une deuxième fois un ouvrage qui lui a déjà été fourni (perte à l'aller) et lorsqu'un prêt se prolonge anormalement (dans ce cas il faut d'abord déterminer si le paquet a été perdu à l'aller ou au retour...). Dans les deux cas il faut effectuer un rappel auprès de la bibliothèque emprunteuse en demandant les renseignements suivants :
- ouvrage reçu ou non ?
- ouvrage encore détenu par la bibliothèque emprunteuse ?
- date du retour et destination ?
- nature de l'envoi, recommandé ou non ? (demander les références de l'envoi en cas de recommandé).

Si la réponse de l'emprunteur confirme l'hypothèse de la disparition du document, et que ce soit à l'aller ou au retour, il faut combiner les deux actions suivantes :

Demander à la bibliothèque emprunteuse de déposer une réclamation à la Poste (en particulier en cas d'envoi à l'étranger), qu'elle ait été au moment de la disparition destinataire ou émettrice, et effectuer la même démarche, que vous soyez émetteur ou destinataire au moment de la disparition.

La Poste fournit des formulaires de réclamation appropriés pour les divers types d'envoi :
- envoi ordinaire, régime intérieur... formulaire 845
- envoi recommandé, régime intérieur... formulaire 846
- envoi ordinaire, régime international... formulaire C.8
- envoi recommandé, régime international... formulaire C.9

Le délai maximum de dépôt d'une réclamation est d'un an à compter de la date d'envoi. Mais il faut savoir que le Service des objets perdus de la Poste ne conserve ceux-ci que six mois, faute de place...

Enfin, il faut toujours demander le maximum de l'indemnité prévue, la Poste se réservant le droit de ne pas accorder la totalité de la somme demandée, pour des raisons non précisées.

Une gratuité précaire

Les bibliothèques doivent, pour la plupart d'entre elles, reconsidérer sans plus tarder les habitudes prises dans le domaine de l'affranchissement et de la recommandation de leurs envois : même les plus grandes sont souvent en situation irrégulière !

Si elles réalisent encore, grâce à un laxisme en voie d'extinction, des économies de frais d'envoi non négligeables, il faut qu'elles prennent conscience des inconvénients de la précarité de cette situation de gratuité apparente dont la remise en cause désorganisera leur réseau de correspondants et provoquera le besoin impératif d'un budget « frais de port ».

Les inconvénients du système actuel sont connus:
- l'illégalité peut se voir mettre un terme à tout instant (affranchissement à payer ainsi qu'une surtaxe pour insuffisance d'affranchissement);
- la protection assurée (en ce qui concerne l'indemnisation) par la recommandation administrative est nulle;
- les possibilités de recours sont des plus minimes;
- la protection des documents pendant le transport ne peut être assurée qu'à grands frais (emballage, recommandation en valeur déclarée).

C'est pourquoi nous ne pourrons, pour conclure, que conseiller aux bibliothèques les règles suivantes :
1. renoncer, même lorsqu'elles y ont droit, aux envois en franchise et en recommandé administratif, dès que le document envoyé a une valeur de remplacement supérieure à l'indemnité du taux de recommandation le plus bas (R1 et R Et);
2. jouer des divers taux de recommandation pour assurer les documents au niveau de leur valeur de remplacement;
3. envoyer un substitut pour les documents non remplaçables et les envois à l'étranger.

Ne voyant pas comment la Poste pourrait évoluer dans un sens plus favorable (coût, fiabilité, sécurité) pour la circulation de nos documents, il faut s'intéresser de près aux technologies qui permettent (messagerie, minitel, télécopie) et qui permettront plus encore dans un avenir proche, de nous libérer de cette sujétion. Certes ces technologies seront chères mais, en groupant leurs efforts et leurs moyens, les bibliothèques doivent, pour survivre comme centres documentaires, passer de l'ère du facteur à celle du laser.